Le nouveau théatre de Versailles est un spectacle d’une magificence incroyable ; il y en avoit déjà de très-beaux ; mais pour mieux recevoir Madame la Dauphine, car le théatre fait partie de la reception, on en a bâti un nouveau. […] Garrik est venu à Paris, & y a vu certains usages qu’il a voulu introduire en Angleterre, entr’autres on n’est point reçu à la comédie de Paris, en quelque tems de la réprésentation que l’on vienne, qu’on ne paye à la porte la même somme.
.° Les Vestales n’étoient point reçues après dix ans, comme à S. […] Les Vestales, semblables à nos Chanoinesses de Flandres & d’Allemagne, qui peuvent se marier, & qui à quelque fonction près, à l’Office divin qu’elles récitent, vivent avec la même liberté, le même éclat, la même mollesse, que les femmes du grand monde, les Vestales étoient magnifiquement habillées, somptueusement servies par un grand nombre d’esclaves, traînées dans un char brillant, précédées d’un Licteur, faisoient reculer le char même du Consul quand ils le trouvoient dans la rue, reçues dans toutes les compagnies, ayant les places les plus distinguées aux spectacles vis-à-vis du Préteur, très-opulentes, & de leur propre bien, étant des premieres maisons de Rome, & des dons immenses qu’on leur faisoit, & des richesses de leur Communauté.
Ce n’étoit pas l’objet des amours du Prince, c’étoit sa niece, & la parenté, sur-tout dans les ascendans, écarte l’idée du crime ; on la fait venir dans la salle du repas, comme tous les jours dans les familles on fait danser un enfant pour s’amuser & le faire briller ; une jeune Princesse, sans doute bien élevée & décente, qui n’étoit point exercée à tendre des pieges à la vertu, & ne prétendoit pas à la conquête de son vieux oncle au préjudice de sa mere, si neuve, si simple, que ne sachant que demander, elle va consulter sa mère, court répéter ses paroles, reçoit la tête de Jean-Baptiste, & la lui donne. […] Quel crime, quelle honte pour ces misérables esclaves du vice, de n’employer qu’à perdre les ames & se perdre elles-mêmes, les graces qu’elles ont malheureusement pour elles & pour le public, reçues avec profusion de la nature !
Il veut enfin qu’après ces divertissements et au retour de la Comédie, « on use de quelques saintes et bonnes considérations qui empêchent les dangereuses impressions que le vain plaisir qu’on a reçu pourrait donner à nos esprits». […] Dans le premier Concile Provincial de Milan, où il parle avec ses Suffragants : « Nous avons, dit-il, trouvé à propos d’exhorter les Princes et les Magistrats de chasser de leurs Provinces les Comédiens, les Farceurs, les bateleurs, et autres gens semblables de mauvaise vie, et de défendre aux hôteliers et à tous les autres, sous de grièves peines, de les recevoir chez eux.» […] Un Cabaretier, par exemple, n’était pas reçu autrefois en témoignage, et on le traite aujourd’hui d’honorable homme : les Médecins autrefois furent chassés de Rome comme gens infâmes ; et dans l’élévation où ils sont aujourd’hui, reste-t-il le moindre vestige de leur infamie ? […] Les Comédiens doivent donc être mis aujourd’hui au nombre des honnêtes gens ; et ils y sont si bien, que la Comédie ne fait point dégénérer la Noblesse : témoin Floridor, qui fut un des plus grands Comédiens que la France ait eus, qui était né Gentilhomme, et qui dans la recherche de la Noblesse fut reçu à faire preuve de la sienne.» […] Tout ce qu’il pourrait prétendre en Italie, suppose qu’il y jouât, ce serait peut-être en finissant son rôle de recevoir quelques applaudissements de la part de la canaille du parterre, et d’entendre crier, comme on fait en ce pays-là : « Viva viva il Dottore, viva. » On ne l’empêchera pas d’aller savourer ces acclamations en Italie.
Lorsqu’on invente un genre de spectacle qui n’a rien de semblable à ceux qui sont reçus, on ne doit craindre aucune opposition.
Et cela se fit près de cent cinquante ans avant que la représentation des Poèmes Dramatiques fut reçue au Théâtre Romain, durant lequel temps les Bouffons et Bateleurs ont porté le nom d'Histrion Scénique.