Une maladie contagieuse qui survint en empêcha la représentation ; mais le jeune Régent ne voulant pas avoir perdu sa peine, la fit jouer peu de temps après devant Charles Duc de Lorraine, qui lui donna cent écus d'or en récompense (Hist. […] La plupart n'avaient aucune idée du brodequin ni du cothurne, et tout au plus auraient vu des Danseurs de corde et des vendeurs d'orviétan, si les représentations des Collèges n'avaient instruit des charmes séduisants de la scène régulière. […] Il est pourtant vrai que cette différence ne consiste que du plus au moins : même pièce, même rôle, mêmes habits, même chant, même danse, mêmes décorations, même spectacle, c'est toujours l'esquisse du tableau, l'essai de la représentation, l'imitation de la réalité, le commencement de l'orage, le prélude de l'acte, le germe de la volupté, l'ébauche de la passion. […] Quelques Recteurs plus obéissants n'ont pas souffert des représentations pendant leur règne, mais le grand nombre de ces Pères, soit pour faire briller leur stalents, ou pour ménager les suffrages des Grands et du peuple, dont ils connaissaient le goût, ou dans l'idée que c'est un exercice utile à la jeunesse, ont continué de composer et de faire jouer des pièces de toute espèce. […] Cyr, ce qui en fit supprimer la représentation pendant plus de quarante ans ; que Racine, alors converti, eut beaucoup de peine à se charger de les composer, et s'en repentit ; qu'Esther n'est plus jouée, qu'Athalie tomba d'abord, et fut plus de vingt ans à se relever.
Il n’est pas permis de représenter la Comédie qui a pour titre le Festin de Pierre, ni d’en voir la représentation. […] Les Docteurs en Théologie de Paris qui ont vu l’exposé ci-dessus, sont d’avis qu’on ne peut accorder les Sacrements à ceux qui jouent, ou qui font jouer la Comédie intitulée le Festin de Pierre, ils les en croient indignes, comme gens qui servent à entretenir le crime ; car ç’a toujours été une doctrine constante dans l’Eglise, que nul Chrétien ne peut ni représenter, ni même assister comme simple spectateur à la représentation des Pièces de Théâtre qui sont remplies d’intrigues amoureuses et d’impiété. […] est-ce afin qu’en y perdant la pudeur, il devienne plus hardi pour commettre le crime dont il voit avec plaisir l’image et la représentation ?
Car il y a deux choses par lesquelles on imite [qui sont le chant & la diction] une maniere d’imiter [qui est la Représentation du Théâtre, c’est-à-dire, la décoration, les habits, le geste &c.] […] L’autre doit faire son impression sur le champ par la Représentation, sur un Spectateur qui n’ayant pas le tems de méditer, ni de réflechir, applaudit, quand il a été vivement ému. […] Un Romain qui voyoit d’un œil sec, un homme déchiré sur le Théâtre par des bêtes, pouvoit à une Représentation d’Œdipe joindre ses larmes à celles d’un Comédien. […] La Tragédie, dont la fin est d’exciter deux Passions qui peuvent rendre les hommes meilleurs, ne devient dangereuse que par la faute des Poëtes, & la nature des Représentations. […] Je n’y ai jamais prétendu justifier les Représentations publiques.
Ces représentations brillantes étoient données au peuple, & elles formoient le sujet ou l’occasion d’une fête & d’une réjouissance publique ; & lorsque l’argent manquoit quelquefois, on prenoit celui déposé dans le temple de Delphes, & destiné aux dépenses de la guerre. […] Sous Auguste l’Empire devenu tranquille, produisit des chefs-d’œuvres de poésie, mais d’un genre étranger à la représentation. […] Les intermedes étoient remplis par des flûtes, & la Musique étoit vive ou sérieuse, légere ou grave, & relative non seulement au sujet, mais encore aux jours de représentation. […] Un obstacle plus grand encore, c’est la contradiction entre la gloire de la composition des pièces de théâtre, & la sorte de déshonneur attachée aux représentations de ces mêmes pièces ; c’est la diversité de sentimens & d’opinions sur cette matiere. […] Nous avons vu avec quelle fureur le Public s’est porté aux représentations du siége de Calais, Piéce qui n’a mérité son succès passager que par l’heureux choix de son sujet.
La Tragédie, à proprement parler, est une représentation sérieuse de quelque action de grande importance, et qui produit par elle-même la terreur ou la pitié ; ainsi les pièces, dont l’événement ou le dénouement est heureux, ne sont pas des Tragédies ; car elles doivent toujours finir par quelque chose de tragique ou de funeste. […] Ce sont tous ces traits répandus, qui forment le caractère des personnages ; ainsi dans l’Iphigénie tout ce qui entre dans la représentation d’un homme amoureux, mais violent, tel qu’était Achille ; tout ce qui sert à nous peindre un Roi fier et ambitieux, tel qu’Agamemnon ; une mère tendre, une jeune Princesse courageuse, telles que Clytemnestre, et Iphigénie ; c’est précisément ce que nous appelons mœurs. […] La perfection de ce Poème demanderait que l’action ne durât pas plus longtemps dans la vérité, que dans la représentation ; il est permis cependant de précipiter le temps dans les intervalles des Actes, c’est-à-dire, dans cette partie de l’action qui se passe derrière le Théâtre ; mais l’action ne peut durer au-delà de douze heures, sans blesser la vraisemblance. […] Quelques-uns voudraient que la présence des spectateurs fût essentiellement liée à la pièce, dans la vérité, comme dans la représentation ; mais il y a peu de Tragédie, qui ait cette exactitude ; cela était bon du temps de ces Rois populaires, qui paraissaient si souvent dans les places publiques. […] Quelques paroles trop libres qui échappaient, de temps en temps, aux Comédiens Italiens, et quelques licences qu’ils se donnaient dans leurs représentations, dont les personnes délicates étaient alarmées, faisaient crier contre eux le public, et les ont fait chasser sans ressource.
C’est l’arrêt que fit prononcer Voltaire contre l’Abbé des Fontaines, qui avoit maltraité son Mahomet, & peut être contribué à en faire défendre la représentation. […] Les graves ambassadeurs respectifs, après plusieurs conférances où furent murement agitées ces grandes affaires d’état, convinrent qu’à chaque représentation on donneroit un certain nombre de billets aux boursiers, le calme fut rétabli, les actrices visitées : jugez si les études fleurissent, & s’il sort de ce collége des grands hommes, dont le nom passera sans doute à la postérité la plus reculée. […] Sa belle ame qui étoit faite pour la pratiquer, fut si frappée de ces discours, qu’il retira ses pieces, & renonça au théatre, que l’étourderie & les passions de la jeunesse lui avoient fait d’abord trop goûter, pour s’adonner à l’étude de la sagesse ; il ne permit, non plus qu’Aristote dans sa République, aucune représentation théatrale, parce qu’il n’en est aucune qui n’excite quelque passion, colere, vengeance, ambition, amour ; l’action suit de près les discours & la représentation, on se laisse aisément gagner lorsqu’on aime de voir & d’entendre. […] Après la représentation ils reviennent à leur boutique, & font leur métier ; tandis que les choses resteront sur le même pied, on n’aura pas de grands acteurs ; mais aussi on n’aura pas de frivoles petits maîtres, de courtisannes séduisantes, de grands libertins : le bien public exige qu’on se passe des uns, pour ne pas risquer d’avoir les autres. […] L’Académie de Parme distribue plusieurs prix, elle a donné en 1770, pour prix de l’architecture, le plan d’un théatre magnifique, propre à toute sorte de représentations, qui réunisse les différences parties de la distribution, & décoration antérieure & extérieure, la forme & les dimensions de l’orchestre, des loges, de l’amphthéatre, pour les changements de scéne, la pompe de la représentation dans toutes sortes de drames liriques, tragiques & comiques ; tout le théatre est mis sur le trône littéraire.