On ordonne souvent aux Magistrats & aux Ministres de danser sur la corde, pour montrer leur habileté.
Elle avoit à sa Cour deux Savans distingués, Meibonius qui venoit de donner au public un traité sur la musique des anciens Grecs, & Naudé qui en avoit donné une sur la danse des Romains ; elle voulut que Meibonius chantât à la Grecque, & Naudé dansât à la Romaine selon les principes de leurs ouvrages ; ils ne savoient ni chanter ni danser, elle ne vouloit que se moquer d’eux : ainsi l’un avec la voix cassée, rauque & tremblante ; l’autre avec ses pas lourds, traînans & sans cadence, lui donnèrent la farce sur son théatre, Naudé n’en fit que rire, Meibonius s’en offensa, il sut que l’Abbé Bourdelot avoit suggéré cette idée burlesque ; il l’attend quelques jours après, lui donne des coups de bâton, & sans prendre congé de la Reine, monte à cheval & se retire.
Tous les Ministres qui sont à Dantzic, l’Abbé d’Oliva & quantité d’autres, attirés par la singularité s’y trouvèrent : le panégyrique du Salomon du Nord fut suivi d’un grand repas de soixante-six couverts & d’un bal qui dura jusqu’au lendemain, où sans doute les jeunes Jésuites dansèrent, car il est juste & convenable que celui qui donne le bal en fasse les honneurs ; le lendemain on chanta un Te Deum, on juge bien que la comédie a été aussi de la fête, elle a toujours été usitée dans leurs collèges ; mais je ne sache pas qu’ils y eussent encore donné le bal.
Le nom de de la ville de Dantzick vient de l’allemand dant zen, qui signifie danse, & d’où peut-être le nom de danse nous est venu ; parce que quand on l’a bâtie, des paysans qui s’assembloient dans cet endroit pour danser, demanderent cette place pour bâtir un village, à l’Evêque du lieu à qui elle appartenoit.
Pour charmer son ennui, il se mit à danser la danse des Chinois dans l’opéra d’Issé, qu’on jouoit alors, & l’accompagnoit des attitudes grotesques de cette danse.
Il y eut des combats à Orléans & à Etampes : le Duc de Lorraine y vint danser un menuet, & s’en retourna.
Mais la belle nature qui partout est une, réprouve une représentation trop ouvrageuse ; elle nous dit : ou chantez, & remuez les passions par des sons doux, forts, emportés, déchirans, terribles2 : ou parlez, & sachez exciter l’admiration, la joie, l’attendrissement, la terreur, par des choses agréables, touchantes, surprenantes, capables d’épouvanter ; exprimées par une belle Poésie, & même par une Prose convenable : ou dansez, & par des gestes expressifs peignez tout ; par des attitudes gracieuses, ou par des mouvemens précipités, furieux, séduisez ou faites trembler. […] Parmi les Exercices de la Jeunesse, un des plus utiles, est sans contredit la Danse [M] [M] : il forme le corps, donne de la souplesse aux membres, augmente l’adresse, fait acquérir des grâces : on devrait, dans toutes nos Maisons publiques d’éducation, revenir du préjugé qui fait croire que la Religion condamne cet Exercice nécessaire ; une foule de Roquets déclament contre lui, avant d’avoir examiné ce que prohibe la Religion : qu’ils l’apprennent d’une femme : Les Grecs & les Romains, dans les temps de corruption, inventèrent des Pyrrhiques obscènes, qu’on dansait en chantant des paroles lascives* : on donna quelquefois de ces Danses sur les Théâtres, & dans presque toutes les maisons, on recevait des Mimes, qui les exécutaient, en jouant des Pièces infâmes : est-il étonnant, que la Religion Chrétienne qui commençait alors à réformer l’univers, se soit élevée contre ces sources de corruption, & qu’elle ait proscrit, sous le nom général de Danses, des amusemens que le Gouvernement civil n’aurait pas dû tolérer ?