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2. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre quatriéme. — Chapitre III. De l’Unité de lieu, de Tems & de Personne. » pp. 211-238

Beaucoup d’Auteurs Dramatiques s’élevèrent jadis contre cette règle si sensée. […] On dirait qu’il lui soit impossible de s’étendre au delà de deux Actes sans contredire toutes les règles. […] Nous devons conclure d’une si bisare coûtume que les règles de leurs Drames sont très différentes des notres. […] Sédaine n’ignorait pas sans doute la règle que je propose. […] Les nouveaux Poèmes du Spectacle moderne contredisent autant la règle dont je parle que les Anciens.

3. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — TROISIEME PARTIE. — Tragédies à conserver sur le Théâtre de la Réformation. Avant Propos. » pp. 118-127

Je fais cas des règles sans en être l’esclave : je suis l’admirateur de la nature ; et toutes les fois que les règles s’en éloignent il m’en coûte peu pour les abandonner. […] J’ai pensé moi-même comme les autres, pendant un temps ; et, dans la crainte qu’on ne m’accusât de présomption en combattant l’opinion générale, j’ai soutenu les règles tant que j’ai pu ; comme on en peut juger, surtout par mon examen sur Œdipe : mais, en pénétrant plus avant, je me suis senti forcé de les abandonner ; et je me suis dit à moi-même que si mon sentiment était fondé sur la vérité, je ne devais point craindre de parler. Quoique je me sois scrupuleusement attaché dans mes Ouvrages aux règles d’Aristote, et que j’en ai même fait le fondement des préceptes que j’ai pris la liberté de donner ; j’ose pourtant dire qu’on aurait tort de me reprocher d’avoir changé d’avis, si je critiquais aujourd’hui ces mêmes règles. […] Je me suis, il est vrai, conformé à ces règles dans ce que j’ai donné ; mais il est aisé de voir que ce qui m’a déterminé à tenir cette conduite, c’était le désir d’éviter la singularité, et la crainte d’être le seul de notre siècle qui osât opposer une digue à la prévention générale : j’ajoute que je n’ai suivi ces règles que lorsqu’elles m’ont paru conformes aux préceptes de la raison autant qu’à ceux des Maîtres de l’Art ; aussi lorsqu’il m’est arrivé de citer quelque dogme du grand Maître, j’ai toujours dit : Comme le veut Aristote ou plutôt la raison : la nature : le bon sens : le vrai : et autres termes semblables, ainsi qu’on peut le vérifier dans mes Ecrits. […] En un mot je respecte les règles, lorsqu’elles me paraissent dictées par la nature et conformes à la raison ; mais je ne les écoute pas quand elles forcent la nature, et que, contraires au bon sens et à la raison, elles ne tendent qu’à nous mettre aux fers comme des esclaves.

4. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre troisiéme. — Chapitre II. Que les nouveaux Drames sont susceptibles de règles, ainsi que les autres Poèmes. » pp. 121-122

Que les nouveaux Drames sont susceptibles de règles, ainsi que les autres Poèmes. […] S’il est démontré que les Drames modernes sont remplis de difficultés, il est clair qu’ils éxigent des règles, un art inconnu du vulgaire qu’on ne peut se dispenser d’apprendre ; faut-il donner la torture à son esprit pour tirer cette conséquence ? La moindre Chanson a ses règles, ses loix particulières ; les Strophes doivent en être coupées avec simétrie, certains mots rejettés, le stîle clair & concis. […] Le nouveau Théâtre change souvent les règles dramatiques. Il est bon d’avertir le Lecteur que si le nouveau Théâtre va quelques fois puisér des règles chez les Anciens, il se réserve toujours le droit de les entendre à sa fantaisie.

5. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Chapitre dernier. Conclusion. » pp. 345-347

E n réfléchissant sur tout ce que j’ai dit au sujet du Spectacle moderne, on s’appercevra sans peine que la plus-part de ses Poèmes, fondés sur les règles qui constituent les Drames en tout genre, s’écartent assez souvent de ces règles si èssentielles. […] Mais je n’ai point négligé de rappeller très-souvent à leurs Auteurs les règles sages & judicieuses, qui forment seules un Drame parfait. […] Plus il est prouvé que le genre naissant des Drames tant applaudis de nos jours s’est écarté des règles reçues, & soulève contre lui la critique & la raison, plus il est démontré que les Acteurs qui le soutiennent & le font valoir, ont des talens rares & supérieurs. […] On doit conclure encore, après avoir lu cet Ouvrage avec attention, qu’il peut être utile aux Poètes & aux Musiciens des différens Spectacles, qui de nos jours semblent trop souvent vouloir négliger les règles, en cherchant à se distinguer par des nouveautés singulières, sans songer qu’ils s’écartent alors de ce qui plaît réellement ; puisque les règles ne sont établies que d’après ce qui charme généralement les hommes éclairés.

6. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre quatriéme. — Chapitre VI. Des Sçènes. » pp. 257-276

On sera certain de suivre toujours la règle dont je parle, si l’on fait attention à l’entrée & à la sortie de ses Acteurs. […] Le prémière Sçène même éxige qu’on pratique cette règle à la rigueur ; les plus fameux Auteurs Dramatiques nous en ont donnés des éxemples qu’on ne sçaurait suivre avec trop de soin. […] L’observation éxacte de cette règle rendrait la plus-part de nos Pièces défectueuses. […] « Je tiens cette règle indispensable, dit le grand Corneille ; & il n’y a rien de si mauvaise grace qu’un Acteur qui se retire seulement parce qu’il n’a plus rien à dire. » La sortie de vos personnages sera naturelle & dans les règles, lorsqu’ils s’éloigneront pour un motif nécessaire, qui redonne un nouveau jeu à l’action, & qui tende au dénoument. […] L’on est tenté de croire que ses Poètes affectent de manquer à une règle aussi généralement reçue, afin de se distinguer de la foule : les plus grands Auteurs qui travaillent dans son genre, oublient bien-tôt les sages préceptes d’Aristote, & les utiles maximes de ses nombreux Commentateurs ; ils s’imaginent sans doute que l’Opéra-Bouffon ou la Comédie-mêlée-d’Ariettes, ne mérite pas que l’on s’éfforce d’observer des règles quelquesfois gènantes.

7. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre prémier. — Chapitre prémier. Déssein de cet Ouvrage. » pp. 2-7

Cependant l’on avait encore quelque chose à désirer, malgré le grand nombre de volumes où il est traité des règles dramatiques. […] Le Poète qui voudra connaître particuliérement le Théâtre auquel son génie le porte, verra que les règles sont générales, du moins parmi une Nation, & qu’on ne saurait par conséquent les suivre avec trop de soin. […] Ainsi les règles rapprochées s’éclairciront mutuellement, & deviendront plus faciles à retenir. Qu’on ne craigne point de s’égarer en adoptant mes principes ; les Grands-Hommes qui ont traité des règles du Théâtre, seront presque toujours mes guides ; c’est à la lueur de leurs écrits que je ferai marcher les Poètes qui voudront me lire. […] Je puis donc me promettre de n’être pas sans cesse le copiste de ceux qui ont écrit avant moi les règles du Poème Dramatique.

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