Regardons notre Spectacle & ses Drames comme un moyen toujours prêt, dont la Puissance Souveraine peut faire usage pour inculquer aux Peuples telles maximes qu’elle croira convenir ; en temps de guerre, par exemple, l’héroïsme patriotique ; durant la paix, les Associations avantageuses, le goût des Arts utiles, du Commerce, des travaux profitables à la Population, &c. […] Riccoboni, convenons-en, avait trouvé, ainsi qu’il le desirait en proposant d’ôter les rôles aux femmes, le vrai moyen d’anéantir le Théâtre. […] En eux-mêmes, les Spectacles sont bons, louables, utiles : tout ce qu’on a dit jusqu’à présent tend à le prouver : & si cela ne suffit pas, le Sage de Genève, lui-même, dans une Note tirée de l’Instruction Chrétienne, convient que non-seulement les Spectacles en général sont bons (ce qui ne pouvait être révoqué en doute) ; mais que nos Pièces de Théâtre, « en tant qu’on y trouve une peinture des caractères & des actions des hommes, peuvent donner des leçons utiles & agréables pour toutes les conditions ». […] Je conviendrai donc, que l’austérité Républicaine ne peut comporter les Drames de ces deux derniers genres, parce que, eu égard au besoin qu’ont les hommes d’un contrepoids qui balance cette consentanéité dont jouit le vice, ils sont presque toujours pernicieux ; non pas absolument par l’action en elle-même, mais par la manière dont elle est présentée, & parce que l’Auteur n’ayant cherché qu’à donner du plaisir, il a laissé toute leur force aux inconvéniens de l’Histrionisme. Je conviens encore que l’Auteur d’un Drame sachant que ce n’est pas dans sa Pièce seule qu’est la source du plaisir qu’on va chercher au Spectacle, il peut légitimement compter sur le jeu des Acteurs & les grâces des Actrices ; supposer que sa Pièce tirera son principal agrément & sa plus grande force, de la bouche qui doit la débiter : mais, par cette raison même, c’est à lui, s’il prétend au mérite solide d’être un Citoyen utile, estimable, à ne fournir au Comédien qu’un jeu décent ; à ne rien mettre dans la bouche des Actrices qui puisse par elles se changer en poison pour les Spectateurs.
5 » A votre avis, tout cela ne convient-il pas le mieux du monde aux Spectacles que vous voulez justifier ? […] 6 » Encore une fois, tout cela ne convient-il pas aux Spectacles que vous approuvez ; et quand vous diriez que Tertullien a poussé les choses trop loin, et que j’en demeurerais d’accord, ne faut-il pas du moins que vous conveniez avec moi que ce n’est pas seulement à cause des excès prétendus qu’il condamnait les Spectacles des anciens. […] Mais comme je conviens avec vous que ces Théologiens n’ont pas eu en cela d’autres sentiments que Saint Thomas, tout dépend de bien connaître et de bien entendre la doctrine de ce Docteur Angélique. […] Ainsi la cinquième condition que Saint Thomas exige, ne lui convient pas mieux que les précédentes que j’ai examinées. […] Et quand il ajoute que ces gens entendaient des chansons déshonnêtes, etc. pouvait-il rien dire qui convînt mieux à l’Opéra ?
S’il m’arrive quelquefois de désigner ses Drames sous l’épithète de bouffons, ce n’est pas que je ne sçache qu’on peut m’en montrer plusieurs qui ne la méritent pas ; mais en général c’est le nom qui convient le mieux à ce Spectacle frivole & plaisant, à la manière dont ses Drames sont traités, & au genre qui le caractérise. […] Enfin ceux qui veulent travailler pour le Spectacle de la Nation, auront soin de s’instruire des noms qui conviennent à ses différens Drames.
J’avoue donc avec sincérité que je sens dans toute son étendue le grand bien que produirait la suppression entière du Théâtre ; et je conviens sans peine de tout ce que tant de personnes graves et d’un génie supérieur ont écrit sur cette matière : mais, comme il ne m’appartient pas de prendre le même ton, et que d’ailleurs les Spectacles sont permis et soutenus par l’autorité publique, qui sans doute les permet et les soutient par des raisons que je dois respecter, il serait indécent et inutile de les combattre dans l’idée de les détruire : j’ai donc tourné mes vues d’un autre côté ; j’ai cru que du moins il était de mon devoir de produire mes réflexions, et le plan de réformation que j’ai conçu pour mettre le Théâtre sur un autre pied, et pour le rendre, s’il est possible, tel que les bonnes mœurs et les égards de la société me paraissent l’exiger : c’est ce que je ne pouvais entreprendre dans le temps que j’étais Comédien, pour les raisons que l’on trouvera dans le corps de mon Ouvrage. […] Voilà de quelle manière et par quels motifs j’en ai conçu l’idée ; et je crois que c’était précisément à un homme tel que moi qu’il convenait d’écrire sur cette matière ; et cela par la même raison que celui qui s’est trouvé au milieu de la contagion, et qui a eu le bonheur de s’en sauver, est plus en état d’en faire une description exacte, et de fournir les moyens de s’en garantir que tout autre qui n’en aurait pas éprouvé les funestes effets.
Le sujet semble, en effet, au premier aperçu, beaucoup mieux convenir à un docteur de Sorbonne qu’a un maréchal de camp ; rarement on a vu le même homme mener de front les matières cléricales et les théories stratégiques ; il est fort permis à un général de n’avoir pas lu Baronius, et ce n’est certainement pas dans les actes des conciles qu’on apprend à placer des batteries ou à ranger une division en ligne de bataille ; enfin, si l’on me permet cette forme triviale, canons et canons il y a, et l’on pouvait raisonnablement craindre qu’un homme habitué à vivre au milieu de ceux de Mars, ne traitât un peu cavalièrement ceux de l’Eglise. […] Quant à la législation civile elle a été remplacée sur ce point comme sur tant d’autres par une législation nouvelle, attendu que ce qui convient dans un temps ne convient pas dans un autre.
En effet, si les danses d’aujourd’hui pouvaient convenir aveca la joie sainte de l’esprit Chrétien, pourquoi les condamnerait-on en certaines personnes, et en certains lieux, et lorsque l’usage en est trop fréquent ? […] NDE convenir avec = s'accorder avec.
Mais du reste sans altérer en aucune sorte les paroles de Jésus-Christ, et sans vouloir en adoucir la sévérité, je puis et je dois même convenir d’abord qu’il y a des récréations innocentes, des récréations honnêtes, et par conséquent permises selon les règles de discrétion et de modération que l’Evangile nous prescrit. […] Prenez garde, je ne dis pas que ç’a été la morale d’un de ces grands hommes, mais de tous : tellement que tous d’un consentement unanime sont convenus de ce point, qu’ils n’ont eu tous là-dessus qu’une même voix, et souvent que les mêmes expressions. […] Vous avez des enfants, et après avoir mis votre premiere étude à leur inspirer les sentiments de la piété chrétienne, la religion, j’en conviens, ne vous défend pas de leur faire prendre certains airs du monde. […] Ils conviendront avec moi de tout ce que j’ai dit du théatre, du jeu, des spectacles, des assemblées, des lectures, et de tout ce que j’en puis dire. […] Mais en second lieu, il y a, et j’en suis convenu d’abord, j’en conviens encore, il y a des récréations et des divertissements dans la vie de plus d’une espece : il y en a d’honnêtes, sans excès et sans danger, et voilà ceux qui vous sont accordés.