Mais êtes-vous en état de les lire, & de les entendre mieux, que le grand Bossuet ? […] On n’entendoit rien dans les anciennes, qui fît des impressions si facheuses, on étoit très-réservé à la Comédie. […] Direz-vous encore, que la Comédie actuelle est tellement épurée, qu’il n’y a rien, que l’oreille la plus chaste ne puisse entendre ? […] Je n’ai jamais, dit il à ce sujet, je n’ai jamais entendu la purgation des passions, par le moyen des passions mèmes. […] Je ne puis vous le dissimuler, m’a-t-elle répondu, j’y ai entendu bien des équivoques, qui m’ont fait peine.
La lecture des Romans et de la Comédie fait le même effet sur les esprits et sur les cœurs : Mais la Comédie a cela de plus, que comme elle est faite pour la représentation, la lecture en est encore plus dangereuse, parce qu’en lisant on s’imagine voir et entendre les Acteurs ; et ainsi la lecture même tient quelque chose de la force de la représentation. Or la représentation fait toujours des impressions plus vives que la lecture, comme le dit ce Poète qui a si bien entendu ce que peut la représentation.
La Philosophie ne fait point de martyrs de la Réligion, peut-être même n’est-ce qu’une ironie, que les savans devroient entendre, qui couvroit de ridicule des Dieux infames, dont le culte n’étoit qu’un tissu d’infamies. […] On n’y entend plus de grossieretés, mais on y en voit. […] Par air de modestie, elles font semblant de ne pas les appercevoir, ou d’y être indifférentes : elles sont aussi indifférentes à les entendre sur leur propre immodestie, & en réalité sur la scene & dans les loges, & en peinture, sur les décorations. […] Rien de plus mal entendu que la cruelle guerre des Iconoclastes. […] Si ces amans savoient que la personne qu’ils aiment entend derriere la tapisserie les discours qu’ils tiennent à son portrait, ils seroient fondés à les tenir ; mais pensent-ils qu’elle les entend ?
les unes de paroles seulement, qu’on dit, ou qu’on entend pour se recréer ; les autres d’actions, comme sont les jeux, les bals, et danses, etc. je donne ici les aides pour faire de joyeuses et saintes récréations, en toutes ces deux manières. […] ou que vous ferez, ou lesquels vous vous plairez d’entendre des autres, n’aient rien d’impie, ni de nuisible au prochain, ni ne soient contre la vérité, ni ne ternissent la beauté de la chasteté, en un mot qu’ils soient bons. […] La pensée et l’amour de Dieu, le désir de lui plaire, l’affection à votre salut, la crainte d’être tant soit peu désagréable aux yeux divins, ne pourront-ils pas vous servir d’un coton qui estoupe vos oreilles, pour n’entendre les infamies qui se disent en telles récréations ? […] on ne prêche pas, ni on ne baille pas des Méditations, mais on a quelques bons discours qu’on peut entendre sans se bander ; et on peut y être honnêtement recréé : à quoi encore peut servir quelque lecture récréative, avec liberté à chacun de dire son petit avis sur ce qu’on dira, ou qu’on lira. […] Lors qu’on emploie trop de temps au jeu, vous en verrez qui ne font que jouer dès le matin jusques au soir, d’autres qui emploient à cela les meilleures heures de la journée, et ne peuvent se retirer du jeu : c’est d’eux qu’on peut entendre ces paroles ; « ils ont estimé la vie n’être qu’un jeu, ou bien que le jeu était leur vie »,90 tous les deux sont blâmables ; voici la raison.
Quand les saints Peres vouloient détourner les premiers Chrétiens de ces spectacles, la plus forte raison qu’ils leur en apportoient, étoit, que cela étoit contraire à leur profession, & qu’ils devoient se souvenir qu’ils étoient Chrétiens ; ils ne s’amusoient pas à leur prouver si c’étoit un peché mortel, ni à leur expliquer ce qu’ils pouvoient faire en sûreté de conscience, ou ce qu’ils ne pouvoient pas ; c’étoit assez de leur faire entendre, que le nom & la qualité de Chrétiens, qui les obligeoit à mener une vie retirée, & éloignée de ces divertissemens mondains, y étoient interessez ; ils s’en tenoient là, sans disputer avec leurs Directeurs sur la qualité du peché ; au lieu qu’aujourd’huy, s’il n’y va du salut, & si le peché qu’ils commettent n’est d’une nature à leur attirer la damnation éternelle, rien ne peut être un motif suffisant pour reprimer cette ardente passion. […] En un mot, tout ce que l’on voit, & tout ce qu’on entend dans ces cercles si galants & si enjouez, n’est-il pas capable d’inspirer une passion, que l’on cache avec tant de soin, & que l’on déguise sous des noms spécieux, pour en cacher la honte ? […] Si donc, ceux qui ne ressentent déja que trop les atteintes de cette passion, cherchent encore à l’exciter par les yeux & par les oreilles, si au lieu de fuir les objets, qui peuvent rallumer un feu qui n’a jamais été bien amorti, ils les recherchent, & passent les deux ou trois heures, à voir & à entendre ce qu’il y a de plus capable de l’enflamer ; qui peut douter que ces personnes ne soient dans l’occasion prochaine du peché, & par consequent ne pechent effectivement de la rechercher ? […] Mais enfin, il me semble que j’entends quelqu’un qui me dit, que toutes ces raisons ne le regardent point, qu’il se connoît assez pour ne point apprehender les mauvaises impressions que cela peut faire, qu’il luy reste encore assez de temps aprés avoir vaqué à ses devoirs & à ses affaires, pour le donner à quelque divertissement, & qu’il n’est pas d’un rang si distingué, que son exemple puisse authoriser les desordres que les autres y peuvent commettre ; & pourquoy donc, dira-t-il, m’interdire un divertissement que nous ne voyons pas défendu par les Lois ni divines, ni humaines ? […] Or, s’il y a du danger de s’accoûtumer à entendre des sentimens & des maximes contraires à la Religion que nous professons, si l’Eglise même employe son authorité, pour défendre la lecture des livres suspects, si la compagnie des personnes qui ont toûjours ces maximes dans la bouche, ou qui reglent leur vie selon ces sentimens, est dangereuse, parce qu’ils les inspirent à ceux qui les frequentent ; y aura-t-il moins de danger à les voir exprimer, representer, approuver, écouter les applaudissemens que l’on donne à ceux qui les font le mieux sentir, & qui les font entrer dans l’esprit par la beauté des vers, & des pensées si noblement exprimées ?
» Nous ne voulons ni les voir ni les entendre : « Nihil est visu, dictu, auditu, nobis cum illis. […] a-t-il reçu les yeux pour satisfaire la concupiscence, la langue pour tenir, les oreilles pour entendre de mauvais discours, la bouche pour servir la gourmandise, les organes de la volupté pour se livrer à l'incontinence ? […] Nous ne pouvons même manger des viandes qui y sont offertes ; ce serait, contre la défense de l'Apôtre, participer à la cène du Seigneur et à celle des démons ; et s'il n'est pas permis de s'asseoir à leur table, l'est-il davantage de les voir et de les entendre ? […] » Si l'on doit avoir en horreur tout genre d'impureté, sera-t-il permis d'entendre de mauvais discours qu'il n'est pas permis de tenir, et de voir des actions qu'il n'est pas permis de faire ? […] Quelle doit être cette gloire que l'œil n'a jamais vu, l'oreille n'a point entendu, l'esprit de l'homme ne saurait comprendre !
Maffei qui a entendu faire de si pompeux éloges de sa Merope, ait parlé avec un mépris inconcevable de la Tragédie Françoise, nous ne songeons point à nous en chagriner. […] Dans ce même Livre Riccoboni paroît vouloir nous faire entendre qu’il représenta avec succès quelques Tragédies Italiennes, & que la Mérope de M. […] On croiroit que l’air du Pays n’est point favorable à ces beautés, à entendre dire à S. […] Evremond, dira-t-on, qui vivoit à Londres sans savoir l’Anglois, ne pouvoit pas juger des Piéces qu’il n’entendoit pas. […] Une Piéce de cette Nature doit charmer une oreille Angloise ; Caton lui-même n’eût pas dédaigné de l’entendre.