Dans ce siècle où le plaisir est une affaire si importante, que tous les raffinements de la civilisation semblent n’avoir que ce seul but, on ne manquera pas, peut-être, de taxer d’insensée et de présomptueuse une entreprise qui a pour objet d’appeler l’attention du public sur les écrits de certains personnages qui se sont prononcés contre les représentations théâtrales, lesquelles attirent de nos jours une si prodigieuse affluence et sont l’objet d’un si étrange empressement.
Et vous, qui vous plaignez sans cesse de vos distractions, de vos dégoûts, de vos froideurs dans la priere ; vous que les affaires les plus indispensables troublent toujours dans ce saint exercice, comment vous y appliquerez-vous ? […] Nous le savons, à vos amusements voluptueux, sur-tout à vos plaisirs secrets, vous ne les associez que trop ; mais voudriez-vous les associer à vos affaires & à vos familles ? […] Sur-tout, quand on vous fera remarquer la passion qui regle & conduit toutes les affaires ; vous la verrez représentée comme le principe de toutes les vertus, l’ame de tous les événements, le ressort secret de toutes les grandes actions, le mobile de toutes les fortunes ! […] Demandez-le à leurs Sages ; voici ce qu’en dit le plus éloquent de leurs Orateurs : Les spectacles firent naître l’amour du merveilleux & dégoûterent de la modeste simplicité ; on se plaigoit alors que les Magistrats & le peuple négligeoient le soin des affaires publiques ; la jeunesse quitta ses anciens exercices pour courir au théâtre ; l’oisiveté & le mollesse d’un sexe produisit la délicatesse & la sensibilité dans l’autre. […] Est-ce un Chrétien, soit de l’un soit de l’autre sexe, qui vertueux sans affectation, pénétré de sa foi, fait son unique affaire de se sanctifier par le recueillement, par la réception fréquente des sacremens, par l’ordre qu’il établit dans sa famille ?
Ensuite le mal que ceux qui y assistent, causent aux autres, en authorisant ces divertissemens dangereux par leur exemple, ce qui fait un peché de scandale, & qui les rend coupables de la perte des autres, & de tous les pechez qu’ils y commettent ; & enfin les circonstances particulieres qui se trouvent en de certaines personnes, qui ne peuvent employer leur temps & leur argent à ces sortes de divertissemens, sans un notable prejudice de leurs affaires, ou de leurs devoirs les plus importans. […] Je dis, Messieurs, que parmy ceux-là, il y en a encore un grand nombre, qui ne peuvent, sans grand peché, frequenter ces spectacles, à cause de la perte du temps & de l’argent qu’ils y employent, comme ceux qui pour ces divertissemens frivoles & mondains, negligent leurs affaires les plus importantes, & leurs devoirs les plus essentiels, ou bien qui y dépensent ce qui seroit necessaire à l’entretien de leur famille. Car, qui peut douter qu’on ne peche en abandonnant le soin de ses affaires, & les obligations de sa Charge, pour donner son temps à ces amusemens ? […] Qui peut excuser d’un grand peché ceux qui se font une occupation de ces folies, ou bien qui y donnent le temps qui seroit necessaire à leurs affaires, & au soin de leur domestique ? […] Mais enfin, il me semble que j’entends quelqu’un qui me dit, que toutes ces raisons ne le regardent point, qu’il se connoît assez pour ne point apprehender les mauvaises impressions que cela peut faire, qu’il luy reste encore assez de temps aprés avoir vaqué à ses devoirs & à ses affaires, pour le donner à quelque divertissement, & qu’il n’est pas d’un rang si distingué, que son exemple puisse authoriser les desordres que les autres y peuvent commettre ; & pourquoy donc, dira-t-il, m’interdire un divertissement que nous ne voyons pas défendu par les Lois ni divines, ni humaines ?
Les cardinaux qui composoient la congrégation chargée des affaires des jésuites, y sont plus maltraités que les autres : d’où l’on a voulu conclure que le parti jésuitique en est l’auteur. […] Il y a apparence que cette comédie a été faite en France & envoyée à Rome, Le Sacré Collége, qui, tout occupé de la grande affaire de l’élection d’un Pape, auroit dû la mépriser, comme il avoit méprisé les Gangagnellines, a paru y prendre le plus vif intérêt ; &, à la sollicitation de l’Eminence françoise, a agi avec la plus grande rigueur. […] Ce tribunal établi par Urbain VIII, composé de cardinaux & de prélats, est chargé des affaires ecclésiastiques, exemptions, priviléges, immunités & délits, comme les officiaux le sont en France. […] Après ce petit intermede, où les passions de part & d’autre ont joué leurs rôle, on est venu à l’affaire importante de l’élection d’un Pape : le Pape enfin a été élu. […] Cette grande ville a connu enfin l’importance de ses jeux, elle en a fait son affaire : elle bâtit & entretient à ses dépens des sales, des décorations magnifiques, & a obtenu la direction de cette grande œuvre.
On est impunément, on est avec honneur la maîtresse d’un grand, la distributrice des graces, le mobile des affaires, l’objet des adorations. […] L’héroïne étoit retenue dans son cabinet pour des affaires pressées. […] Ressource bannale aussi absurde que fausse d’un poëte qui ne sait comment se tirer d’affaire ; c’est moins le dénouement de la piece que celui du poëte. […] Une fille d’une famille honnête ayant passé la nuit chez le Comte, attendoit le matin pour s’en retourner sans être connue, lorsque la maison fut investie pendant le siège qu’il soutint, ayant des affaires plus pressées que la sortie de sa maitresse ; il la confia à son valet-de-chambre, qui crut ne pouvoir mieux la faire évader que de la déguiser en homme, lui donner un habit de son maître & la descendre avec une corde dans un jardin voisin. […] Il étoit si considérable qu’il mit le Comte au-dessus de ses affaires, quoique ses dépenses & ses dettes fussent énormes.
Ensuite le mal que ceux qui y assistent, causent aux autres, en authorisant ces divertissemens dangereux par leur exemple, ce qui fait un peché de scandale, & qui les rend coupables de la perte des autres, & de tous les pechez qu’ils y commettent ; & enfin les circonstances particulieres qui se trouvent en de certaines personnes, qui ne peuvent employer leur tems & leur argent à ces sortes de divertissemens, sans un notable prejudice de leurs affaires, ou de leurs devoirs plus importans. […] Je dis, Messieurs, que parmy ceux-là, il y en a encore un grand nombre, qui ne peuvent, sans grand peché, frequenter ces spectacles, à cause de la perte du tems & de l’argent qu’ils y employent, comme ceux qui pour ces divertissemens frivoles & mondains, negligent leurs affaires les plus importantes, & leurs devoirs le plus essentiels, ou bien qui y dépensent ce qui seroit necessaire à l’entretien de leur famille. Car, qui peut douter qu’on ne peche en abandonnant le soin de ses affaires, & les obligations de sa Charge, pour donner son tems à ces amusemens ? […] Qui peut excuser d’un grand peché ceux qui se font une occupation de ces folies, ou bien qui y donnent le tems qui seroit necessaire à leurs affaires, & au soin de leur domestique ? […] Mais enfin, il me semble que j’entend quelqu’un qui me dit, que toutes ces raisons ne le regardent point, qu’il se connoît assez pour ne point apprehender les mauvaises impressions que cela peut faire, qu’il luy reste encore assez de tems aprés avoir vaqué à ses devoirs & à ses affaires, pour le donner à quelque divertissement, & qu’il n’est pas d’un rang si distingué, que son exemple puisse authoriser les desordres que les autres y peuvent commettre ; & pourquoy donc, dira-t-il, m’interdire un divertissement que nous ne voyons pas défendu par les Lois ni divines, ni humaines ?
L’affaire traîna quelque année » ; cependant comme il n’avait fait que composer des pièces, et n’avait jamais été ni Acteur ni d’aucune troupe, au lieu que Lully était l’un et l’autre, et qu’on craignait d’ailleurs le crédit du Musicien, on s’accommoda enfin, et il fut reçu. […] Charmée de la bonne grâce avec laquelle Beauval mouchait les chandelles, elle en devint amoureuse et l’épousa, à condition néanmoins que Beauval la laisserait maîtresse, aurait la patience de souffrir ses caprices, et la docilité de ne se mêler d’aucune affaire du ménage. […] Ce Prélat eut la bonté de se mêler de cette affaire, et de défendre à ses Curés d’épouser la Bourguignon et Beauval. […] Ils ne peuvent être ni accusateurs ni témoins en matière criminelle, que dans les affaires de leurs semblables, ou qui se sont passées sur le théâtre, dans lesquelles ils sont plaignants ou témoins nécessaires, de même que les femmes prostituées ne sont recevables à accuser ou à déposer que de ce qui se passe dans le lieu public. […] » Marmontel, ne sachant comment se tirer d’affaires, dit d’abord avec beaucoup de charité : « Je n’examine point le fait (il a raison, le fait n’a pas besoin d’examen), je parle de ce qui peut être, sans m’attacher à ce qui est ; je considère la profession faisant abstraction des personnes. » Cette abstraction d’une profession d’avec tous ceux qui la pratiquent, est de la plus profonde métaphysique.