Des troupes ambulances d’acteurs, dont tout est plein, & qui pour de l’argent font ce qu’on veut, suivent la biere du mort jusqu’au tombeau, & par une scene mouvente représentent en chemin sans s’arrêter ce qu’ils jugent à propos, analogue autant qu’ils peuvent à la nature de la fête & au caractere du défunt, des choses lugubres & tragiques, des traits graves pour les Magistrats, des mouvemens vifs pour la jeunesse, pésans pour un âge avancé, des exploits guerriers pour les Militaires.
Elle se trahit à tout moment par ses ariettes galantes, par le détail de l’amour de Colin dans la romance, par ses allarmes sur le départ de son amant, l’éloge qu’elle en fait, l’embarras de ses réponses, le pardon qu’elle accorde à son amant, la conversation la plus tendre en duo, le duel à coups de poings qu’elle arrête, &c. tout ce manége de romans & d’opéra.
Il a fait brûler cette piece en place publique par la main du bourreau ; il a fait les plus grandes perquisitions pour en découvrir les auteurs, & mis leurs tètes à prix, promettant cinq cens écus romains à celui qui les découvriroit, & a fait arrêter plus de vingt personnes.
On abolit toutes les loix si sagement établies pour la décence & la sûreté des mariages, toutes à l’avantage des contractans & de leurs familles ; on y approuve, on y conseille, on y ménage les mariages clandestins, si rigoureusement punis par toutes les loix, pour éviter les surprises de la séduction, & arrêter l’aveugle précipitation d’une jeunesse aussi folle qu’emportée dans ses passions.
Il s’y fait quelquefois tant de bruit qu’on n’y entendroir pas le tonnerre, & elles y disent des choses si plaisantes qu’elles font mourir de rire ; car leur vivacité n’est arrêtée par aucune bienséance ; elles savent les avantures de tout le monde, & s’il y a un bon mot à dire sur le Roi ou la Reine, elles aimeroient mieux être pendues que d’y manquer.
Quelque engageans que soient les agrémens du visage, il porte son antidote ; une sage modestie, une prudente gravité en imposent ; la vertu s’y peint avec les traits les plus respectables, l’ame se montre toute entiere sur ce miroir ; elle inspire l’estime, la crainte, le respect ; elle édifie, elle gagne, arrête, refuse, défend, exerce une sorte d’empire : un coup d’œil suffit pour déconcerter les plus téméraires & étouffer tous les sentimens corrompus que la beauté pourroit faire naître.
Je n’ai rapporté tous ces traits que pour faire sentir l’étroite liaison entre le masque, le théatre & le vice, dans les personnes même dont l’esprit, l’état, l’honneur, l’intérêt, devroient élever les plus fortes barrieres, & qui ne peuvent en arrêter le cours.