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67. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 1 « CHAPITRE III. Des Pièces de Collège. » pp. 48-67

La comédie leur offre l’image du monde, la peinture des vices, le désordre des passions, la corruption du cœur humain, le détail des ridicules. […] C’est un Comédien, dit-on, et cette idée de comédie est si méprisable et si opposée à la sainteté de la religion, qu’on ne croit pas pouvoir leur donner de plus grand ridicule. […] Il est sans doute très possible, et même vraisemblable, que dans un si grand nombre de Prédicateurs et d’Avocats qui ont paru dans le monde, il s’en est trouvé quelqu’un assez peu sage pour aller à cette école, et copier de pareils modèles ; mais il a dû agir bien secrètement, s’il a fait assez de cas de sa réputation pour s’épargner des ridicules. […] Il flatte peu la vanité ridicule d’un Régent ou d’un Religieux qui court après les applaudissements du public par des traits si peu dignes de lui, arbitrio popularis auræ, en les bornant à quelques Savants, nation peu nombreuse et fort sérieuse. […] Mais y unir la magnificence des habits, la délicatesse des parfums, le dieu de la bonne chère, la danse, etc., c’est en vérité une morale bien singulière ; faire danser sur un théâtre, et faire des remerciements au plaisir, la foi, la mortification, l’humilité, la religion ; je ne sais si l’indécence d’un tel spectacle l’emporte sur le ridicule.

68. (1774) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre seizieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre VI. Suites des diversites curieuses. » pp. 138-172

C’est ce que méritent des foiblesses si ridicules. […] Malherbes a dit des guerriers de son temps : Si les labeurs dont la France a tiré sa délivrance sont écrits avecque foi, qui sera si ridicule qui ne confesse qu’Hercule fut moins Hercule que toi ? […] Nom de Dieu par des sermens ridicules. […] On peut de mille manieres envisager & représenter le même ridicule, & faire de très-bonnes comédies sans imiter Moliere. […] C’est se jouer du public & se rendre ridicule, de porter l’ivresse à cet excès, & de vouloir enivrer tout le monde de son vin.

69. (1768) Réflexions sur le théâtre, vol 7 « Réflexions sur le théâtre, vol 7 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE SEPTIÈME. — CHAPITRE V. Suite du Théatre de S. Foix. » pp. 105-139

De tout temps les hommes ont été bien ridicules. […] Les Essais sur Paris ne sont qu’un Recueil de traits ridicules destinés à mettre dans des farces de la Foire, qu’on a décoré de ce titre intéressant. […] C’est se respecter peu soi-même de faire parler d’une maniere si ridicule un Saint aussi éclairé, aussi désintéressé que S. […] Il veut très-mal-à-propos justifier son mariage, & rapporte des anecdotes ridicules. […] Il tourne en ridicule Charles le Chauve, uniquement parce qu’il respectoit le Clergé.

70. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 3 « Chapitre III. Du Cardinal de Richelieu. » pp. 35-59

«Le théâtre (qui jusqu’alors avait été ridicule) devint florissant par la faveur de Richelieu. […] Elle n’a jamais été remise au théâtre, et n’est connue que par le ridicule des tendresses de son Auteur. […] On ne peut comprendre en lisant les ridicules éloges qu’on lui donne, qu’il se soit trouvé quelqu’un pour les écrire, et quelqu’un pour les accepter. […] Il l’eût volontiers déféré à la Sorbonne, si la matière eût été de sa compétence ; mais il eût été trop ridicule d’occuper de graves Théologiens des amours de Chimène, et de lancer des anathèmes théologiques sur une pièce de théâtre. […] Enfin si on n’eût consulté que l’intérêt des mœurs, il fallait supprimer, brûler cette tragédie, non pas y chercher des défauts de composition ; mais on la voulait livrer au ridicule, non aux flammes, et faire triompher, non la religion, mais les ouvrages d’un rival sur les productions de Corneille.

71. (1759) Lettre sur la comédie pp. 1-20

J’ai cru, pour l’utilité des mœurs, pouvoir sauver de cette proscription les principes & les images d’une pièce que je finissois, & je les donnerai sous une autre forme que celle du genre Dramatique : cette Comédie avoit pour objet la peinture & la critique d’un caractère plus à la mode que le Méchant même, & qui, sorti de ses bornes, devient tous les jours de plus en plus un ridicule & un vice national. Si la prétention de ce caractère, si répandue auiourd’hui, si maussade comme l’est toute prétention, & si gauche dans ceux qui l’ont malgré la nature & sans succès, n’étoit qu’un de ces ridicules qui ne sont que de la fatuité sans danger, ou de la sottise sans conséquence, je ne m’y serois plus arrêté ; l’objet du portrait ne vaudroit pas les frais des crayons : mais outre sa comique absurdité, cette prétention est de plus si contraire aux régles établies, à l’honnêteté publique, & au respect dû à la Raison, que je me suis cru obligé d’en conserver les traits & la censure, par l’intérêt que tout Citoyen qui pense doit prendre aux droits de la Vertu & de la Vérité. J’ai tout lieu d’espérer que ce sujet, s’il doit être de quelque utilité, y parviendra bien plus sûrement sous cette forme nouvelle, que s’il n’eût paru que sur la Scène, cette prétendue école des Mœurs où l’Amour-propre ne vient reconnoître que les torts d’autrui, & où les vérités morales, le plus lumineusement présentées, n’ont que le stérile mérite d’étonner un instant le désœuvrement & la frivolité, sans arriver jamais à corriger les vices, & sans parvenir à réprimer la manie des faux airs dans tous les genres, & les ridicules de tous les rangs.

72. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — Seconde partie. Notes. — [A] » pp. 297-379

La charge ne rend pas les objets haïssables, elle ne les rend que ridicules : de-là résulte un très-grand inconvénient ; à force de craindre les ridicules, les vices n’effrayent plus. […] J’observe cependant, que le ridicule est quelquefois aussi l’arme de la vertu. […] Effectivement, combien de Pièces, où l’on charge de ridicule, en les outrant, en les masquant, les vertus d’un guide sage ! […] Un culte d’autant plus ridicule, qu’il était plus composé, succède à l’hommage des cœurs. […] Quoi de plus ridicule en effet, que de faire une femme de la Beauté personnifiée, & de lui donner les aventures, d’une Courtisane célèbre ?

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