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2. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre V. Le but des auteurs et des acteurs dramatiques est d’exciter toutes les passions, de rendre aimables et de faire aimer les plus criminelles. » pp. 51-75

Le but des auteurs et des acteurs dramatiques est d’exciter toutes les passions, de rendre aimables et de faire aimer les plus criminelles. […] Qu’apprend-on dans Médée, si ce n’est jusqu’où la fureur de la jalousie peut rendre une mère cruelle et dénaturée ? […] A la faveur de je ne sais quelles commodes suppositions, on les rend permis ou pardonnables. […] Ses combats, ses maux, ses souffrances le rendent plus touchant encore que s’il n’avait nulle résistance à vaincre. […] « Ce qui achève de rendre ces images dangereuses, c’est précisément ce qu’on fait pour les rendre agréables ; c’est qu’on ne le voit jamais régner sur la scène qu’entre des âmes honnêtes, qui sont des modèles de perfection.

3. (1668) Les Comédies et les Tragédies corrompent les mœurs bien loin de les réformer. La représentation qu’on fait des Comédies et des Tragédies sur les Théâtres publics en augmente le danger. On ne peut assister au spectacle sans péril « Chapitre X. Les Comédies et les Tragédies corrompent les mœurs, bien loin de les réformer. » pp. 185-190

 » Il est bien vrai que l’on y rend l’avarice ridicule, et que l’on y condamne les débauches des jeunes gens et leurs folles amours ; mais ce n’est point par des railleries que l’on détruit le vice, particulièrement celui de l’impureté ; ce mal est trop grand pour être gueri par un remède si faible, et même souvent on prend plaisir à s’en voir railler. […] Outre cela, quoiqu’en disent les Poètes, leur dessein est plutôt de rendre le vice aimable que honteux. Ils ne condamnent effectivement et ne rendent ridicules que certains défauts moins considerables, comme l’humeur difficile des vieillards, leur avarice, leur sévérité envers la jeunesse, leur facilité à se laisser tromper. […] Mais tous les autres vices, comme la haine, la vengeance, l’ambition, l’amour, y sont peints avec des couleurs qui les rendent aimables, comme nous avons remarqué. […] Cicéron reprend les Grecs de ce qu’ils avaient consacré les amours impudiques des Dieux, en faisant une divinité de Cupidon : et il dit qu’ils ne devaient rendre ce culte qu’à leurs vertus.

4. (1698) Théologie du cœur et de l’esprit « Théologie du cœur et de l’esprit » pp. 252-267

C’est un autre effet du premier péché, de ne point goûter les biens spirituels : le Théâtre rend ce dégoût encore plus grand. […] Ne sommes-nous pas obligez de rendre heureux l’un & l’autre ? Or le bonheur que nous devons procurer à nos corps, ce n’est pas de les abandonner à leurs plaisirs, c’est de les rendre brillans de gloire dans le Ciel ; & le bonheur que nous devons procurer à nos ames, c’est de les rendre dignes de posseder Dieu pendant l’éternité. […] S’il n’est point permis d’aimer les vices, peut-on se plaire à ce qui a pour but de nous les rendre aimables ? […] Toute action dont on n’oseroit rendre graces à Dieu, comme en étant la premiére cause & la derniére fin, est encore moins permise à un Chrétien.

5. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre quatriéme. — Chapitre IV. Des Personnages. » pp. 239-251

Si vous permettez de faire tel personnage meilleur à la fin d’un Drame, ne puis-je pas dans le même cas rendre celui-ci méchant, de vertueux qu’il était ? […] Les ombres d’un tableau contrastent avec la lumière & la rendent plus vive. […] Les dissonnances que l’on fait entrer dans la Musique rendent les sons agréables plus délicieux. […] La raison de cette variété peut se trouver d’abord dans le stile propre à chaque Poète ; car le Poète qui écrira avec force rendra ses personnages plus fiers, plus hèroïques, que celui dont le stile est rempli de douceur. […] En agissant de la sorte, les personnages amoureux du nouveau Spectacle ne seront plus si froids, si glacés ; les Acteurs qui les représenteront pourront rendre leur jeu plus vif, & la Pièce sera plus animée.

6. (1675) Traité de la comédie « XIX.  » pp. 302-305

Ce qui rend encore plus dangereuse l'image des passions que les Comédies nous proposent, c'est que les Poètes pour les rendre agréables sont obligés, non seulement de les représenter d'une manière fort vive, mais aussi de les dépouiller de ce qu'elles ont de plus horrible, et de les farder tellement par l'adresse de leur esprit, qu'au lieu d'attirer la haine et l'aversion des spectateurs, elles attirent au contraire leur affection. […] Impitoyable père, et par un juste effort, Je la veux rendre égale aux rigueurs de mon sort. » Et ensuite parlant à son frère, elle fait cette horrible imprécation contre sa patrie : « Rome l'unique objet de mon ressentiment, Rome à qui vient ton bras d'immoler mon amant, Rome qui t'a vu naître, et que ton cœur adore, Rome enfin que je hais, parce qu'elle t'honore. […] Et si l'on considère presque toutes les Comédies et tous les Romans, on n'y trouvera guère autre chose que des passions vicieuses embellies et colorées d'un certain fard qui les rend agréables aux gens du monde. Que s'il n'est pas permis d'aimer les vices, peut-on prendre plaisir aux choses qui ont pour but de les rendre aimables ?

7. (1667) Traité de la comédie « Traité de la comédie — XXII.  » p. 481

Non seulement la Comédie et les Romans rendent l'esprit mal disposé pour toutes les actions de religion et de piété; mais ils le dégoûtent en quelque manière de toutes les actions sérieuses et ordinaires. Comme on n'y représente que des galanteries ou des aventures extraordinaires, et que les discours de ceux qui y parlent sont assez éloignés de ceux dont on use dans les affaires sérieuses; on y prend insensiblement une disposition d'esprit toute romanesque, on se remplit la tête de héros et d'héroïnes ; et les femmes principalement y voyant les adorations qu'on y rend à celles de leur sexe, dont elles voient l'image et la pratique dans les compagnies de divertissement, où de jeunes gens leur débitent ce qu'ils ont appris dans les Romans, et les traitent en Nymphes et Déesses, s'impriment tellement dans la fantaisie cette sorte de vie, que les petites affaires de leur ménage leur deviennent insupportables; et quand elles reviennent dans leurs maisons avec cet esprit évaporé et tout plein de ces folies, elles y trouvent tout désagréable, et surtout leurs maris qui, étant occupés de leurs affaires ne sont pas toujours en humeur de leur rendre ces complaisances ridicules, qu'on rend aux femmes dans les Comédies, dans les Romans et dans la vie romanesque.

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