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19. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — TROISIEME PARTIE. — Tragédies à conserver sur le Théâtre de la Réformation. Avant Propos. » pp. 118-127

Au reste le dessein que je m’étais proposé, quand j’ai travaillé sur les Tragédies, a été de les examiner du côté des mœurs ; afin de bannir du Théâtre de la réforme toutes les Pièces où la passion d’amour est portée à des excès qui peuvent être préjudiciables plutôt qu’utiles : mais, en travaillant selon mon plan et, pour ainsi dire, en chemin faisant, j’ai trouvé que les désordres de l’amour étaient souvent si mal imaginés par les Poètes, qu’il m’a été quelquefois impossible de ne pas relever des défauts que j’ai cru apercevoir dans leurs Ouvrages ; et c’est sur cela que je crois devoir prévenir mon Lecteur, et lui faire connaître ce que je pense. […] J’ai pensé moi-même comme les autres, pendant un temps ; et, dans la crainte qu’on ne m’accusât de présomption en combattant l’opinion générale, j’ai soutenu les règles tant que j’ai pu ; comme on en peut juger, surtout par mon examen sur Œdipe : mais, en pénétrant plus avant, je me suis senti forcé de les abandonner ; et je me suis dit à moi-même que si mon sentiment était fondé sur la vérité, je ne devais point craindre de parler. […] Je ne connaissais pour lors aucun Ecrivain qui pût m’aider à rectifier ou appuyer mes opinions ; mais, comme on acquiert de nouvelles lumières par l’étude, je trouvais dans la suite quelques Auteurs qui avaient pensé comme moi, et un entre autres qui, depuis le commencement jusqu’à la fin de son ouvrage, fait sentir le faux des préceptes d’Aristote.

20. (1789) La liberté du théâtre pp. 1-45

Ceux qui pensent & qui savent exprimer leurs pensées, sont les plus redoutables ennemis de la tyrannie & du fanatisme, ces deux grands fléaux du monde. […] Elle ne l’auroit pas été, je pense, en des temps postérieurs au régne de Louis XIV. […] Vous ne pensez pas du moins qu’un crime exécuté en 1572 puisse flétrir la Nation Françoise en 1789. […] Vous penserez ce que je n’ai peut-être pas su dire. […] Mais, me diront encore ces hommes que la raison effraye toujours, pensez-vous qu’il soit possible d’établir des loix qui prononcent sur tous les cas ?

21. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quatorzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littérairesn sur le théatre. — Chapitre II. Du Philosophe de sans souci. » pp. 36-60

Il leur bâtit de magnifiques salles de spectacle, il leur fait les plus fortes pensions. […] Il est vrai que tous les siécles de l’Eglise ont pensé comme nous sur l’irréligion. […] Moi, qui ne suis qu’un misérable Hérétique, je pense différemment, & c. […] Mais c’est un mal universel ; le monde ne pense pas comme lui. […] De quelque secte qu’on fasse profession, on ne doit jamais penser de Dieu qu’avec le plus profond respect.

22. (1768) Réflexions sur le théâtre, vol 10 « Réflexions sur le théâtre, vol 10 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE DIXIEME. — CHAPITRE VI. De l’Iconomanie théatrale. » pp. 141-158

Que penser d’une femme dont un portrait indécent annonce sa coquetterie : que penser d’un homme dont le portrait efféminé annonce la molesse & la frivolité ? Que penser de la vertu de ceux qui ne sauvent pas les apparences, qui arborent les dehors du vice, en exposant les dangereux attraits, en offrent les moyens secrets, en tendent les piéges ? […] La dépravation a seule présidé à la décoration ; on se peint sans y penser, sur les murailles ; les traits épars du vice se réunissent pour faire le tableau du cœur. […] Si quelque sauvage, au fonds des bois, a pensé différemment, c’est un ignorant qu’il faut instruire, un malade qu’il faut guérir, ou un insensé qu’on abandonne ; mais ce n’est pas un mal universel, pour lequel il faille abolir toutes les images ; il est dangéreux qu’on n’en abuse, & qu’on ne tombe dans l’idolâtrie. […] Le Concile de Francfort, & les livres de Carolins qui n’entendant pas bien celui de Nicée sur le culte des images, parurent penser différamment, ne sont pas moins séveres sur leur immodestie.

23. (1671) De la connaissance des bons livres « DE LA COMEDIE  » pp. 232-248

Peut-être n’a-t-il point pensé à l’autre Traité, et il a soutenu le parti des belles Représentations par exercice d’Esprit, de même qu’il avait déjà fait un Livre de la Pratique du Théâtre : Néanmoins on a pris sujet de là d’attaquer son dernier Livre. […] Il faut dire simplement ce qui est du fait, et ce que plusieurs personnes un peu éclairées ont témoigné d’en penser. […] Il y a des Pièces entières qui sont de ce style, et d’autres qui ne causent pas moins de mal, à ce que l’on pense, par le mépris des lois du Mariage et de toutes les bonnes mœurs, ce qui est leur principal sujet ; Et pour montrer que ce ne sont point de misérables Farces faites à la hâte, comme celles que les Saltimbanques et Charlatans jouent aux places publiques, elles sont faites toutes exprès par des Auteurs dont les noms sont aux affiches et aux Livres imprimés, comme voulant en tirer de la gloire, et l’on trouve de ces belles Pièces autant en Vers qu’en Prose. […] Leurs Poètes ont pensé avoir atteint au suprême degré de leur Art, d’avoir exprimé naïvement toutes les passions, et c’est où l’on trouve le plus de danger ; C’est comme les Peintres qui ayant employé tous leurs efforts à représenter des Nudités dans leurs Tableaux, sont condamnés par les personnes austères qui croient que de tels objets causent de mauvais désirs.

24. (1766) Réflexions sur le théâtre, vol 5 « Réflexions sur le théâtre, vol 5 — REFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE CINQUIÈME. — CHAPITRE V. Du Mensonge. » pp. 100-113

Le sage Solon en pensa autrement ; il voulut voir cette nouveauté, & la jugea tout-à-fait contraire aux bonnes mœurs. […] Le judicieux Législateur, dont les vûes profondes en pénétroient les funestes suites, lui dit, frappant la terre de son bâton : Tu te trompes, ces jeux sont plus pernicieux que tu ne penses ; après avoir appris à mentir par amusement, nous nous ferons un jeu, une habitude de mentir dans les affaires les plus importantes. […] C’est un homme faux, dont toute la vie est une comédie ; il n’est rien moins que ce qu’il paroît, il ne pense rien moins que ce qu’il dit, il joue tout. […] Un homme à la Cour, investi de grandeur & de luxe, ne pense que magnificence ; un homme nourri de volupté, dans une société licentieuse, ne pense qu’impureté. […] Les objets qui nous frappent, sont une espèce de cadre & de moule, où notre ame s’enchasse naturellement sans y penser.

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