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30. (1667) Traité de la comédie et des spectacles « Traité de la comédie et des spectacles » pp. 1-50

« Maintenant qu'il s'agit de mon seul intérêt, Vous demandez ma mort, j'en accepte l'arrêt, Votre ressentiment choisit la main d'un autre; Je ne méritais pas de mourir de la vôtre, On ne me verra point en repousser les coups: Je dois trop de respect à qui combat pour vous, Et ravi de penser que c'est de vous qu'ils viennent, Puisque c'est votre honneur que ses armes soutiennent, Je vais lui présenter mon estomac ouvert, Adorant en sa main la vôtre qui me perd. » En vérité, peut-on pousser la profanation plus avant, et le faire en même temps d'une manière qui plaise davantage et qui soit plus dangereuse. […] Rodrigue n'obtiendrait pas le rang qu'il a dans la Comédie s'il ne l'eût mérité par deux duels, en tuant le Comte, et en désarmant Don Sanche: et si l'histoire le considère davantage par le nom de Cid, et par ses exploits contre les Mores; la Comédie l'estime beaucoup plus par sa passion pour Chimène et par ses deux combats particuliers. […] « C'est là que tu verras sur la terre et sur l'onde Le débris de Pharsale armer un autre monde, Et c'est là que j'irai pour hâter tes malheurs, Porter de rang en rang ces cendres et mes pleurs, Je veux que de ma haine ils reçoivent des règles, Qu'ils suivent au combat des urnes au lieu d'Aigles; Et que ce triste objet porte à leur souvenir Les soins de me venger, et ceux de te punir. » On ne peut pas dire qu'en cet endroit le Poète ait voulu donner de l'horreur de la vengeance, comme il a voulu en donner de celle de Cléopâtre dans Rodogune; au contraire, c'est par cette vengeance qu'il prétend rendre Comélie recommandable, et la relever au-dessus des autres femmes, en lui faisant un devoir, et une espèce même de piété, de sa haine pour César, qui attire le respect, et qui la fasse passer pour une personne héroïque. […] C'est pour cela que l'Ecriture nous apprend que la vie de l'homme sur la terre est un combat continuel, parce qu'il n'a pas plus tôt terrassé un ennemi, que cette défaite en fait naître un autre dans lui-même, et qu'ainsi la victoire n'est pas moins à craindre pour lui que ses pertes ; c'est avec ces armes que la chair fait cette cruelle guerre à l'esprit qui ne peut vivre qu'en mortifiant les passions de la chair : elles appartiennent à cette loi de mort qui s'oppose continuellement à la loi de l'esprit, et c'est pour cela qu'on ne peut être parfait Chrétien, que ce corps de péché ne soit détruit, que l'Homme céleste ne règne, et que le vieil homme ne soit crucifié.

31. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « CHAPITRE IV. Suite des effets des Passions. » pp. 84-107

Je sais qu'il est des livres de piété très bons et très autorisés (le Combat spirituel), qui donnent pour pratique aux âmes ferventes, d'exciter de nouveau les mouvements des passions que l'on vient de vaincre, la haine, la colère, l'impatience. […] l'ennemi qu'on fuit, qu'on combat, qu'on a vaincu, renaît de ses propres cendres, livre de nouveaux combats aux héros ses vainqueurs, et quelquefois les terrasse. […] Jean-Jacques Rousseau est plus conséquent ; il combat très philosophiquement les spectacles par de bonnes raisons, et qu'à son ordinaire il dit très bien. […] abandonné à lui-même, au dégoût, à l'ennui, aux combats, aux remords, quel dégoût du bien, quelle vivacité pour le mal !

32. (1775) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-septieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre V. Remarques Angloises. » pp. 133-170

Combats de cocqs, guerre de chiens, joûte d’ours & de taureaux : tout cela est très-dramatiques, les combattans sont d’habiles acteurs. […] Les romains, jusques aux femmes & aux vestales, faisoient leurs délices de ces combats meurtriers. […] Le défit fut accepté, & le public invité à venir voir le combat. […] Quand le combat eut commençé, & qu’elle entendit le cliquetis des armes, elle se voila & demeura voilée jusqu’a la fin. […] Les romains ne souffrirent d’abord ces combats qu’entre criminels condamnés à la mort.

33. (1762) Lettres historiques et critiques sur les spectacles, adressées à Mlle Clairon « Lettres sur les Spectacles à Mademoiselle Clairon. — LETTRE V. » pp. 82-97

L’Ange des ténébres prévoyant, ajoute ce Saint Pere1, que les cruautés du Cirque devoient bientôt prendre fin, qu’on se lasseroit du combat des Gladiateurs, a inventé un nouveau genre de Spectacles non moins à craindre ; on n’attente plus aujourd’hui sur le Théâtre à la vie naturelle de l’homme, c’est à la vie de l’ame que l’on en veut ; les Auteurs dramatiques s’en prennent à l’innocence des mœurs, ils jettent dans tous les quartiers d’une grande Ville des semences de péché qui germent, poussent des racines, multiplient leurs branches, & dont les fruits causeront bientôt une corruption générale. […] Il faut avoir oublié1 que nous sommes en un combat perpétuel contre les puissances infernales qui n’ont jamais plus de force, pour nous tenter & nous précipiter dans le crime, que lorsqu’elles nous surprennent dans la dissipation des Spectacles ; c’est une école de prostitution & d’indécence, ajoute ce Saint Pere2.

34. (1666) Dissertation sur la condemnation des théâtres « Disseration sur la Condemnation, des Théâtres. — Chapitre II. Que la représentation des Comédies et Tragédies était un acte de Religion parmi les Grecs et Romains. » pp. 36-56

Avant que d'entrer en matière, je suis obligé de remarquer deux choses pour faciliter l'intelligence de tout mon discours : l'une que le Théâtre ne signifie pas proprement comme nous l'entendons aujourd'hui, l'échafaud où paraissent les Acteurs des Comédies et Tragédies, mais un grand lieu composé de plusieurs bâtiments, galeries, promenoirs, et sièges pour les Spectateurs, au milieu duquel était un espace vide, où l'on donnait divers spectacles, comme de Gladiateurs, d'Athlètes et autres, selon le différent usage des Villes et des Provinces, où l'on dressait l'échafaud composé de plusieurs parties, que nous appellons maintenant comme d'un nom propre, le Théâtre ; et là se faisaient plusieurs Jeux, de musique, de danse, de Poésie, et plusieurs autres combats que l'on a souvent compris tous ensemble sous le nom de Jeux Scéniques ou de Théâtre. Mais rejetant ici tous les Combats et Spectacles qui ne regardent point les Poèmes Dramatiques, je ne veux entendre sous ce nom de Jeux de Théâtre que les représentations qui se faisaient sur cet échafaud, Théâtre ou Scène, soit qu'elles fussent sérieuses ou bouffonnes, honnêtes ou licencieuses.

35. (1715) La critique du théâtre anglais « AVERTISSEMENT DU TRADUCTEUR. » pp. -

Collier, lequel combat la Comédie Anglaise par un parallèle continuel avec celle des Anciens, dont l’Anglaise s’écarte si fort pour ce qui regarde les mœurs. […]  « Heureux, si le Théâtre au bon sens ramené, N’avait point, de l’amour aux intrigues borné Cru devoir inspirer d’une aveugle tendresse Aux plus sages Héros la honte et la paresse : Peindre aux bords de l’Hydaspe Alexandre amoureux, Négligeant le combat pour parler de ses feux, Et du jaloux dessein de surprendre une ingrate Au fort de sa défaite occuper Mithridate : Faire d’un Musulman un Amant délicat Et du sage Titus un imbécile, un fat, Qui coiffé d’une femme et ne pouvant la suivre Pleure, se désespère, et veut cesser de vivre … … … … … … … … … … … … Mais on suppose en vain cet amour vertueux : Il ne sert qu’à nourrir de plus coupables feux L’amour dans ces Héros plus prompt à nous séduire, Que toute leur vertu n’est propre à nous instruire. » Au regard des Anglais, que la paix multiplie chaque jour dans le Royaume, ils seront bien aises d’avoir un excellent Auteur de leur nation traduit dans une langue qu’il leur est nécessaire de savoir pour vivre en un pays étranger avec quelque plaisir et quelque satisfaction.

36. (1666) Dissertation sur la condemnation des théâtres « Disseration sur la Condemnation, des Théâtres. — Chapitre III. Que les anciens Pères de l'Eglise défendirent aux Chrétiens d'assister aux Jeux du Théâtre, parce que c'était participer à l'Idolâtrie. » pp. 57-89

Nos Livres sacrés ont condamné tous les Spectacles, en condamnant l'idolâtrie qui les a produits ; car quelle pompe de cette sorte est sans Idole, quels Jeux sans Sacrifices, quels Combats sans la mémoire de quelque mort auquel ils sont consacrés ? […] interdit par cette même considération la Communion aux Fidèles qui conduisaient les Chariots dans les Combats du Cirque ; car ces conducteurs de Chariots ne pouvaient être coupables que pour être participants de l'Idolâtrie, et il traite les Scéniques et les Histrions comme Apostats. […] Minerve est adorée dans les Gymnases, Vénus dans le Théâtre, Neptune dans le Cirque, Mars dans les Arènes des Gladiateurs, Mercure dans les Combats d'escrime ; et ce culte superstitieux est fait selon la qualité des Auteurs de ces Jeux.

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