Nous quittons le manger, nous abandonnons notre maison, nous négligeons nos affaires importantes, pour nous occuper à ces vanités, et à ces infâmes divertissements; et nous ne voulons pas demeurer une heure dans l'Eglise pour vaquer à la prière, et à la lecture, et pour nous tenir en la présence de Dieu: Nous nous hâtons d'en sortir aussi vite que si nous nous retirions d'un embrasement: Si la Prédication de l'Evangile dure un peu trop, nous faisons éclater notre indignation, et notre impatience : Si le Prêtre fait des prières un peu longues, nous sommes sans goût, et sans attention : Si celui qui offre le sacrifice non sanglant tarde tant soit peu, nous nous ennuyons, et nous regardons la prière comme un procès dont nous voudrions avoir une prompte expédition ; et cependant suivant les mouvements du Diable, nous nous emportons dans les vanités, et dans les voluptés.
Le temps n’est pas bien éloigné où la Religion sera foulée, la vertu méprisée, les loix abandonnées ; les mains profânes qui tiennent les rênes sont incapables de les tenir, les misérables formés par vos exemples, qui ont puisé en vous leur méchanceté, se tourneront impitoyablement contre vous, sans que vous puissiez vous plaindre d’une main que vous avez armée , &c. […] On remarque que les deux chambres du Parlement sont ordinairement peu nombreuses ; parce que leurs membres les hommes les plus sages, les plus éclairés de la nation sont au spectacle ou en fête : & quand on veut en angmenter le nombre, les huissiers doivent courir les cafés, les berlans, les théatres, pour aller chercher ces grands politiques qui tiennent la balance de l’Europe, qui regnent sur la terre & sur l’onde, donnent des loix à l’Asie & à l’Amérique, & regnent souverainement sur la Religion & l’Etat. […] Il y a en France un pareil impôt sur les cartes à jouer, en faveur de l’Ecole Militaire : mais jamais en France le Prince n’a tenu de brelan : ils y sont au contraire sévérement défendus. […] L’Amérique au contraire pense en barbare : les colonies angloises, qui ne veulent point se soumettre aux Bils du Parlement, & ne craignent pas la guerre civile, dans le congrès général tenu à Philadelphie, où se sont réunies les provinces, parmi plusieurs règlemens qu’on a cru nécessaires pour entretenir les vertus guerrieres, & se bien défendre contre les entreprises de la metropole, on a expressément défendu de souffrir dans tout le pays aucune sorte de théatre, opéra, comédie, farce, &c. comme uniquement propre à énerver les corps & les esprits, & à rendre les habitans incapables de soutenir les fatigues de la guerre.
Dans les principes de la religion & de la vertu on appelle licencieux, on craint comme dangereux, tout discours qui fait naître des idées impures, quoique voilé de termes équivoques, à moins que la nécessité n’oblige à les tenir, comme les Médecins, les Confesseurs, &c. […] Qui voudroit laisser tenir à sa femme, à sa fille, les conversations du théatre, tout épuré qu’on le dit ? […] Dans combien de pieces voit on un Acteur caché, qui a tout entendu, montrer la plus vive & la plus juste indignation d’un entretien qu’on n’auroit osé tenir devant lui, tout innocent qu’on veut le faire croire ? […] Aussi quel langage se tiennent les Comédiens après la piece ! […] Ce ton de hardiesse & de liberté sans bornes, cet oubli de toutes les formes anciennes auxquelles tiennent l’ordre & la tranquillité, une insatiable cupidité de l’or, qui a détruit le premier esprit de tous les corps, un luxe extravagant, une licence impudente, un sacrifice entier de toute pudeur & de toute honnêteté, voilà les mœurs de notre siecle ; & on ose vanter notre philosophie qui s’étend de proche en proche !
Le Prince Azor tient dans sa main une pantoufle qui l’enchante par sa petitesse ; il s’écrie dans son transport ; Le joli pied ! […] Pierrot son confident répond à cette apostroffe ; Oui, mais tient-il ce qu’il promet ? […] Dans une autre Scène, la tendre, la naïve Isabelle, tient ce discours à Dorlis, qu’elle prend, il est vrai, pour un esprit Aérien. « Votre image me suivra par-tout ; vous m’apparaîtrez dans mes songes ». […] « Il tient ma main, il la serre, il la baise » : pour une main qu’on baise, Isabelle s’écrirait-elle, « où suis-je ! […] Sa taille tiendrait-là.
On voit des femmes et des Filles si entêtées, et si passionnées du jeu, qu’elles n’ont que cela dans l’esprit, elles en perdent le boire et le manger, et passent en cet excès les jours et les nuits, sans se mettre en peine de s’acquitter de leurs devoirs essentiels ; elle négligent même leurs prières, et souvent perdent la Messe les Fêtes et le Dimanches ; on les voit toujours occupées de leur perte ou de leur gain, du lieu où elles iront jouer, où l’on tiendra table ouverte, et où l’on s’assemblera ; enfin, elles sont si souvent dans l’exercice du jeu, qu’elles courent risque de mourir les cartes à la main ; jusques là même que j’ai ouï dire, qu’une femme de qualité étant en couche, demandait sans cesse à sa garde, quand elle pourrait jouer, ne s’affligeant d’autre chose, que de ce que ses Médecins ne lui permettaient pas de battre des cartes, ou de remuer des dés. […] C’est ainsi, dit le Prophète Royalg, en se plaignant de ces excès, que l’on ajuste, et que l’on pare les Filles du siècle, que l’on veut produire, et que l’on souhaite de faire paraître au grand jour : en sorte, dit-il, qu’elles sont en état de tenir la place d’une Idole au milieu d’un Temple, pour recevoir les encens, les adorations et tous les honneurs, qui ne sont dus qu’a Dieu seul. L’extérieur d’une fille mondaine ainsi parée, découvre assez clairement les différentes pensées de son âme ; elle désire ardemment d’être trouvée belle, sa prétention est d’attirer auprès de soi les garçons les plus divertissants, les plus agréables, les mieux faits, les plus enjoués, et les plus galants ; elle veut faire des conquêtes, et gagner des cœurs ; elle se préfère à toutes les autres Filles ; elle se tient fière, et prend un air de grandeur pour survendre ses appas, et se faire mieux valoir ses attraits ; elle ne sort de son logis, qu’après s’être regardée et considérée plusieurs fois ; elle porte encore un miroir de poche, pour se mirer dans tous les lieux où elle va ; son image, que ce miroir lui représente, lui plaît infiniment ; elle prend en elle-même un repos orgueilleux ; cherchant à l’entour d’elle des approbateurs qui soient de son sentiment ; c’est-à-dire en un mot, que cette âme superbe et dédaigneuse est toute remplie de vanité, de présomption, de vaine gloire, et de tous les autres mouvements, que la sensualité et l’orgueil ont coutume d’inspirer ; son cœur en est tout enflé et tout bouffi. […] Mais celui du saint homme Job me semble encore plus fort pour prouver cette vérité : c’est un homme qui tenait le rang d’un prince dans son pays, comblé de richesses, d’honneurs, d’amis, et d’autorité, au au milieu d’une famille la plus heureuse qui fût au monde, par le moyen du nombre des Enfants bien nés et bien faits, que Dieu lui avait donnés. […] tenu en l’an 364. sous le Pape Sylvestre ; elle les a défendus même aux noces.
Dans combien de jugements ont-elles tenu la balance ? […] Ces maîtres fols se sont donnés tant bonne cautèle à enseigner folies, et la jeunesse Romaine à l’apprendre, que s’ils peuvent tenir en trois vaisseaux, leurs disciples ne pourraient tenir en trois mille caraques. […] Sans comparaison est plus grande offense aux Dieux, et plus grand dommage à la République, les Truands qui ôtent le bon sens aux sages, que des homicides qui privent les hommes de vie, comme le plus grand bien est de tenir bon sens. […] Tu les contraindras à travailler, et les châtieras, si les vois oiseux ; car ces misérables fuyant le juste travail, et prenant l’injuste oisiveté, tiendraient par leurs truanderies école publique de vagabonderie.