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29. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Chapitre VII. Des Duo, Trio & Quatuor. » pp. 329-339

Le Spectateur ne peut comprendre leurs discours que par conjecture, & le Poème en souffre. […] Il pense que nos violons qui marquent la division des Actes font un meilleur éffet, parce qu’ils détendent moins l’attention du Spectateur. […] Les Simphonies qu’on joue actuellement dans les entre-Actes, loin de fixer l’attention sur le Drame qui occupe la Scène, ainsi que le soutient le grand Corneille, dissipent tout-à-fait le Spectateur, parce qu’elles n’ont aucun rapport avec l’action du Poème representé. […] On me dira que les Symphonies des entre-Actes ont été imaginées afin de délasser par intervale les Spectateurs ; mais l’usage des chœurs intimement liés au sujet, était bien plus délicat & plus dans les règles de l’art. Les chœurs laissaient reposer un moment l’attention des Spectateurs, sans la détourner entièrement de ce qui devait l’occuper pendant le tems de la représentation.

30. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Seconde partie « Causes de la décadence du goût sur le théatre. — Chapitre XVI. De la présentation des Poëmes aux Comédiens ; de leur réception, & du choix de ceux qu’on joue dans les intervales. » pp. 8-11

Si c’est au contraire pour le spectateur, le goût de celui-ci l’emporte avec raison sur le sien. […] C’est donc pour le spectateur que le Comédien joue. […] Le spectateur s’acquitte envers lui, en connoissant, & en saisissant les uns & les autres.

31. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Première partie « Causes de la décadence du goût sur le théâtre. — Chapitre VII. De la Diction. De la Poësie dans la Tragédie. » pp. 122-130

Les Héros qu’on y représente, agissoient-ils au bruit des instrumens, dans des lieux entourés de siéges, au milieu de cinquante mille spectateurs ? […] Une Pièce écrite en vers, qui étonnent l’oreille, éblouit & ôte au spectateur le tems d’apercevoir ses défauts. […] On ne voit pas que le spectateur même en applaudissanr est réfroidi, & ne sait plus où il en est. […] Le spectateur n’est point agité des violentes secousses que les passions bien maniées produisent.

32. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Première partie « Causes de la décadence du goût sur le théâtre. — Chapitre XII. Des Machines & du merveilleux. » pp. 179-203

Que de larmes cette belle scène ne fit-elle pas verser aux spectateurs ! […] L’en croire sur sa parole eût choqué la délicatesse du spectateur. […] Il n’y a guére d’homme qui n’ait un ami, & vingt ans fourniront à peine un spectateur doué des qualités que nous supposons ici. […] Quant à ses spectateurs éclairés, pour qui les reconnoissances ont de nouvelles beautés : ou celles-ci deviennent de plus en plus rares, ou elles s’épuisent entiérement. […] Sa garde qui jusques-là n’avoit été que froide spectatrice, parce qu’il n’étoit pas encore tems qu’elle agît, fait enfin quelques efforts pour son maître, & est dissipee par le peuple en armes.

33. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — Seconde partie. Notes. — [E] » pp. 399-406

Je sais qu’au-delà des monts, on a de beaux Opéras, dont on se soucie peu, & qui ne servent que de carcasse pour monter une belle Musique : c’est le chant seul qui attire le Spectateur ; le sens n’est rien ; on n’entend dans les chef-d’œuvres de Métastase que des syllabes sonores. […] parce qu’ils sont passionés pour des sons, il faut, pour les mieux imiter, mettre en vogue des Pièces où le Spectateur ne peut effectivement saisir que des sons ! […] Qu’on nous trace de semblables modèles, pour nous consoler de l’existence des Méchans ; qu’on nous peigne du moins quelquefois la vertu, dans ces états inconnus qu’il est inutile de tourner en ridicule, puisque ceux qu’on pourrait corriger par-la, sont rarement au nombre des Spectateurs. […] Nos Comédies-Italiennes en cinq Actes, offrent une peinture burlesque des mœurs communes : le tableau qu’elles font, est souvent très-vrai, mais il n’est jamais accompagné de la correction : on se contente de peindre ; on n’ajoute rien qui puisse porter le Spectateur à improuver le mal, & à profiter du bien, lorsqu’il s’en trouve. […] On peut dire que ce genre de mauvaise Comédie dont nous sommes surchargés, est très inutile : outre que le commun des Spectateurs perd les deux tiers de ce que l’on dit, ces Comédies-Italiennes ne sont que de basses-farces, assez ressemblantes à nos Parades ; l’on y trouve rarement un mot d’instruction, & presque jamais rien de délicat, qui puisse dédommager l’honnête Spectateur de la mauvaise compagnie qu’on lui donne.

34. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — [Première partie.] — Huitième Lettre. De la même. » pp. 100-232

Le Spectateur, dira-t-on, sent bien que le personnage ne fait que penser ce qu’il exprime tout haut. […] Son jeu muet, un geste expressif, des mouvemens intelligens & sentis, font éprouver au Spectateur toutes les passions qu’elle veut exciter. […] Je voudrais qu’une Musique, gaie, pathetique, ou terrible, selon la Pièce, ébranlât d’avance l’âme des Spectateurs. […] Dans les Pièces à composer, on évitera de faire dormir debout les Spectateurs, & de leur apprendre qu’on s’est couché & levé. […] Le Spectateur, qui ne les trouvera que là, se persuadera plus facilement qu’il voit l’original de leur Rôle.

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