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333. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre troisiéme. — Chapitre III. But que le Spectacle moderne doit se proposer. » pp. 123-132

La Tragédie est l’Histoire du malheur des Rois, des amours & de la faiblesse des Heros ; elle apprend à craindre l’effet des grandes passions, & à redouter la foudre, même à l’ombre du dais. […] De même qu’Esope fit servir à notre instruction l’Apologue, ou l’éxemple des derniers animaux, ainsi l’Opéra Bouffon met en jeu des Ouvriers, des Artisans, afin que la vue de leurs passions nous corrige des notres.

334. (1710) Instructions sur divers sujets de morale « INSTRUCTION II. Sur les Spectacles. — CHAPITRE II. Réponse aux objections qu'on tire de saint Thomas pour justifier les Spectacles, et aux mauvaises raisons qu'allèguent ceux qui croient pouvoir les fréquenter sans péché. » pp. 55-63

Ils sont un poison tantôt lent, tantôt prompt, mais qui ne manque jamais de mettre dans l'âme de malignes dispositions favorables aux passions. […] Si ces personnes s'examinaient de bonne foi, elles y en trouveraient sans doute ; mais parce qu'elles cherchent des excuses à leurs péchés, elles sont assez malheureuses pour en trouver, « Dieu par un effet de sa justice répandant des ténèbres sur leurs passions déréglées ».

335. (1781) Réflexions sur les dangers des spectacles pp. 364-386

La fin que je me suis proposée en les écrivant, a été de convaincre que l’excès, et sur-tout l’enthousiasme, dans quelque passion que donnent les humains, entraînent tôt ou tard dans l’égarement, et que pour se préserver de ces écueils et jouir des agrémens de la vie, il n’est d’autre moyen que de trancher dans le vif, en se privant sur le champ de la dissipation ou du plaisir qui vous entraîne, dès que vous vous apercevez que votre raison cède et n’a plus d’empire sur vos sens. » Je dirois volontiers à l’auteur que l’exécution de son conseil date d’une époque trop tardive. […] Les platitudes d’Aristophane et de Plaute étoient-elles d’un plus grand effet dans le ravage des mœurs, que les ressorts des passions les plus secrètes comme les plus violentes, déployées avec l’art du crime réfléchi, paré des attributs de l’honnêteté et de la décence ; que ces gestes, ces mignardises, ces situations pittoresquement lascives qui forment un tableau du vice, plus corrupteur, plus contagieux que le vice même, toujours inséparable de l’opprobre qui l’accompagne et du dégoût qui le suit ? […] Ce paroxisme d’une passion peu différente d’une rage décidée, ne se calma que lorsque le Christianisme étendit sur la terre l’empire de l’innocence et des mœurs. […] N’est-il pas d’une impossibilité manifeste, que les vices et les passions des hommes qui ne cèdent qu’avec peine aux impulsions de la conscience et de l’honneur, s’évanouissent à la voix d’un comédien ? […] On sent assez que ces gens n’allumoient point les passions, et n’amollissoient point les cœurs.

336. (1766) Réflexions sur le théâtre, vol 5 « Réflexions sur le théâtre, vol 5 — REFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE CINQUIÈME. — CHAPITRE I. Préjugés légitimes contre le Théatre. » pp. 4-29

Le même intérêt de passion qui les y mène leur met les armes à la main pour le soutenir. […] Toutes les passions, tous les ridicules y jouent leur rôle. […] Gardons-nous de vouloir entendre ces entretiens secrets où l’on verse la passion, ces demi-mots, ces signes rapides, trop bien entendus, où l’on distille le crime. […] D’un côté, tout ce qu’il y a jamais eu de pieux, de sage, d’éclairé ; de l’autre, tout ce qu’il y a de plus libertin, de plus frivole, de moins instruit ; l’autorité la plus grave, l’infamie la plus méprisable ; l’enivrement de la passion, les alarmes de la vertu ; & l’on peut balancer ! […] Qu’il est agréable au goût savourez les délices de ces passions vives, de ces tendres sentimens, de ces intrigues amoureuses, de cette musique voluptueuse, de ces commerces que vous y formez : Ad vescendum suave.

337. (1769) Réflexions sur le théâtre, vol 8 « Réflexions sur le théâtre, vol 8 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE HUITIEME. — CHAPITRE II. Des Masques. » pp. 28-54

La passion se réveille, il va la demander en mariage. […] C’est un vrai cahos de toute sorte de passions & de folies. […] Cet amant insensé se servit du théatre pour déclarer sa passion ; il composa une comédie pleine de traits délicats & tendres, dont la Reine avoit la clef. […] Ces couleurs si vives peignent le feu de la passion, & dispensent de rougir aux approches du vice. […] Mais la passion reproduite sous tant de formes ne fait-elle pas sentir aux moins clair-voyans combien le vice s’accommode du masque ?

338. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 2 « Chapitre V. Infamie civile des Comédiens. » pp. 101-125

La bassesse, l’avidité, l’ascendant que la passion donne, rendent la loi bien nécessaire. […] serait-il juste que l’honneur et la vie des hommes fût à la discrétion d’une bouche infâme qui ne s’ouvre qu’au langage de la passion et du vice ? […] « Vous demandez, dit-il, si ces personnes si bien parées, si exercées aux accents de la passion, n’abuseront jamais de leur art pour séduire la jeunesse. […] Les pauvres Comédiens sont pourtant excusables ; ils ne lâchent la bride aux passions que par dépit et par désespoir. En les excommuniant et les déclarant infâmes, on leur ôte la religion et les mœurs, on les livre sans frein, à leurs passions.

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