Les femmes, voyant les adorations qu’on ne cesse d’y prodiguer à leur sexe, se pénètrent tellement de ces idées nouvelles, s’enfoncent tellement dans cette nouvelle atmosphère, que bientôt elles prennent en dégoût les affaires de leur famille et les choses de la vie commune : lorsqu’elles rentrent chez elles, l’esprit plein de ces brillantes extravagances, tout leur déplaît, et surtout leurs maris qui, occupés de leurs affaires, ne sont pas toujours d’humeur à leur prodiguer ces complaisances ridicules dont elles sont les objets dans tous les romans, dans toutes les pièces de théâtre et dans tous les ouvrages où une vie idéale est substituée à la vie véritable. […] Ils ont une forte tendance à corrompre et à vicier l’esprit par des plaisanteries immorales, ou en donnant des idées fausses sur l’amour, l’honneur et tout ce qui a rapport à la conduite de la vie. […] De là une aversion profonde et une complète indifférence pour les affaires et les devoirs de la vie commune ; et ces jeunes cœurs, trompés dans leur attente, s’inquiètent, se tourmentent et soupirent après une félicité imaginaire. […] En cet instant solennel, c’est la grande affaire de la religion, c’est une vie pieuse et morale, vouée tout entière à l’amour et au service de Dieu, qui paraîtront d’un inestimable prix et seules dignes de fixer l’ambition d’un être raisonnable. […] ce n’est pas dans ces amusements factices et dangereux que nous les rencontrerons ; c’est dans le spectacle et les scènes de la nature, dans ses admirables productions, dans les travaux utiles des arts, dans le tableau fidèle de la vie humaine, dans la peinture des objets intéressants, dans le charme des relations sociales et de la vie domestique, dans des actes de charité et de bienfaisance, enfin, dans le témoignage honorable et délicieux d’une conscience pure.
Or constammentw ce n’était pas un comédien, mais un simple « joueur de flûte, qui gagnait sa vie à cet exercice dans un village : in vico » : comme il paraît par l’endroit de la vie de ce saint solitaire qui est citéx par Saint ThomasVit. […] [Rufin d’Aquilée, Vie des Pères (diffusée sous divers titres : Historia Eremetica, Historia monachorum ou Liber de Vitis Patrum), chap. 16, « De Paphnutio », Migne, PL, tome XXI, col. 435-439 ; Palladius, Historia Lausiaca, chap. 63].y Il n’y a donc rien dans ce passage qui favorise les comédiens : au contraire, on peut remarquer que Dieu voulant faire voir à un grand saint que dans les occupations les plus vulgaires il s’élevait des âmes cachées, d’un rare mérite, il ne choisit pas des comédiens dont le nombre était alors si grand dans l’empire, mais un homme qui gagnait sa vie à jouer d’un instrument innocent : qui encore se trouva si humble qu’il se croyait le dernier de tous les pécheurs, à cause, dit-il, que de la vie des voleurs il avait passé « à cet état honteux : fœdum artificium » : comme il l’appelait : non qu’il y eût rien de vicieux, mais parce que la flûte était parmi les anciens, un des instruments les plus méprisés ; à quoi il faut ajouter, qu’il quitta ce vil exercice aussitôt qu’il eut reçu les instructions de Saint Paphnuce ; et c’est à quoi se réduit cette preuve si décisive, qu’on prétend tirer de Saint Thomas à l’avantage de la comédie. […] [Rufin d’Aquilée, Vie des Pères (diffusée sous divers titres : Historia Eremetica, Historia monachorum ou Liber de Vitis Patrum), chap. 16, « De Paphnutio », Migne, PL, tome XXI, col. 435-439 ; Palladius, Historia Lausiaca, chap. 63]. […] [NDUL] Sur cet incident de la vie de saint Paphnuce, voir, en particulier, l’abbé d’Aubignac (Dissertation sur la condamnation des théâtres, p. 249 et 250) et Jos. de Voisin, (Défense du traité de Monseigneur le prince de Conti, p. 363 et suiv.).
Il est aisé de conclure de là que ce n'est point une vie chrétienne, mais une vie brutale et païenne, de passer la plus grande partie de son temps dans le divertissement, puisque le divertissement n'est pas permis pour soi-même; mais seulement pour rendre l'âme plus capable de travail. Car si personne ne doute que ce ne fût une vie très criminelle que celle d'un homme qui ne ferait que manger, et qui serait à table depuis le matin jusqu'au soir ; ce que le Prophète condamne par ces paroles : « Vae qui consurgitis mane ad ebrietatem sectandam, et potandum usque ad vesperam » ; il est facile de voir que ce n'est pas moins abuser de la vie que Dieu nous a donnée pour le servir, que de la passer toute dans ce qu'on appelle divertissement ; puisque le mot même nous avertit qu'on ne le doit rechercher que pour nous divertir et nous distraire des pensées et des occupations laborieuses, qui causent dans l'âme une espèce de lassitude qui a besoin d'être réparée. […] Leur vie n'est qu'une vicissitude de divertissements.
Il est aisé de conclure de là que ce n'est point une vie Chrétienne, mais une vie brutale et païenne, de passer la plus grande partie de son temps dans le divertissement; puisque le divertissement n'est pas permis pour soi-même, mais seulement pour rendre l'âme plus capable de travail. Car si personne ne doute que ce ne fût une vie très criminelle que celle d'un homme qui ne ferait que manger, et qui serait à table depuis le matin jusqu'au soir, ce que le Prophète condamne par ces paroles : « Vae qui consurgitis mane ad ebrietatem sectandam, et potandum usque ad vesperam » ; il est facile de voir que ce n'est pas moins abuser de la vie que Dieu nous a donnée pour le servir, que de la passer toute dans ce qu'on appelle divertissement ; puisque le mot même nous avertit qu'on ne le doit rechercher que pour nous divertir, et nous distraire des pensées et des occupations laborieuses, qui causent dans l'âme une espèce de lassitude qu'on a besoin de réparer. […] Leur vie n'est qu'une vicissitude de divertissements.
a A juger d'un Chrétien par les principes que vous avez établis, quelle doit être sa vie ? […] doit être non seulement une imitation, mais encore une continuation de la vie de Jésus-Christ, puisque c'est son esprit qui doit agir en lui, et imprimer dans son cœur les mêmes sentiments qu'il a imprimés dans celui de Jésus-Christ. […] La vie d'un Chrétien peut-elle être une vie de plaisir ? […] Les spectacles sont absolument défendus, parce qu'ils sont absolument mauvais, et qu'on ne saurait les mettre au rang des choses qui peuvent être bonnes ou mauvaises, selon le bon ou le mauvais usage qu'on en fait ; et que rien n'est plus opposé à la vie, aux sentiments, et aux devoirs d'un véritable Chrétien. […] La pratique en est constante, et on prive des Sacrements pendant la vie, et à la mort ceux qui jouent la comédie, s'ils ne renoncent à leur Art.
Personne n'approuverait sans doute qu'un Chartreux allât à la Comédie, parce que tout le monde voit assez l'extrême disproportion de ce divertissement avec la vie sainte dont il fait profession. […] On ne considère pas que la vie Chrétienne doit être non seulement une imitation, mais une continuation de la vie de Jésus-Christ; puisque c'est son esprit qui doit agir en eux, et par eux, en imprimant dans leur cœur les mêmes sentiments qu'il a imprimés dans celui de Jésus-Christ. Si on regardait la vie Chrétienne par cette vue, on connaîtrait aussitôt combien la Comédie y est opposée ; et il ne faudrait point de raisons pour en convaincre ceux qui seraient persuadés de ces vérités capitales de notre Religion, comme il n'en faut point pour convaincre un Chartreux instruit dans sa règle, que ces divertissements profanes lui sont défendus.