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6. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre XIII. L’Opéra est le plus dangereux de tous les spectacles. » pp. 111-117

Par toi-même bientôt conduite à l’opéra, De quel air penses-tu que ta sainte verra D’un spectacle enchanteur la pompe harmonieuse, Ces danses, ces héros à voix luxurieuse ? […] C’est là que la volupté entre par tous les sens, que tous les arts concourent à l’embellir, que la poésie ne rime presque jamais que l’amour et ses douceurs ; que la musique fait entendre les accents des passions les plus vives ; que la danse retrace aux yeux ou rappelle à l’esprit les images qu’un cœur chaste redoute le plus ; que la peinture ajoute à l’enchantement par ses décorations et ses prestiges ; qu’une espèce de magie nous transporte dans les pays des fées, à Paphos, à Cythère, et nous fait éprouver insensiblement toute la contagion de l’air impur qu’on y respire ; c’est là que tout nous dit de céder sans résistance aux attraits du penchant ; c’est là que l’âme amollie par degrés perd toute sa force et son courage ; qu’on languit, qu’on soupire, qu’un feu secret s’allume et menace du plus terrible embrasement ; que des larmes coulent pour le vice, qu’on oublie ses vertus, et que, privé de toute réflexion, réduit à la faculté de sentir, lié par de honteuses chaînes, mais qui paraissent des chaînes de fleurs, on ne sait pas même s’indigner de sa faiblesseau. » Aussi Riccoboni, auteur et comédien tout à la fois, après être convenu que, dès la première année qu’il monta sur le théâtre, il ne cessa de l’envisager du mauvais côté, déclare qu’après une épreuve de cinquante années, il ne pouvait s’empêcher d’avouer que rien ne serait plus utile que la suppression entière de tous les spectacles. […] Et ces airs tant répétés dans le monde ne servent qu’à insinuer les passions les plus décevantes, en les rendant plus agréables et plus vives par les charmes d’une musique, qui ne demeure si facilement imprimée dans la mémoire que parce qu’elle prend d’abord l’oreille et le cœur. […] En effet, on n’y entend retentir que des airs efféminés de ce genre de musique, auquel Quintilien reproche de contribuer à éteindre et à étouffer en nous ce qui peut nous rester encore de force et de vertu.

7. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « CHAPITRE VII. De la frivolité et de la familiarité. » pp. 150-162

Ce terme qui a un air de badinage, n'est point déplacé en parlant de la comédie. […] De quel air ? […] Tous ces petits livrets, ainsi que les petits airs, ne sont que des comédies. […] Par un faux air de grandeur on se croit en droit et on se fait un mérite d'agir avec les gens librement et sans se gêner, ce qui détruit l'estime et la paix. […] A voir cet Acteur traiter légèrement les matières les plus importantes, d'un style aisé et cavalier, d'un ton de suffisance et de supériorité, d'un air tranchant et décisif, qu'il voudrait travestir en mérite, on le prendrait pour un génie supérieur, un maître consommé, à qui toutes les sciences sont familieres.

8. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre XVI. Il y a des divertissements plus utiles et plus décents que les spectacles. » pp. 138-149

En effet, « peut-on se délasser en allant se renfermer pendant trois ou quatre heures dans une salle, dont l’air infecté par les haleines et le désagréable luminaire, ne peut être que très-préjudiciable à la santé, et par conséquent peu propre à affecter utilement des organes fatigués par le travailbg ? » « Dans quelle crise doit se trouver le physique d’un homme, qui se tenant dans une posture immobile et gênée, l’espace de trois ou quatre heures, dans une place hermétiquement fermée, respire cinquante ou soixante mille fois l’haleine de trois ou quatre mille personnes asthmatiques, pulmoniques, scorbutiques, hydropiques, éthiques, lépreuses, effrayant mélange d’air épaissi encore et détérioré par la fumée de quelques centaines de chandelles, lampes, bougies, flambeaux ; qui, en même temps, éprouvent toutes les commotions de volupté, de haine, de tristesse, de vengeance, que le spectacle fait naître. […] » Ne peut-on pas se procurer des divertissements plus décents et plus utiles à la santé, dans les promenades champêtres, où l’on se repose de ses travaux, où l’on se remet de l’étourdissement des affaires, « où l’air infecté des spectacles est remplacé par un air bienfaisant, travaillé des mains de la nature ; où, au lieu des émanations léthifères de toute espèce concentrées dans un espace étroit, on ne respire que le parfum de plantes salutairesbi ?  […] La pluie, les nuages, le tonnerre, les ouragans, la légèreté de l’air, les oiseaux qui le traversent avec autant de rapidité, les poissons qui fendent les ondes ; cette multitude innombrable d’animaux qui vivent sur la terre ; l’homme enfin, le chef-d’œuvre des mains de Dieu, la seule créature faite à son image et pour sa gloire !

9. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre treizieme « Réflexions morales, politiques, historiques,et littéraires, sur le théatre. — Chapitre VI.  » pp. 193-217

Que dans les pays chauds un esclave porte un parasol contre les ardeurs du soleil, un éventail pour chasser les mouches, une cassolette pour parfumer l’air, ces services ont leur utilité ; mais à quoi sert un poliçon qui porte un morceau d’étoffe derriere son maître ? […] On les voit pourtant dans les cérémonies avec une soutane & un manteau, terminés par de longues queues, qu’on dit avoir un air de grandeur. […] On croyoit y voir un air de grandeur, lorsque sur la scene les Princes & les Princesses de la Cour de Melpomene s’en affubloient pompeusement. […] 2.° Les queues ont un air de gravité parce qu’elles rendent l’action & la marche plus lente, ce qui est bien opposé à la vivacité & à la legereté Françoise, au dégagement des habits, & à la facilité des mouvemens. […] Elles ont un air militaire qui perpétue la gloire & les exploits des ancêtres.

10. (1768) Réflexions sur le théâtre, vol 7 « Réflexions sur le théâtre, vol 7 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE SEPTIÈME. — CHAPITRE III. Théatre de S. Foix. » pp. 52-75

Malgré la galanterie de toutes parts répandue à pleines mains, ce n’est pas un cœur tendre comme Racine, c’est une imagination licencieuse comme Bocace & la Fontaine dans ses Contes, qui s’égaie sur le corps humain dans l’état de pure nature, & en diversifie les jours & les attitudes, toujours avec agrément, un ton de politesse & un air de décence. […] Il est vrai qu’il ne la place qu’après le péché, & comme une suite du péché, ce qui y répand une sorte de contrepoison, & de sombres nuages sur le tableau ; au lieu que notre Auteur écarte avec soin toute idée de péché, pour tendre un piège plus dangereux sous un air d’innocence qui rassure & invite. […] C’est-à-dire que parce qu’on peut être malade dans le meilleur air & le lieu le plus sain, il faut l’abandonner pour aller dans une ville pestiférée, se mêler sans précaution, se lier, se familiariser avec tout ce qu’il y a de plus contagieux. […] Voilà l’air de famille de toutes ses pieces ; car parmi les éloges que l’Auteur se donne par-tout d’un air nonchalant, il fait beaucoup valoir que dans toutes ses pieces il n’y a pas une scène superflue, ni rien de superflu dans les scènes ; qu’au reste c’est un grand mérite, qu’il est plus difficile qu’on ne pense de traiter une action simple sans écart, sans remplissage, avec les seuls Acteurs absolument nécessaires, & ne faisant dire à chacun que ce qu’il doit précisément dire ; qu’il y a tant de variété & de fécondité dans son théatre, que les pieces n’ont pas même un air de famille. […] Mais j’ose dire que l’air de pruderie & de décence dont on veut faire honneur au théatre, n’est qu’un piege pour surprendre les simples, & un libertinage qui se joue effrontément de la vertu, & en emprunte les apparences, pour lui porter les plus funestes coups.

11. (1778) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre vingtieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre II. Suite du Clergé Comédien, » pp. 52-67

L’apostat fut un persécuteur déclaré ; d’abord avec quelque réserve, & sans effusion de sang, se contentant d’exclure les chrétiens des charges, leur interdisant l’étude & l’enseignement des belles-lettres, dépouillant les églises, & affectant un air de justice & de modération : mais, bien-tôt levant le masque, il les livra à leurs plus grands ennemis, qui ne pouvoient mieux lui faire leur cour qu’en faisant couler le sang galiléen ; lui-même en fit mourir un grand nombre, & jura de les exterminer tous après la guerre de Perse. […] Cette dame, d’ailleurs si vertueuse, eut le malheur d’affoiblir & de faire presque évanouir deux conversions les plus importantes en ce genre, d’un grand roi, l’amateur le plus déclaré, & du plus grand poëte dramatique, par l’air contagieux du théâtre qu’on leur fit respirer. […] Sans cela le couvent seroit-il supportable,         Si quelquefois d’un air aimable         On n’assaisonnoit ses rigueurs,     En pourroit-on soutenir les horreurs ? […] SILVIE         Sur-tout quand il a pour témoin Du mystique Sénat l’air dévot & sublime. […]         J’aime à descendre du donjon,         Voir mes gens en robe de chambre,         Et sans tous ces airs de glaçon         Qu’inspire le mois de décembre.

12. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Chapitre premier. De la Musique. » pp. 125-183

Remarquez que tous les airs des chansons ne sont autre chose qu’une manière de parler plus ou moins lente, plus ou moins rapide. […] La marche pressée & rapide de nos grands airs ou de nos chansons est un signe de joye ; leur mouvement progressif & faible, nous peint la douleur ou la tendresse. […] Enchantée de savoir un nombre infini de petits airs, elle les joignit à des paroles tendres qui èxprimaient les sentimens de son cœur. […] Louis XII a, dit on, composé un petit Livre d’airs légers. […] Pithagore composait des chants & des airs pour appaiser les passions violentes qui troublent les sens, comme un Médecin compose une potion cordiale pour la guérison d’un malade.

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