Anselme, « Sermon des spectacles profanes », 1694 • Anselme, Antoine (1652-1737 ; abbé) : Sermons de Mr l’Abbé Anselme. […] → Texte : « Sermon des spectacles profanes, Pour le II. […] Des spectacles profanes », col. 40-61, in Collection intégrale et universelle des orateurs sacrés du premier et du second ordre et collection intégrale, ou choisie, de la plupart des orateurs du troisième ordre… ; publiée par M. l’abbé Migne, Paris, chez l’éditeur, 1845, t. […] Courbeville, La Critique du théâtre anglois, 1715 • Courbeville, Joseph de (1668-1715) : La Critique du théâtre anglois, comparé au théâtre d’Athènes, de Rome et de France, et l’opinion des auteurs tant profanes que sacrez, touchant les spectacles, de l’anglois de M.
Pour la preuve de cette vérité, je puis me servir des Pères, des Pièces de Théâtre de ce temps-là que nous avons encore, et des Auteurs profanes qui ont parlé des Spectacles, et de ce qui s’y passait. […] Je crois donc que généralement parlant, on doit attribuer le silence des Auteurs profanes et leur retenue criminelle à ne point déclamer contre les infamies des Spectacles, à la crainte qu’ils avaient de passer pour impies, s’ils invectivaient contre des pratiques, qui, quelque honteuses qu’elles fussent, entraient dans le culte de l’idolâtrie populaire : car je ne vois pas quelle autre raison a pu empêcher tant d’Auteurs et tant de Poètes qui ont si souvent déclamé contre la corruption des mœurs, de déclamer encore plus fortement contre ces infamies. […] J'insère que la raison qui a empêché les Auteurs profanes de déclamer contre les infamies des Spectacles qui faisaient partie de l’idolâtrie populaire, n’ayant point lieu à l’égard des Comédies, puisqu’il est indubitable que les Pièces de Théâtre Tragiques ou Comiques n’ont jamais été regardées comme une partie de ce culte ; les Auteurs profanes n’auraient pas manqué de déclamer avec beaucoup plus de liberté et de violence contre les infamies des Comédies, si, comme vous le prétendez, ces infamies avaient été communes aux Comédies comme aux autres Spectacles : ainsi leur silence et leur affectation me persuade que les Comédies étaient exemptes de ces infamies. […] Je devrais vous faire voir qu’en cela la pensée et les expressions de Tertullien n’ont pas été différentes de celles de Saint Cyprien ; mais outre que vous pourrez le voir dans ce que je vais rapporter de Tertullien, il me semble que ce que j’ai dit vous doit suffire pour vous persuader que les infamies dont les Pères et les Auteurs profanes ont parlé, ne convenaient pas à toute sorte de Spectacles : et si ce que j’ai dit ne suffit pas, je ne sais ce qui pourra vous en convaincre. […] Doù, poursuivez-vous, il vous est facile de juger que « ce saint Docteur ne condamne pas absolument les Danses, les Chants, les Opéra, et les Comédies » : et moi je trouve plus de facilité à juger tout le contraire, et à dire que puisque Saint Cyprien condamne les Danses et les chants des Spectacles des Gentils, à cause de ce qu’il y avait de lascif, il condamne en même temps les Danses et les chants des Opéra et des Comédies, puisque l’amour profane et lascif y règne et domine presque partout, comme tout autre que vous en demeurera d’accord sans peine.
Ainsi, par exemple, ces représentations profanes, ces spectacles où assistent tant de mondains oisifs et voluptueux, ces assemblées publiques et de pur plaisir, où sont reçus tous ceux qu’y amene soit l’envie de paroître, soit l’envie de voir ; en deux mots, pour me faire toujours mieux entendre, comédies et bals, sont-ce des divertissements permis ou défendus ? […] Siecle profane, que n’as-tu pas sçu corrompre, et où n’as-tu pas répandu ta malignité !
Ni le lieu des spectacles profanes, ni les Acteurs, ni toutes les autres circonstances ne compatissent avec des choses sacrées. […] Puisqu’une telle représentation est un abus accordé par force à la dureté du siècle, et que le lieu où elle se fait est un lieu profane, elle ne saurait être excusable, quelques mesures que l’on prenne.
Enfin la quatrième contiendra le jugement que les Auteurs tant sacrés que profanes ont porté sur les spectacles depuis Auguste jusqu’à Justinien. […] Jugement qu’ont porté sur les spectacles les Auteurs tant profanes que sacrés depuis Auguste jusqu’à Justinien. Après avait traité historiquement de ce qui regarde les spectacles depuis Auguste jusqu’à Justinien, il nous reste pour achever de confondre les défenseurs du Théâtre, à rapporter le jugement qu’ont porté sur les jeux de la Scène les Auteurs tant profanes que sacrés. […] , qui fut fait Evêque d’Antioche en 168, dit hardiment qu’on ne voit jamais les Chrétiens aux spectacles, de peur de souiller leurs yeux et leurs oreilles par des Vers indécents et profanes. « Nec spectacula spectare audemus, ne oculi nostri inquinentur et aures nostræ hauriant prophana, quæ tibi decantantur carmina. […] » Les chansons profanes leur sont aussi interdites, aussi bien que le métier de Farceur. « Cantilenas popularium more non canant, non agant facetias.
C’est pourtant là qu’elles doivent paraître ; c’est dans les lieux plus profanes, dans les places publiques, les tribunaux, les palais des Grands seulement, que se trouve la matière de leur triomphe : et comme elles ne sont, à proprement parler, Vérité et Raison, que quand elles convainquent les esprits, et qu’elles en chassent les ténèbres de l’erreur et de l’ignorance, par leur lumière toute divine, on peut dire que leur essence consiste dans leur action ; que ces lieux où leur opération est le plus nécessaire, sont leurs lieux naturels ; et qu’ainsi c’est les détruire en quelque façon, que les réduire à ne paraître que parmi leurs Adorateurs. […] Il n’est rien de si profane qu’elle ne sanctifie, de si corrompu qu’elle ne purifie, de si méchant qu’elle ne rectifie, rien de si extraordinaire, de si inusité et de si nouveau qu’elle ne justifie. […] Que si la corruption qui s’est glissée dans les mœurs depuis ce temps heureux, a passé jusqu’au Théâtre et l’a rendu aussi profane qu’il devait être sacré ; pourquoi, si nous sommes assez heureux pour que le Ciel ait fait naître dans nos temps quelque génie capable de lui rendre sa première sainteté, pourquoi l’empêcherons-nous, et ne permettrons-nous pas une chose que nous procurerions avec ardeur, si la charité régnait dans nos âmes, et s’il n’y avait pas tant de besoin qu’il y en a aujourd’hui parmi nous, de décrier l’hypocrisie, et de prêcher la véritable dévotion ?