La Religion n’est pas entendue dans un si grand fracas de plaisirs ; rien n’est du goût que ce qui flatte les sens, et parmi tant d’objets si capables de plaire, et qui plaisent en effet, l’âme sera-t-elle maîtresse de ses désirs ? […] Tout ce qu’on voit, tout ce qu’on entend sur le théâtre ne s’adresse qu’aux sens, à la cupidité ; parures, décorations, chants, harmonies, assemblées, tout tente ; et à force de goûter ce qui enchante, on trouve des charmes dans les pièges, et on se sait bon gré d’être tenté. […] Les sens ne sont-ils pas d’abord pris par ce fracas de décorations, de voix, d’instruments, de machines ; et les sens, d’intelligence avec les passions, peuvent-ils laisser l’âme tranquille ? […] Dans cette disposition de tous les sens, ou gagnés ou captifs, et d’un cœur si près de l’être, on voit paraître sur la scène un nombre choisi d’acteurs parés avec tout l’artifice que l’esprit du monde peut imaginer pour séduire, et qui ajoute à l’artifice, tout ce que la passion qu’ils expriment peut inspirer. […] Rien n’étouffe tant la délicatesse de la conscience, que l’entière satisfaction des sens.
Lorsque ce sentiment n’a d’autre objet que ce qui peut flatter les sens, on perd souvent de vue les principes qui doivent assujettir la conduite à la raison. […] L’attrait qui porte les deux sexes à s’unir l’un à l’autre, depuis la dégradation de l’homme, a dégénéré en une révolte des sens contre l’esprit ; il est si inséparable de notre être, que la sagesse ne consiste pas à n’en point ressentir l’impression, mais à l’assujettir à la retenue qu’exige le devoir. […] Il réfléchit, et peut apercevoir ses extravagances : mais, lorsque le cœur est enflammé par l’enchantement des sens, la raison ne tarde pas à être séduite, et l’esprit trouve son poison dans ce qui charme le cœur. […] Dès lors que l’amour exclut de son commerce la prudence et la raison, il est plus propre à former un engagement indécent qu’à produire un mariage heureux q » ; il jette le trouble dans l’âme et dans les sens, il enlève la fleur de l’innocence, il étonne et détruit la vertu, il avilit et dégrade l’homme, il le met au-dessous de lui-même, il ternit sa réputation, la honte marchant presque toujours à sa suite.
Le premier est qu’ils rendent l’âme esclave des sens, ou, pour mieux dire, qu’ils augmentent considérablement le pouvoir que ces facultés ont naturellement sur notre âme, et le rendent plus absolu, et plus tyrannique qu’il n’étoit de lui-même. Quand je dis ceci, je ne parle pas du pouvoir que les sens ont pour déterminer nôtre esprit dans les jugemens speculatifs qu’il prononce sur la nature de leurs objets, disant, C’est telle chose, c’est un arbre, c’est une pierre. […] Je dis donc qu’une partie considerable de cette corruption hereditaire que nous portons en naissant, consiste dans cette autorité illegitime, que les sens ont sur nôtre esprit et sur nôtre cœur. […] C’est un monde composé de tous les objets de nos passions, des grandeurs humaines, de tout ce qui paroît pompeux et éclatant, des plaisirs des sens, et des richesses d’iniquité. […] J’ajoûte en deuxiéme lieu que cette ombre même de pureté dont on parle est en un sens ce qu’il y a de plus pernicieux.
Qui étale, bien que ce soit pour le mariage, cette impression de beauté sensible qui force à aimer, et qui tâche à la rendre agréable, veut rendre agréable la concupiscence et la révolte des sens. […] Qu’un mariage de cette sorte, où les sens ne dominent pas, serait froid sur nos théâtres ! […] Ce qu’on y veut, c’en est le mal : ce qu’on y appelle les belles passions, sontf la honte de la nature raisonnable : l’empire d’une fragile et fausse beauté et cette tyrannie qu’on y étale sous les plus belles couleurs flatte la vanité d’un sexe, dégrade la dignité de l’autre, et asservit l’un et l’autre au règne des sens.
Il émeut les sens, il adoucit les affections, et chasse une forte et ferme conscience d’un bon cœur et entendement. […] [NDE] En moyen français, l'infinitif pouvait avoir le sens de "naissance". […] [NDE] A l'époque, il avait aussi le sens de "honorable, honnête, juste, fidèle, ferme (Cotgreave). […] [NDE] cas = choses, notamment avec un sens péjoratif.
Mais en quelque sens que M. de S. […] Attentif et fidèle au sens de l’original, j’ai adouci certaines métaphores trop fortes selon nous ; j’en ai même retranché quelques-unes, qui ont dans l’Anglais un agrément auquel nous ne sommes pas accoutumés : j’ai déplacé quelques pensées pour leur donner un ordre plus conforme à notre manière d’arranger les nôtres ; j’ai changé le sens figuré au sens propre, ou le sens propre au sens figuré, à mesure que l’un ou l’autre me semblaient convenir davantage : j’ai étendu ce qui pouvait nous paraître trop obscur, pour être trop laconique ; et au contraire j’ai serré ce qui pouvait nous paraître lâche pour être trop étendu : quoique après tout, ce ne soit guère le défaut de M.