Un Peuple voluptueux veut de la musique et des danses. Un Peuple galant veut de l’amour de la politesse. […] Il ne s’agit que de piquer la curiosité du peuple. […] Je doute que le Peuple Anglais ait beaucoup gagné au change. […] Voulez-vous donc rendre un peuple actif et laborieux ?
Breuve frappante de la rareté des théatres, de la piété des Magistrats, de l’idée qu’en ont les peuples. […] Tout ce qu’on peut conclurre, c’est que le peuple Athénien étoit un peu plus conséquent que le peuple François. […] Mais le mépris public pour ce métier infame & corrompu fut toûjours chez tous les peuples. […] Cette secte est une chimère ; il n’y a point de secte sans liaison & société, & il n’y a point de peuple au monde sans religion, sans connoissance de la Divinité, sans former de corps politique. […] Nous dirons de même, pour exprimer les façons de penser des peuples, sauvagisme, turquisme, chinisme, anglisme, gasconisme, théatrisme, &c.
Les places dans nos Spectacles étant occupées par des personnes qui les payent, nos Poëtes travaillent pour plaire à l’esprit d’un petit nombre de Spectateurs qui doivent avoir de l’éducation, au lieu que les Poëtes Grecs travailloient pour amuser une foule innombrable de Peuple. Or pour attacher le Peuple à un Spectacle sérieux, il faut nécessairement des objets capables de causer une grande émotion. […] Des Innocens dans les tourmens faisoient pleurer, & la vue de leurs bourreaux faisoit frémir : la Religion contribuoit à faire accourir le Peuple à ces Spectacles, & la Religion y contribuoit aussi à Athenes. […] Sa victoire passagere, dépendoit des applaudissemens du Peuple, & il ne pouvoit les attirer qu’en jettant ce Peuple dans une grande émotion, par la vivacité de l’Action ; il songeoit donc plutôt à peindre les Passions dans toute leur fureur, qu’à chercher ces finesses de l’Art, que l’Art sait cacher pour donner à l’esprit le plaisir de les chercher, par cette adresse à développer les ressorts du cœur humain, par cette délicatesse de sentimens, & toutes ces beautés, qu’on ne découvre pas dans une premiére lecture, loin qu’on en puisse être frappé dans la premiere Représentation. Comment la Tragédie de Britannicus eût-elle été couronnée à Athenes, puisqu’elle a eu tant de peine à plaire à des Spectateurs qui n’étoient point Peuple ?
Demander si les spectacles sont bons ou mauvais, il suffit, dit Jean-Jacques Rousseauaa, pour décider la question, de savoir que leur objet principal a toujours été d’amuser le peuple. […] Un peuple intrépide, grave et cruel, veut des fêtes meurtrières et périlleuses, où brillent la valeur et le sang-froid ; un peuple féroce et bouillant veut du sang, des combats, des passions atroces ; un peuple voluptueux veut de la musique et des danses ; un peuple galant veut de l’amour et de la politesse, un peuple badin veut de la plaisanterie et du ridicule. […] Suivez la plupart des pièces du théâtre français, vous trouverez presque dans toutes des monstres abominables et des actions atroces ; utiles, si l’on veut, à donner de l’intérêt aux pièces, mais dangereuses certainement, en ce qu’elles accoutument les yeux du peuple à des horreurs qu’il ne devrait pas même connaître, et à des forfaits qu’il ne devrait pas supposer possibles. […] Sans doute on ne peut que louer l’intention de ceux qui voudraient de bonne foi qu’on réformât les spectacles pour y ménager, à la faveur du plaisir, des exemples et des instructions sérieuses pour les rois et les peuples ; mais qu’ils songent que le charme des sens est un mauvais introducteur des sentiments vertueux. […] Dieu renvoie les rois et les peuples à sa loi pour y apprendre leurs devoirs ; qu’ils la méditent nuit et jour comme David.
Quelle vigueur d’ame peut déployer un peuple dont toute la récréation, on pourroit dire aujourd’hui, toute l’occupation, est de se repaître de spectacles propres à nourrir la mollesse et la paillardise ? […] Quel humiliant sujet de comparaison avec ces anciens peuples auxquels nous nous croyons si supérieurs ! […] Je sais qu’il faut de la force pour lutter contre des préventions générales ; qu’il faut des coups violens pour abattre des idoles consacrées par une longue superstition… O dépositaires de la puissance suprême, dispensateurs de la félicité des peuples ! […] « Qu’avec cela l’antique religion reprenne ses droits, ses ministres leur première considération, que le zèle se rallume dans leurs cœurs ; que l’instruction des peuples soit appuyée de l’exemple des pasteurs. […] On voit combien il est aisé de tourner le goût du peuple, de lui ôter sa marotte sans le mécontenter.
Je tais aussi l'abus qui se commet en souffrant les Comiques, et Jongleurs, qui est une autre peste de la République des plus pernicieuses qu'on saurait imaginer : car il n'y a rien qui gâte plus les bonnes mœurs, et la simplicité, et bonté naturelle d'un peuple, ce qui a d'autant plus d'effet, et de puissance, que les paroles, les accents, les gestes, les mouvements, et actions conduites avec tous les artifices qu'on peut imaginer, et d'un sujet le plus ord, et le plus déshonnête qu'on peut choisir, laisse une impression vive en l'âme de ceux qui tendent là tous leurs sens. brief on peut dire, que le théâtre des joueurs, est un apprentissage de toute impudicité, lubricité, paillardise, ruse, finesse, méchanceté. […] Et quand oresa les jeux seraient tolérables aux peuples méridionaux, pour être d'un naturel plus pesant, et mélancolique, et pour sa constance naturelle moins sujet à se changer, si est-ce que cela doit être défendu aux peuples tirant plus vers le Septentrion, pour être de leur naturel sanguins, légers, et volages, et qui ont presque toute la force de leur âme en l'imagination du sens commun, et brutal.