Cependant Louis XIV, naturellement grand, en revint bientôt après la mort du Cardinal, lorsque rendu à sa propre sagesse, il commença de penser d’après lui-même. […] Est-ce donc la force et l’évidence de la vérité qui a arraché ce témoignage singulier à une plume qui a tant écrit pour les spectacles et pour l’irréligion, deux choses plus liées qu’on ne pense ? […] Mais lui qui tour à tour approuve et blâme les mêmes choses, songe-t-il que ses façons de penser sont encore plus contradictoires ? […] » Un jour il demandait au Duc de Montpensier ce qu’il pensait de ces opérase : « Je pense, répondit-il, que Votre Majesté mérite tous les éloges qu’on lui donne, mais je ne puis comprendre comment elle peut souffrir qu’ils soient chantés par une troupe de faquins dans le temple du vice et de la débauche. » Quelle vertu, quelle vérité, quelle fermeté !
» y a je ne sais quoi de trop vil et de trop bas dans cet Art, pour le permettre à un Roi, et après qu’on a reproché à Néron qu’il savait peindre, je ne pense pas qu’il y eût personne qui le voulût conseiller à un Monarque. […] Le Prince imitera donc David ; s’il chante ce sera pour louer Dieu, et dans la Musique où les autres se divertissent, il s’instruira de son devoir, et pensera qu’il n’est assis sur le Trône que pour entretenir cette agréable harmonie qui fait la paix et le bonheur des Royaumes.
Il n’y a pas de piece où la mort ne soit cent & cent fois rappellée, & vous oubliez qu’une loi commune à tout ce qui respire, vous prépare le même sort : pulvis es & in pulverem reverteris : les flots des spectateurs qui depuis la naissance du théatre, comme le cours d’une riviere, viennent au spectacle, s’agitent, s’écoulent, changent sans cesse, disparoissent & vont s’engloutir dans les abîmes de l’éternité : que pensent-ils aujourd’hui des folies qui vous occupent ? […] Que penser d’un livre qui ne les craint pas même pour la jeunesse. […] La Roman de Bélisaire, dans son style noble, éloquent, harmonieux, est défiguré par des milliers de vers qui naissent sans y penser sous la plume poétique de l’Auteur, a pris de fort mauvais principes sur la Réligion, qu’il réduit à la loi naturelle, anéantissant presque la révélation. […] Les Mémoires de la Marquise de Pompadour, qu’on dit écrits par elle-même, ne sont pas un livre de galanterie, comme on pourroit le penser ; c’est une satyre de la Cour & du Ministere, sous un air de politique, semé de loin à loin de quelque trait licentieux, pour faire croire qu’une femme l’a écrit. […] Je ne pense point sans étonnement, dit M. le Franc, aux prodigieux avantages que les Payens ont, à cet égard, sur les Chrétiens.
Son amant en fut irrité, & pour la consoler s’écria avec chagrin : Honni soit qui mal y pense ; je jure que tel qui se moque de cette jarretiere se trouvera fort heureux de la porter ; & aussi-tôt il créa un Ordre de Chevalerie, dont la marque est une jarretiere bleue, couleur de la Dame. On la place à la boutonniere, au bras, au manteau, mais toujours avec ces paroles galantes en broderie, qui sont le cri de guerre, l’ame, la dévise : Honni soit qui mal y pense. […] Il me semble même qu’il y a quelque scene Italienne où l’on parodie cette avanture, & Arlequin pour se faire Chevalier ramasse & met à la boutonniere une jarretiere de Colombine, & chante une ariette sur ces mots : Honni soit qui mal y pense. […] Tout cela n’est-il pas bien dévot sur les autels, sur les missels, sur les ornemens des Prêtres ; & quand la Papesse Elisabeth faisoit de l’Eglise un théatre, n’étoit-on pas bien édifiés d’y voir une femme y déployer sa jarretiere, & le Chœur chanter l’ancienne, Honni soit qui mal y pense ? […] quelle pensée de religion inspirent ces paroles : Honni soit qui mal y pense ?
En outrant la bêtise dans cette personne qu’il montre estimable, & poussant à l’excès l’ingratitude & la fourberie, ce prétendu grand maître a-t-il pensé qu’il affoiblit le ridicule, & rend odieuse la fille qu’il couronne pourtant par le mariage qu’elle désire ? […] Non, je ne pense pas que Satan en personne Puisse être si méchant qu’une telle fripponne. […] On pense à Dieu, on parle de Dieu, on rapporte tout à sa providence, on attend tout de sa bonté, on le prie avec confiance. […] Y pensé-je ? […] Mais il est écrit pour les amateurs du théatre, comme pour les autres : Tenez-vous toûjours prêts, je viendrai, comme un voleur, le moins que vous y penserez, vous ne savez ni le jour ni l’heure.
Je puis assurer à mon tour que mon Frere, qui après avoir passé en Italie assez de tems pour entendre les finesses de la langue, pensoit du Tasse tout ce qu’en a pensé Boileau, n’a pu dire à M. […] C’est ce que je pense, parce que je suis persuadé que dans les Langues où l’on ne se régle pas sur la quantité breve ou longue des Syllabes, il n’y a point de Vers sans Rimes ; & la Beauté de ces Vers, quand ils sont faits par un bon Poëte (les autres n’en devroient point faire) est que la Rime ne fait jamais rien dire, & se présente si naturellement, que le discours quoiqu’enchaîné dir legato a toute la liberté d’un discours qui ne l’est pas, & paroît dir sciolto. […] Enfin de quelque maniere que les Etrangers pensent de la Rime, tant qu’Apollon nous protégera, nous y resterons fidelles, & même à la Rime la plus exacte. […] Si nos premiers Poëtes eussent connu leur Art, ils eussent pensé tous, qu’un Poëme dont l’objet est d’exciter la plus grande émotion, ne devoit point prendre pour Passion ordinaire, celle qui ne cause ordinairement qu’une foible émotion : mais aucun de nos premiers Poëtes Tragiques n’avoit, comme je l’ai dit plus haut, étudié son Art : ils ne songeoient qu’à satisfaire le goût de leurs Spectateurs. […] Le monologue de Rodrigue dut produire un grand effet à cause de notre maniere de penser sur le point d’honneur, & sur l’amour.