En France, où les comédiens savans & vertueux sont en très-petit nombre, & où encore moins d’actrices cherchent la célébrité par la régularité des mœurs ; les protecteurs des foyers passent condamnation, & n’ont garde de demander pour leurs protégés, les considérations personnelles ; les gens du bel air, & du bon ton, en France, n’ont pas assez de logique pour d’istinguer l’homme de l’artiste, & la profession du mérite. […] Jotof étoit âgé de 80 ans, le Czar imagina de lui faire épouser une veuve de son âge, & de célébrer solemnellement cette noce ; il fit faire l’invitation par quatre begues, des vieillards décrépits conduisoient la vieille mariée ; quatre des plus gros hommes servoient de coureurs, la musique étoit sur un char, conduit par des ours qu’on piquoit avec des pointes de fer, & qui par leur mugissement formoient une basse digne des airs qu’on jouoit sur le chariot.
Si on parle des pas mesurés en cadence sur un air, elle est bien postérieure au chant. […] Les femmes se sont rangées sur son passage, & non contentes de crier avec transport, Vive le Prince Charles, elles se sont décoëffées & ont jetté leurs coëffes en l’air.
On les appela lascives, nom qui désigne assez leur emploi, leurs airs, leurs figures. […] Au milieu d’un carré formé par quatre allées, on a placé un orchestre qui joue les plus beaux airs ; on danse, on se promène, &c. chacun à son gré.
A deux cens lieues de son pays, elle entre par curiosité dans une Eglise, démêle la voix de son amant parmi les Religieux qui chantent, et se fait Religieux pour vivre avec lui : « … Près de lui je vivrai, L'air qui vient l'animer, je le respirerai. » Bien plus, pour le séduire, si elle peut, et s'enfuir avec lui : « Je conçois le projet d'enlever à son Dieu Une âme qu'il semblait échauffer de son feu. » Une hypocrite sans religion, sans pudeur, qui se joue des choses les plus saintes, et persévère jusqu'à la mort dans ses sacrilèges : « C'était d'un homme, ô Dieu, que j'encensais l'image, … Il n'était point d'autre Dieu pour mon cœur. » Un personnage si méprisable peut-il intéresser personne, inspirer ni amour ni pitié ? […] Des points de reticence (…) à tout moment qui fatiguent la vue dans la lecture, fatigueraient dans la déclamation, tant ils sont multipliés, et qui ne servent qu'à cacher sous un air mystérieux l'embarras du Poète, dans des phrases commencées qu'il ne sait pas finir, et des vers enjambés qu'il n'a pas su mesurer.
Tout se présentoit à Élisabeth avec un air de problème, la moitié de l’Europe flottoit incertaine entre les deux Religions, Catholique & Protestante, son père & sa mère avoient toujours été Catholiques, & ne cessèrent de l’être que par libertinage. […] Le Chancelier Bacon, Protestant célèbre par son génie & par ses injustices, monta sur le théatre avec elle, & lui dit d’un air patelin & mystérieux : Il y a encore quatre prisonniers pour religion qui ne sont pas delivrés, Mathieu, Marc, Luc, & Jean, ils attendent leur liberté avec impatience. […] La France punissoit la révolte de la Rochelle, l’Angleterre celle des Irlandois, & on soutenoit celle de la Hollande ; encore si l’Angleterre eut en guerre avec l’Espagne, mais les deux nations étoient en paix, Philippe avoit épousé la Reine Marie, il avoit sauvé la vie à Elisabeth, elle se ligua avec ses Sujets rebelles pour lui faire la guerre, leur fournit de l’argent, des troupes : ses généraux s’emparent de plusieurs places pour gage des payemens de ses frais ; elle sentoit si bien son injustice, que les Ambassadeurs des Hollandois étant venus lui demander du secours & lui offrir la souveraineté de leur Pays, elle le refusa, & répondit avec un air affecté de justice : Il ne serait ni beau ni honnête de s’emparer du bien d’autrui.
Un orchestre caché derriere le théatre joue tous les airs militaires propres aux évolutions & aux manœuvres de deux armées ; on bat la générale, la marche, le bouteselle, la charge ; on entend les tambours, les trompettes, le canon, la mousquéterie ; on croit entendre les cris des combattans, les gémissemens des blessés, la joie des vainqueurs, comme si on écoutoit à quelque distance du champ de bataille ; le bruit tantôt s’approche, tantôt s’éloigne, se renforce, se ralentit, se distingue, se confond ; &, quoique la scène soit vuide, jamais par l’adresse du musicien elle n’a été mieux remplie, jamais le spectateur n’a été plus occupé, plus agité, plus attendri, plus effrayé ; on fait parler le silence même & la solitude. […] Ces mots, ces airs de nouveautés ne sont que charlatanerie : c’est un vendeur d’orviétant qui fait différens paquets de la même poudre pour toutes sortes de maux. […] Le Roi se mit à rire, revint à sa place, & lui dit d’un air gracieux ce vers d’une vieille chanson, Tout homme saoul est aussi grand qu’un Roi .
Cet événement est raconté avec le même air d’indifférence que mille autres dans le livre des Rois. […] Je te préfère au monde, et Rome seule à toi. » Cette pièce est pire que celle d’Athalie ; elle n’a pas même un air de religion et de piété. […] Il fait, il est vrai, régner partout un air sérieux et décent.