Vous avez perdu de vûë vôtre véritable but : vous n’entendez plus (parce que vous ne voulez plus l’entendre) ce qu’exigent les loix de vôtre emploi ; ce que veut la nature de la Poësie Dramatique. […] Non ce n’est qu’une ébauche ; ébauche toutefois trop véritable, & dont je n’ai pas dû achever les traits. […] D’où vient donc que vous n’auriez pas la noble audace d’user de vos véritables droits en faveur des bonnes mœurs, qui sont plus de votre ressort, & que vous connoissez d’ordinaire incomparablement mieux ?
Mais pourquoi dissimuler que ce Prince prouve par une infinité de passages des Pères & de Canons des Conciles, que c’est un véritable péché d’aller à la comédie ?
La véritable gloire, s’il y en a parmi les hommes, est attachée à des occupations plus sérieuses et plus importantes.
Si ces excès étaient véritables, l’objection serait plus flétrissante pour les Jésuites que favorable pour le théâtre ; il vaut mieux les abandonner qu’une vérité si certaine : cette objection tomberait sur d’autres collèges où les mêmes exercices se pratiquent à peu près de même.
Je n’ai rien à dire non plus contre l’amour de Plisthène et de Théodamie ; c’est plutôt l’effet d’une sympathie naturelle, qu’une véritable passion ; puisqu’il se trouve à la fin qu’ils sont frère et sœur : cependant cet amour a servi infiniment à l’Auteur, que je trouve très louable de l’avoir imaginé, et encore plus d’en avoir sû faire un si bon usage : car, outre qu’il n’offre rien qui blesse la bienséance la plus austère, les deux Amants sont d’ailleurs occupés de motifs trop importants pour s’amuser à filer des Scènes de tendresse ; aussi l’Auteur les a-t-il évitées avec grand soin, et ne s’est servi de l’amour que pour donner plus de force à la compassion de Plisthène, qui sans cela ne devrait s’intéresser que médiocrement à la vie du père de Théodamie, ne sachant pas qu’il fût aussi le sien.
Vous connaissez donc, Monsieur, la véritable cause de toutes les actions vertueuses faites par les hommes depuis qu’on a représenté devant eux des tragédies ?