/ 548
373. (1758) Lettre à Monsieur Rousseau sur l'effet moral des théâtres « Lettre à Monsieur Rousseau sur l'effet moral des théâtres, ou sur les moyens de purger les passions, employés par les Poètes dramatiques. » pp. 3-30

Ils viennent d’apercevoir le tableau de toutes les scènes de leur vie : ils ont vu les ressorts si cachés de toutes les machines que font mouvoir devant eux leurs ministres et leurs flatteurs. […] Octave, à qui la flatterie avait décerné le nom d’Auguste, malgré tant d’odieuses proscriptions : Octave-Auguste, échappé à dix conspirations tramées et conduites par les plus illustres Romains contre le second de leurs usurpateurs, et couvert du sang de tant de citoyens, découvre un conjuré, plus coupable qu’eux tous, dans l’ingrat Cinna, dans ce même Cinna auquel il a sauvé la vie, accordé les plus grands honneurs, sa confiance et la main d’Emilie ; auquel il vient de dire : « Cinna, par vos conseils, je retiendrai l’Empire ; Mais je le retiendrai pour vous en faire part… » Auguste, instruit de tout, mande Cinna, le convainc de la plus noire des trahisons, et ne l’en punit que par ces deux mots accablants…. […] … C’est un époux, c’est un amant qui renonce à une épouse adorée : sacrifice plus grand que celui de la vie….

374. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre douzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et litteraires, sur le théatre. — Chapitre premier.  » pp. 2-36

On auroit du faire le même honneur à Corneille, à Quinault, à Lulli, on le fera à Racine, à Crébillon, & dans la suite immense des siécles au grand Voltaire jusqu’à la fin du monde ; mais il me semble qu’on ne devroit pas prendre leur mort pour époque, il faudroit choisir quelque événement brillant de leur vie : car leur mort n’est pas brillante. […] Jamais magicienne n’a déployé son art magique pour avoir un buste, il ne faut qu’un scuplteur ; aussi Moliere ne dit-il mot, quoique revenu à la vie. […] Des hommes faits doivent s’occuper des choses utiles, ce théatre quoique fort élagué, est encore dangereux ; mais combien doit être souverainement pernicieux un corps de spectacle, toujours subsistant ; des corps d’acteurs & d’actrices établis, soudoyés, protégés, favorisés ouvertement, qui passent leur vie à donner tous les jours des leçons, des objets, des modeles, des occasions, des exemples de tous les vices. […] L’amour a des attraits invincibles, le cœur ne peut s’en défendre, surtout lorsque tant d’exemples l’invitent à se satisfaire, & qu’au lieu des noms odieux qu’on donne à l’amour, on ne le présente que comme une galanterie nécessaire dans le monde ; c’est la morale que Moliere a prêchée toute sa vie, qu’on prêche encore tous les jours au théatre, elle produisit alors l’effet que le Prince s’en étoit promis, la defaite de cette femme suivit de près. […] Mais il passe sa vie au spectacle ; il écoute attentivement, il retient aisément ; peut-il ne pas goûter les oracles que prononce sur la scéne une belle bouche, qu’embellit un pas de trois, que réchauffe un coup d’archet, & qu’il est d’ailleurs si porté à croire ?

375. (1782) Le Pour et Contre des Spectacles « Premiere lettre de Mr. *** à Madame *** sur les spectacles » pp. 3-59

Cet Empereur ordonna à la fin de septembre de la même année, que les filles des Comédiens ne pourroient être désormais obligées de suivre la condition de leur mere, quand elles auroient embrassé une vie plus grave. L’Empereur Gratien renouvelle cette loi, & ordonne que, si ces filles viennent à faire des actions plus dignes d’une Comédienne, que de la pureté du Christianisme, elles seront contraintes de servir au Théatre, pendant tout le reste de leur vie. […] François de Sales, après s’être expliqué sur les spectacles, dans son Introduction à la vie dévote, dit dans sa troisieme partie, ce qui suit : O Philothée ! […] Chrysostome, dans son Homélie de Saül & de David, un regard jetté avec trop de curiosité, sur une femme, qu’on rencontre par hazard, est quelquefois capable de blesser l’ame ; & vous ne craindrez pas de passer plusieurs heures à contempler fixement des femmes, qui se parent avec tout le soin possible, qui se sont toute leur vie, exercées à remuer les passions, & qui n’oublient rien, pour plaire aux spectateurs ! […] « Il est de fait, y est-il dit pag. 550, que la morale du Théatre sur les passions, sur les plaisirs, est en tout point, opposée aux maximes du Christianisme, jusques dans les piéces étrangéres à l’Idolatrie… Nous ignorons, y ajoute-t on, comment on peut justifier cette opposition si marquée, si capable de corrompre les bonnes mœurs, ou d’en augmenter la corruption. » Or, direz-vous, que des spectacles, où il faut être de fer ou de pierre, pour ne recevoir aucune impression de la vue, de la parure… Que des Acteurs & des Actrices, qui se sont toute leur vie exercés à remuer les passions criminelles &c, ne soient point un poison dangéreux ?

376. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Chapitre VII. Parallèle du Poème épique avec les Pièces du nouveau genre. » pp. 107-112

Un jeune Chevalier est aimé d’une Fée ; après nombre d’incidents, lorsqu’il se croit condamné à rester toute sa vie dans une misérable cabane, & à mourir l’époux d’une vieille assez dégoûtante, il est transporté tout-à-coup au milieu d’un palais magnifique, & dans les bras d’un objet enchanteur : ne voilà-t-il pas du merveilleux ?

377. (1694) Maximes et Réflections sur la Comédie « XIII. Si l’on peut excuser les laïques qui assistent à la comédie, sous le prétexte des canons qui la défendent spécialement aux ecclésiastiques. » pp. 52-57

Il ne pouvait mieux exprimer l’effet de ces réjouissances, qu’en disant qu’elles donnent entrée « à une troupe de vices » : ce n’est rien, pour ainsi dire, en particulier ; et s’il y fallait remarquer précisément ce qui est mauvais, souvent on aurait peine à le faire : c’est le tout qui est dangereux ; c’est qu’on y trouve d’imperceptibles insinuations, des sentiments faibles et vicieux ; qu’on y donne un secret appât à cette intime disposition qui ramollit l’âme et ouvre le cœur à tout le sensible : on ne sait pas bien ce qu’on veut, mais enfin on veut vivre de la vie des sens et dans un spectacle où l’on n’est assemblé que pour le plaisir ; on est disposé du côté des acteurs à employer tout ce qui en donne et du côté des spectateurs à le recevoir.

378. (1694) Maximes et Réflections sur la Comédie « XXVI. Sentiment de Saint Antonin. » pp. 93-96

 , qu’elles tiennent dans la vie humaine le même rang que le sel dans nos nourritures ordinaires, non seulement la dissertation n’y sera pas appuyée, mais encore elle y sera condamnée en tous ses chefs.

/ 548