L’Eglise condamne les comédiens, & croit par-là défendre assez les comédies : la décision en est précise dans les rituels ; la pratique en est constante. […] Si vous n’alliez point à la comédie, dit saint Chrysostôme, il n’y auroit point de comédiens : vous contribuez donc à leur péché, dit ce Père, & vous serez aussi punis comme eux. […] Le même, Liv. 2. de la Cité de Dieu, montre que les Romains tenoient pour infâmes les comédiens. […] Les comédiens & les baladins ont toujours passés pour des gens infâmes. […] Le métier de comédien est défendu, & par conséquent il n’est pas permis d’assister aux comédies.
Il se mêle au parterre, il monte sur le théatre, il fait tous les exercices d’un histrion avec plus d’ardeur que les Comédiens. […] A Nanci, où regnoit la plus grande misere après quarante huit ans d’une guerre qui avoit tout ravagé, il se trouve des Comédiens. […] Ces deux Princes, pleins de valeur, de courage, de graces, mais tous deux inconstans, Comédiens, libertins, ambitieux, infideles à leurs promesses, tantôt amis, tantôt ennemis de la France & de l’Espagne, finirent dans l’obscurité une vie trop célebre, en bien & en mal. […] Ce prétendu Roi de Naples avoit en tête ce Jean d’Autriche, bâtard du Roi d’Espagne, qu’il avoit eu d’une Comédienne.
Il est si raisonnable, si juste et si facile (moyennant la réformation votée ), d’établir une distinction satisfaisante entre les comédies et comédiens actuels, et les ordures ou farces et farceurs qui ont motivé dans le principe les monitions et les peines spirituelles, qu’il est à espérer que les sages législateurs des deux ordres s’en occuperont, et trouveront convenable à notre temps et conforme à la justice de faire revivre une ancienne déclaration d’un roi de France, de Louis XIII. Ce prince veut, dans cet acte conciliant publié en 1641, que l’état de comédien ne soit pas regardé comme infâme, et que son exercice ne puisse leur être imputé à blâme, ni préjudicier à leur réputation dans le commerce public, pourvu qu’ils se contiennent dans les termes de leurs devoirs, et qu ils ne jouent que des pièces de théâtre qui soient exemptes d’impuretés et de paroles lascives et à double entente, etc. […] En présence d’institutions de toute espèce et pour tout besoin, organisées avec un soin scrupuleux, suivant toutes les règles de la prudence, dont les maîtres et sous-maîtres sont choisis par des supérieurs qui ont passé par tous les grades, subi eux-mêmes toutes les épreuves, les concours, les examens sévères sur les études et la capacité, sur les principes et la moralité, épreuves qu’ils font subir aux aspirants avant de leur accorder le droit d’instruire et former les autres, droit qui encore n’est que la faculté de transmettre avec une autorité respectable à leurs élèves ou disciples soumis, obligés de les écouter, des préceptes ou des leçons dès long-temps préparées et approuvées, déclarées classiques, après avoir été épurées au creuset de la sagesse et de l’expérience ; en présence de semblables institutions, dis-je, et de tels instituteurs, je vois une confusion de professeurs, auteurs, acteurs et actrices, ou maîtres et maîtresses, d’une institution différente, isolés, éparpillés, aventuriers, errants, sans unité, obscurs ou distingués, estimables ou méprisables, licencieux, effrénés, etc., qui ont la plus grande influence sur les mœurs qu’ils font métier de corriger, sans être obligés de prouver qu’ils en ont, et trop souvent sans en avoir ; qui sont sans mission régulière, sans titre ou sans caractère (observez qu’il ne s’agit pas ici d’écrivains qui publient simplement leurs pensées, mais d’instituteurs qui ont des écoles ouvertes dans toute l’Europe, qui appliquent leurs soins presque à tous les genres d’instruction, qui se chargent de l’éducation et de la réforme des deux sexes, des trois âges et de toutes les conditions) ; sans titre, dis-je, sans guide, sous le rapport essentiel, dont la dépendance immédiate est nulle dans l’intérêt des mœurs, qui n’ont que des chefs d’entreprise, ou spéculateurs, traitants, hommes ou femmes, pieux ou impies, croyants ou athées, édifiants ou scandaleux, à qui il suffit surtout d’avoir de l’argent et de l’industrie pour diriger une troupe de comédiens, ou maîtres de cette école, choisis comme eux ; qui, étrangers au grand corps constitué centre de l’instruction et de l’éducation publiques, et sans être astreints à aucune de ses plus importantes formes de garantie, jouissent également du droit d’instruire et de former ou réformer, en transmettant, non en maîtres, avec une autorité respectable, des préceptes ou leçons dès long-temps préparées et approuvées, mais en sujets tremblants, des leçons toutes nouvelles et hasardées pour la plupart ; non à des élèves soumis et obligés de les écouter, mais à des disciples-juges auxquels ils sont obligés, au contraire, de soumettre et préceptes et leçons, et leurs personnes mêmes, qui sont tous sifflés ou applaudis, rejetés ou admis, selon le goût et le bon plaisir des écoliers. […] Considérés sous ce point de vue, les comédiens allant de ville en ville, ou de spectacle en spectacle, vendre un tel plaisir et de telles leçons, ont en effet le plus grand rapport avec ces empyriques, non-aggrégés aussi, qui courent les pays ou les rues, vendant du baume et du vulnéraire qui empoisonnent. […] On sait que les savants solitaires, ou Misantropes, de Port-Royal, et notamment le fameux Nicole, traitent les auteurs de comédies, comme les comédiens, d’empoisonneurs publics.
On convient assez que chaque Représentation produit aux Comédiens aux environs de 150 livres, ce qui fait près de 600. livres par semaine, & 2400. livres par mois ; de façon que s’ils restent ici un an, ils emporteront aux environs de dix mille écus : somme exorbitante pour la ville.
Les Comédiens de Province devraient être soigneux de la conserver, en ne fesant pas retirer une table, un fauteuil, ou ramasser quelque chose par un garçon de Théâtre, tandis que la Scène est occupée. […] Ne les voyons-nous pas appliquer tout de suite au Comédien certains discours que son role lui met dans la bouche ? Il serait à propos que les Auteurs évitassent tout ce qui peut avoir quelque rapport à la vie du Comédien.
Si, sous des maîtres pieux, on avait tant de peine à contenir les théâtres dans les bornes de la décence, on sent aisément qu’ils ne peuvent qu’être très licencieux lorsqu’ils sont dirigés par des comédiens, qui n’ont d’autre but que de plaire aux spectateurs, et de tirer un salaire du plaisir qu’ils leur procurent.
Et y eût-il même par hasard quelque pièce dégagée de toute passion, ce qui ne doit pas être, puisqu'elle serait froide et mal accueillie, on ne devrait pas y aller, parce que du moins ce serait autoriser et entretenir des Comédiens, dont l'esprit, le dessein et le métier, est d'en remuer tous les ressorts, et s'exposer à être blessé tôt ou tard par ces mortels ennemis, surtout la jeunesse, dont le cœur neuf et facile est susceptible de toutes sortes d'affections, et se corrige si difficilement des mauvaises dont elle fut d'abord infectée.