Il est malheureux pour moi de n’être pas du sentiment de M. l’Abbé Vatry, qui croit que les Tragédies anciennes se chantoient d’un bout à l’autre, à peu près comme nos Opéra. […] Sur une question qui est obscure, & n’est que curieuse, l’erreur n’a rien de dangereux, & la diversité de sentiment ne peut altérer l’estime ni l’amitié. […] Je puis encore, pour confirmer mon sentiment, rapporter deux endroits d’Aristophane. […] Ce que Saint Augustin veut dire est très-clair, & n’a aucun rapport au sentiment de l’Abbé du Bos.
L’on sent bien que, quelles que soient les mœurs d’un Petit-maître & ceux de la Coquette qui le subjugue, ils ne trouveraient pas grand plaisir l’un & l’autre, à répéter des couplets indécens, mais pourtant mille fois au-dessous du libre de leurs conversations particulières & de leurs Billets-doux : c’est du tendre qui les charmera : ils se passioneront en le chantant : c’est un sentiment inéprouvé ; c’est du neuf pour eux ; ils en sont enchantés : sans rien sentir, ils soupirent, & par des mouvemens passionés, ils mentent, avec une volupté qu’eux seuls peuvent apprécier, le sentiment qu’ils ne connaissent pas.
Et c'est pour cela que les Pères de l'ancienne Eglise n'ont pas seulement condamné les Théâtres des Païens par cette société qui rendait les Spectateurs complices d'une Idolâtrie si contraire et si pernicieuse à la foi du Christianisme, mais aussi par l'impudence des Acteurs, par les choses honteuses qui s'y représentaient, et par les discours malhonnêtes qui s'y récitaient ; et comme l'innocence des mœurs est de tous les temps, et qu'elle nous doit être aussi précieuse qu'aux Docteurs des premiers siècles, j'estime qu'il est à propos pour lever le scrupule que cette considération pourrait jeter dans les âmes touchées des sentiments de la piété de montrer ici deux choses : La première, qu'elle était parmi les Romains cette débauche effrénée des Jeux de la Scène, qui se trouva même par les Lois digne d'un châtiment plus sévère qu'une simple censure : Et la seconde, que la représentation des Poèmes Dramatiques fut toujours exempte de leur peine, comme elle n'était pas coupable de pareille turpitude. […] plaisir, et s'il les en faut croire, avec quelque sentiment de dévotion envers leurs Dieux.
Quelquefois le Public se laisse trop séduire, sans doute, à l’art des Acteurs, à la pompe, à l’illusion de la représentation ; des Vers faibles, traînans ou montés sur de grands mots, lui paraissent admirables au Théâtre, parce qu’ils sont prononcés avec force & avec le feu du sentiment. […] Ceci confirmerait le sentiment de d’Aubignac, qui semble soutenir qu’on ne doit point s’attacher au stile dans une Pièce de Théâtre. […] Je finirai par citer Boileau, dont le sentiment, tel qu’il soit, sera toujours d’un grand poids.
.° parce qu’il est très opposé à la sainteté de l’état, qu’un Religieux se travestisse en femme ou en Arlequin, en tienne le langage, en affecte les airs, en débite les sentiments, et mette la Clairon ou Dominique à la place du Pénitent et du Ministre. 2.° Que selon S. […] Il serait aisé d’ajouter bien d’autres décisions ; mais nous parlerons ailleurs des sentiments des Casuistes, et il est aisé de sentir que ceux qui défendent la comédie à tout le monde, à plus forte raison ne la permettent pas aux Religieux. […] Ces usages, dans le goût de ces nations, où à travers quelques abus on voit un fonds de piété, et des sentiments de pénitence, sont peu conformes à nos mœurs.
La tragédie leur enseigne l’élévation du style, la noblesse des sentiments, la pureté du langage, la force, l’harmonie, le pathétique de l’expression. […] C’est un des blasphèmes ordinaires aux Protestants d’avilir nos cérémonies et nos offices en les traitant de comédies : tant cette image laisse dans l’esprit un sentiment de dérision et de profanation, qu’elle ag passé en proverbe pour tout dégrader. […] François de Sales dit : « C’est un malade qui ne mange plus du melon, mais qui du moins veut le voir et le flairer » Pascal dirait ici : « Ces Pères sont accommodants, savent adoucir la rigueur des règles : et pour gagner tout le monde à Dieu, se prêtent à tous les goûts. » Nous n’examinons pas ici le sentiment de leurs Casuistes, nous en parlerons ailleurs ; mais du moins est-il certain que leurs livres de piété sont décidés contre les spectacles, Buzée, Suffren, Haineuve, Croizet, Griffet, etc., que leurs Prédicateurs, Bourdaloue, Cheminais, Houdri, Segaud, etc., en parlent très fortement ; que leurs Journalistes de Trevoux depuis soixante ans ont constamment marqué de l’éloignement pour la fréquentation du théâtre, combattu les écrits qui le favorisaient, accueilli ceux qui le condamnaient, témoins ceux de MM.