Les vues sages des anciens ont été entierement abandonnées. Il est un vice différent des autres, dont la vue, les objets, le souvenir sont funestes, lors même qu’il est puni ; en allant au supplice il lance ses traits, ses charmes font sur le cœur, avec lequel il est naturellement d’intelligence, une impression vive que rend trop durable & l’image de l’objet qui l’a frappé, & le ton sur lequel il monte le corps & l’ame, le goût qu’il inspire, le langage qu’il apprend, les maximes qu’il insinue. […] Cette passion, vue de loin dans des personnes qui s’aiment, dont même on n’entend pas les discours, peut faire la plus vive impression. […] Cette comparaison est prise du Discours 32 de Dion Chrysostome aux Athéniens, où cet éloquent Orateur les exhorte non-seulement à bien recevoir les avis qu’on leur donne pour la réformation des mœurs, & des personnes qui ont assez de zèle & de courage pour les leur donner, mais à bien distinguer les charitables moniteurs qui agissent par de bonnes vues, de ceux qui sont conduits par l’intérêt, la vanité, & qui détruisent par leurs exemples le bien qu’ils pourroient faire par leurs remontrances, comme sont les Comédiens.
Rien de plus légitime, que le gain que fait un Artiste intelligent, inventeur d’un ouvrage au-dessus des vues communes ; & rien de plus naturel que la curiosité de l’homme qui cherche à s’instruire, à acquérir de nouvelles lumières : la vue d’une machine quelconque, inutile en elle-même, a souvent fait naître les idées les plus heureuses pour les commodités de la vie. […] Mais qui choisirons-nous pour exécuter ces vues nouvelles ? […] … Non : une Actrice d’une conduite dérèglée, est, à la vérité, un scandale continuel ; sa vue seule réveille la lubricité : mais fût-elle la vertu même, elle est encore très-dangereuse n’excite-t-elle pas la passion, les desirs ?
Si tous les hommes étaient sages naturellement, rien de plus inutile, j’en conviens, que le Théâtre ; rien de plus inutile que tous les écrits des Pères, que l’Evangile même : mais si la plupart des hommes ne sont rien moins que sages, et que leur conduite et leurs mœurs prouvent que la nature et la raison ne leur ont pas encore fait trouver la Vertu assez aimable, pour n’avoir pas besoin de peintres qui leur en fassent remarquer les attraits ; si la vue de ces peintures les porte à faire plus d’attention à l’original, comme le portrait d’une jolie femme fait désirer d’en connaître le modèle à ceux qui ne l’ont pas vue ; il est donc probable que le Théâtre peut opérer les mêmes effets et que le coloris agréable qu’il prête aux charmes de la Vertu, altérés quelquefois par les pinceaux austères des Pasteurs ou des Philosophes, peut faire désirer de la connaître et de la pratiquer. […] N'est-il pas vrai que Cartouche n’est comparable dans l’étendue de ses vues et de ses projets ni à Catilina ni à Cromwell ? […] M. de Crébillon vous a obligé, à la première vue et sans vous connaître ; vous payez son service de la plus noire ingratitude.
Il fit dans ces vues la vie d’une courtisanne, depuis son entrée dans le monde jusqu’à sa mort. […] Des intrigues heureuses, les plaisirs de l’amour, les débauches des dieux & des héros, la morale licentieuse, les sentimens étudiés, &c. aulieu de détourner du vice, par ces vues comme le peintre, on l’enseigne, on le saisit, on y invite par l’étalage de ses attraits les plus séduisans. […] Il a donc manqué son but & perdu son objet de vue, jusqu’au sieur du Belloi, qui l’a redressé par son Siége de Calais. […] C’est-à-dire, de savourer à longs traits tout ce qui allume le feu de l’impureté ; & cependant encore on dit fierement qu’on suit les loix de la décence, parce qu’on s’abstient de termes grossiers, quoiqu’on fasse les peintures les plus voluptueuses, les descriptions les plus lascives, & qu’on ne perde pas de vue les objets les plus indécens. […] Quelle religion a donné au Créateur des vues si basses ?
La seule vue de l’état affreux où réduit l’ivresse, est donc capable d’en garantir ; voilà précisément une Comédie. […] La Comédie a donc perdu de vue le point capital qui devoit fixer toute son attention, pour n’en prendre que l’accessoire : il faut donc convenir que la Comédie pour parvenir à son but, doit lancer tous ses traits sur le fond du vice, & laisser aux hommes le soin d’en chercher le ridicule.
Dans un char élégant mollement étendue , Quelle Divinité se présente à ma vue ! […] Tout change en un instant ; la nuit fait place au jour ; Mortels, reconnaissez le pouvoir de l’Amour : Le Palais s’envolant disparaît dans la nue, Un Parterre aussitôt le remplace à ma vue ; Du grand Servandoniab magique illusion, Effet de sa brillante imagination : Tout n’est qu’enchantement ; sous l’habit de Colette Arnoud subjugue Mars : le son de la trompette Rappelle en vain ce Dieu dans les champs de l’honneur ; Plus content, plus heureux de posséder son cœur, Qu’il n’était autrefois jaloux de la victoire, Pour la suivre il renonce aux hasards, à la gloire ; Et livrant sans danger, de plus tendres combats, Il met tout son bonheur à mourir dans ses bras.