En se séchant elle s’attache à la peau, on ne peut tirer la perruque sans peine, & on risque de s’écorcher : il faut du temps pour tirer la colle desséchée, & en mettre d’autre ; elle gâte la perruque par des croutes qui s’épaississent tous les jours. […] Je ne considere point ici les Spectacles d’un œil de religion, mais d’un œil philosophique ; car autrement je dirois qu’il n’y a que l’ignorance ou la folie qui puisse s’autoriser de la Religion pour les soutenir ou même pour les excuser ; je dirois que s’il y un livre qui les proscrive, c’est l’Evangile qui nous recommande de prier sans cesse, de porter notre croix ; que s’il y a un lieu où soient étalées les maximes, les pompes du monde, auxquelles nous avons solemnellement renoncé, c’est sur le Théatre ; je dirois que la vie des comédiens, leurs danses lascives, leurs passions embellies, leurs paroles tendres, équivoques, licencieuses, ne peuvent qu’embraser les jeunes cœurs, déjà trop prompts à s’enflammer ; je dirois enfin que la correction des théatres les rend encore plus dangereux ; car plus les passions sont finement voilées, & les sentimens délicats, plus l’amour profane nous pénetre & nous enchante, cet amour dont on a bien de la peine à se défendre, dans les lieux même consacrés à la vertu. […] Chacun sait que ceux qui déclament ne sont nullement pénétrés de ce qu’ils disent, & que chacun par conséquent ne se met point en peine de réformer ses mœurs sur des impostures.
Il n’en reste que quelques lignes dans l’Histoire du Théatre de Messieurs Parfait, qui ont bien voulu se donner la fastidieuse & inutile peine de les aller déterrer dans la caverne de l’oubli où elles vont retomber la ligne d’après, & ont fait, aussi-bien que l’Abbé Goujet dans sa bibliotheque, du nom de je ne sais combien d’Auteurs, d’Acteurs & d’Actrices, comme les registres mortuaires d’une paroisse, qui conservent à la postérité le nom de Maître Jacques, Savetier de la rue du Foin. Sur les pieces même qui sont restées au théatre, & qui reparoissent quelquefois quinze ou vingt ans après, l’Auteur a la glorieuse & consolante satisfaction de se dire : J’ai travaillé toute ma vie pour faire gagner de l’argent à une troupe de misérables corrupteurs du public, & à faire commettre bien des péchés à une troupe de spectateurs ; étoit-ce la peine de prendre la plume ? […] Tout le reste de la maison doit y répondre, logement, meubles, équipages, domestiques, sous peine du plus grand ridicule.
Quant à ceux qui assistent à la Comédie, l’Auteur avoue qu’il auroit peine à exempter de péché les Religieux Réformés, les Evêques, les Abbés. […] On l’attire du de dans au dehors, où elle avoit déjà tant d’inclination à se produire & à se répandre ; & on la fait sortir de son cœur, où elle avoit déjà tant de peine à rentrer. […] Ramire le renverse sans peine ; & il y trouve des armes, dont il se sert contre ses ennemis, avec le plus grand avantage. […] Les vrais Magistrats que nous avons aussi eu lieu de caractériser142, ne se voient qu’avec peine fréquemment sollicités. […] Les gens de Lettres voient toujours avec peine attaquer un art dont ils souhaiteroient concilier l’usage avec les mœurs.
Ce partage ne se fit pas tout d’un coup, puisqu’Aristote nous dit que la Tragédie ne reçut que tard sa gravité, & ne se défit qu’avec peine du stile burlesque. […] Les fonds nécessaires aux frais de ces Représentations, furent assignés sur les fonds de la Guerre, & on décerna la peine de mort contre celui qui proposeroit de restituer ces fonds au besoin de l’Etat.
Je sens bien qu’un Sage, parvenu avec peine à se former un bonheur uniquement fondé sur ses devoirs remplis, est plus heureux que ce qui cherchent au dehors les amusemens & les distractions. […] Si pourtant il existait, la Réforme serait inutile pour lui, & l’on n’aurait travaillé que pour la foule des imparfaits qui ont besoin de sortir d’eux mêmes, de s’étourdir sur leurs peines & sur les injustices des autres.
Cependant j’ai peine à croire que les Pères de l’Eglise, qui condamnèrent les Troubadours, les Jongleurs, & les pièces indécentes que représentoient ces grossiers personnages, proscrivissent si sévérement, s’ils vivoient de nos jours, ces chefs-d’œuvre du dernier siècle, où triomphent la décence, l’esprit & le sentiment.