Supposé donc que la Dépense, par année, se monte, à Paris, SAVOIR ; Prix annuels, pour le premier Acteur & la première Actrice de chacun des deux Théâtres, cent louis chaque Prix : quatre Prix formeront une somme de neuf mille six cents livres, ci…… 9,600 l. […] Prix & Accessits des premiers Danseurs : huit Prix à deux mille livres, trente Accessits à mille livres, sur les deux Théâtres : Total, 46 mille livres, ci…… 46,000 l.
Je sais bien qu’un nouvel Auteur peut traiter le même sujet que l’ancien, mais de peur de passer pour plagiaire, il évitera de copier les plus belles scènes et de se servir des plus beaux vers ; il fera peut-être mieux à tout prendre que l’ancien Auteur, qui a traité le même sujet, mais sa pièce aurait été beaucoup meilleure, s’il avait pu sans scrupule et sans rien diminuer de sa réputation se servir de tout ce qu’il a trouvé d’excellent dans l’ancienne pièce ; or pour cela il faudrait qu’il lui fût imposé par un prix proposé de perfectionner telle pièce, alors il ne perdrait rien des beautés de telle pièce de Corneille, de Racine, de Molière et de leurs successeurs, ou s’il se trouvait forcé de perdre quelques-unes de ces beautés, il leur en substituerait de plus grandes et y en ajouterait de nouvelles. Il y a un autre grand obstacle à l’exécution de ce projet, c’est que l’Auteur qui serait capable de perfectionner une des plus belles pièces de Molière est capable d’en faire lui-même une nouvelle qui sera bonne, mais moins bonne que celle de Molière perfectionnée, et que pouvant se donner le titre d’inventeur il ne se contentera pas du titre de Perfectionneur, à moins que par une récompense honorable et utile telle que serait un prix proposé, il ne soit dédommagé par une pension du sacrifice qu’il fait au public, de donner son temps et son talent à perfectionner l’ouvrage d’autrui et à préférer ainsi l’utilité publique à sa réputation particulière. Mon avis serait donc que le Roi donnât tous les ans pour prix une pension de deux cents onces d’argent à celui qui au jugement de l’Académie des spectacles aurait le mieux perfectionné telle comédie. […] On me dira peut-être que ce qui paraît possible dans la spéculation est réellement impossible dans la pratique ; mais je réponds que cela se dit sans preuve et que la chose vaut bien la peine d’être tentée, et même par plusieurs tentatives avec le secours des prix, il n’y a rien à risquer, et il peut en résulter un grand perfectionnement du théâtre, soit en France, soit dans les autres Etats. […] Je fais tant de cas des avantages, que produit l’émulation pour le public que je voudrais, si la chose est praticable, qu’il y eût dans Paris deux troupes de Comédiens Français, dont une fût à un prix la moitié moindre pour les personnes moins riches ; cette troupe servirait de pépinière pour la grande troupe.
De sorte que les uns & les autres selon leur disposition naturelle se rangeoient en certains quartiers, & parmy leurs égaux ou parmy leurs adversaires pour disputer le prix preparé au vainqueur. […] Les Modernes suivant plutost le luxe que la raison, ont voulu des plaisirs de prix & qui coûtassent également de l’argent, du soin & du sang. […] Nous parlerons ailleurs des prix remportez aux Ieux, soit pour les belles courses, soit pour les beaux combats. […] La mort avoit son prix reglé, aussi bien que les blessures : Et tout le benefice estoit pour le Maître des Ieux. […] Mais apres s’estre bien acquitez de leurs devoirs, ils obtenoient des Empereurs ou de ceux qui donnoient les jeux, vne des trois sortes de prix.
Mais, quand cette passion serait traitée avec plus de réserve sur le théâtre, il n’y aurait pas moins d’inconvénients, et, si j’ose le dire, moins de cruauté à leur donner, sur une matière si délicate, des leçons prématurées et infiniment dangereuses, et à leur faire encourir le risque de perdre leur innocence avant qu’ils sachent quel est son prix, et combien cette perte est affreuse et irréparable. Mais les parents s’intéressent-ils à leur conserver cette vertu, s’ils n’en connaissent pas eux-mêmes le prix ?
Il prétend au contraire que l’on n’a bien reconnu son mérite qu’après qu’il eut joué le dernier rôle de sa vie, & que l’on a beaucoup mieux jugé du prix de ses Piéces en son absence, que lors qu’il étoit présent. […] L’un défenseur zélé des Bigots mis en jeu, Pour prix de ses bons mots le condamnoit au feu. L’autre, fougueux Marquis, lui déclarant la guerre, Vouloit vanger la Cour immolée au Parterre, Mais si-tôt que d’un trait de ses fatales mains La Parque l’eût rayé du nombre des Humains, On reconnut le prix de sa Muse éclipsée. […] Ce Comédien, dit-il5, Peut-être de son Art eût remporté le prix, Si, moins ami du Peuple en ses doctes Peintures, Il n’eût point fait souvent grimacer ses figures ; Quitté pour le bouffon l’agréable & le fin, Et sans honte à Terence allié Tabarin.
L’infamie des Comédiens était si constamment établie, que ce Prince, fou du théâtre jusqu’à s’y montrer parmi les Acteurs, y jouer des rôles, y disputer des prix, craignit d’y être enveloppé. […] Etre inscrit parmi les Acteurs, monter sur le théâtre, y passer sa vie, y jouer des rôles, y disputer des prix, les y recevoir, l’aimer éperdument, le protéger ouvertement, y faire des dépenses immenses ; quel Comédien en fait davantage, en fait tant ? […] Il parcourut la Grèce, joua, chanta, remporta sur tous les théâtres des prix déshonorants que personne ne lui disputait. […] Dès que le Sénat en fut instruit, pour éviter en quelque sorte l’infamie dont il allait se couvrir en paraissant sur le théâtre, il lui décerna d’avance le prix de la musique et de l’éloquence : « Ut dedecus averteret (dit Tacite, L. […] Il parut donc sur la scène, récita des vers de sa façon, joua de la lyre, fléchit un genou, salua l’assemblée, obéit à toutes les lois du théâtre, voulut être jugé à la rigueur, et fut au comble de la joie d’avoir obtenu le prix.