7, soutient que rien n’est plus contraire aux bonnes mœurs que d’assister à quelque spectacle ; que l’ame s’y trouvant séduite par le plaisir, reçoit aisément les méchantes impressions du vice ; & tout Stoïcien qu’il étoit, il avoue qu’il en sortoit plus avare, plus ambitieux, plus porté au plaisir & au luxe. […] Il est même une école de vertu, dont on fait l’éloge avec la censure du vice. […] La pureté prétendue qu’on attribue au théâtre moderne, n’est donc tout au plus qu’une pureté, apparente, qui n’adoucit les images du vice que pour le faire recevoir avec plus de facilité, en le rendant moins affreux, & par conséquent moins haïssable. […] Voici l’aveu public qu’a fait sur le même sujet M. de la Motte dans son discours sur la tragédie : Nous ne nous proposons pas d’éclairer l’esprit sur le vice & la vertu en les peignant de leurs vraies couleurs. […] Le théâtre, quelque épuré qu’on le suppose, est donc la véritable école des vices & des passions ; & la censure du vice, jointe à l’éloge de la vertu qu’on voit à la fin de quelques comédies, est un foible antidote contre le poison qu’on a bu avec délices durant toute une piece dans une délicate & séduisante peinture.
C'est un vice dans les ouvrages d'esprit : l'une des plus belles qualités du style même le plus simple, c'est la noblesse et la décence. […] Ce vice peut venir d'un fonds d'orgueil. […] Ce n'est pas un vice de langage : on peut être respectueux sans savoir la langue, et manquer très élégamment au respect. […] Rien ne rapproche plus que le plaisir du vice, parce qu'il dégrade. […] Mais le vice est puni à la fin de la pièce.
Tout cela est inconnu à l’Auteur : il ne connoît que la nature & les vertus morales, un bonheur ou un malheur temporel du vice & de la vertu. […] Il est aisé de métamorphoser les vices grossiers en qualités éclatantes, quand on les voit dans un être qu’on adore. […] Le vice sur le trône, le vice dans la société se réunissent sur la Scène pour creuser le précipice sous les pieds de ses amateurs. […] Enfin une vie chrétienne a réparé, comme dans Lafontaine, les égaremens de la jeunesse & les vices du caracteres. […] On voit par-tout le théatre comme le trône & la source des vices ; sans doute il y a des vices indépendamment du théatre, puisque ce sont les vices qui l’ont formé & qui l’entretiennent ; mais c’est là que tous les âges & tous les sexes boivent à longs traits le poison de tous les vices.
Toute leur vie est occupée à apprendre, à répéter ou à représenter l’image de quelque vice. […] Mais les meilleurs pièces, si l’on en excepte Athalie, et Esther, ont-elles jamais donné quelques leçons de vertus, sans laisser en même temps l’impression de quelque vice ? […] « Nous ne nous proposons pas d’éclairer l’esprit sur le vice et la vertu, en les peignant de leurs vraies couleurs. […] C’est là qu’ils entendent tout ce qui peut exciter leur curiosité, développer les germes de leurs passions, et les familiariser avec le vice. […] Qui peut disconvenir que le Théâtre de Molière ne soit une école de vices et de mauvaises mœurs, plus dangereuse que les livres même où l’on fait profession de les enseigner ?
Votre inflexible dureté lasse et rebute leur tendresse ; ils ont beau se souvenir que vous êtes leur père, si vous oubliez qu’ils sont vos enfants, le vice l’emportera sur la vertu, le mépris dont vous vous chargez étouffera le respect qu’ils vous doivent. […] Enfin, je pense que cet homme, Trahi de toutes parts, accablé d’injustice, Qui veut sortir d’un gouffre où triomphe le vice, ne peut être qu’un homme probe, d’une grande sensibilité et excédé ; ce qui est plus respectable que risible. […] Cette pièce devait parfaitement concourir avec celle du Tartufe à la décadence des mœurs, par la raison encore que dans celle-ci on soulève de fait les vices, on leur donne des armes contre la vertu qu’ils ne ménagent point, et que dans le Misantrope on prescrit à la vertu de ménager les vices, de les supporter en silence, vu qu’ils sont unis à l’humaine nature ; de vivre d’accord, par conséquent, avec les fourbes, les fripons, les scélérats même. […] Mais après avoir vu que le vice est l’objet de recommandation dans le Misantrope, que nous devons le traiter avec douceur, l’envisager et le supporter comme un attribut de l’humanité, que la vue d’un fourbe, d’un voleur (et sans doute d’un hypocrite aussi) ne doit pas plus nous courroucer que celle d’un loup ou d’un singe malfaisant, etc. […] Mais combien vous fûtes punissables de ce côté-là, foudroyants Bourdaloue, Bossuet, Massillon, vous qui ne vouliez pas transiger même avec les vices des rois !
Il en a montré le chemin, qu’on le suive, et si nous n’avons plus de Molière à espérer, qu’il nous vienne seulement des Destouches, et nous pouvons être sûrs qu’ils attaqueront avec succès les ridicules et les vices qu’on peut nous reprocher aujourd’hui. […] Il s’agit de savoir si le goût que Molière a reconnu dans ses compatriotes, était un mauvais goût en lui-même, et si en le respectant c’était entretenir les défauts, les ridicules et les vices que ce goût mal dirigé pouvait produire. […] Les Ecrivains du siècle futur en feront autant, et peut-être qu’en poursuivant ainsi les vices de retranchement en retranchement, les Auteurs Dramatiques parviendront enfin à leur défaite. […] C’est aux lois, à la raison, c’est aux Auteurs Dramatiques à lui faire sentir que la fausse application du courage est un vice et cela n’est pas si fort éloigné du succès que vous vous l’imaginez. […] Il est résulté du pouvoir des lois que le vice a été contraint d’abandonner la scène et que les Auteurs Dramatiques n’ont plus eu de ressource que d’y faire paraître la Vertu.