Car outre que le mot de Theatre est presque toûjours confondu avec celuy d’Amphitheatre ; toutes les nouveautez que divers particuliers ont introduit dans leurs Ieux ou dans leurs chasses, leur ont acquis le nom d’Inventeurs & les ont ainsi fait passer pour les premiers Autheurs des choses mesmes qu’ils n’avoient qu’embellies. […] , & semblent donner droit à ce Tribun du Peuple également turbulant & ambitieux, de passer pour le premier Inventeur des Amphitheatre ; car dans le mesme endroit il est expressément remarqué que les plaisirs de la Scene y furent pris & donnez avec tant d’artifice, qu’encore qu’il y eust comme deux Theatres, l’adresse des Machinistes avoit si bien disposé les choses, que l’vn n’estoit point incommodé du bruit de l’autre : Et que le lendemain ces deux parties reunies par l’abatement de quelques separations, on ne voyoit plus qu’un enceinte, ou qu’un Amphi-theatre, où il donna le divertissement d’une chasse & d’un combat de Gladiateurs. […] Cependant du consentement de plusieurs, Jule Cesar passe pour le premier Fondateur des Amphitheatres : & le mesme Boulanger, au mesme endroitAlex. ab. […] La seconde, que Statilius Taurus a esté l’Autheur du premier Amphitheatre de pierre qui ait esté fait à Rome, & qui a duré seul de cette matiere, jusques à celuy de Tite : Car tout ce que les divers Empereurs ont medité de faire, n’ont esté que des idées & de foibles desseins, qui n’ont pas passé plus avant que le projet, ou qui ont avorté dés le commencement. […] La premiere maniere, quoy qu’elle fit paroître plus de courage, n’a pas laissé d’étre blâmée, & de passer pour infame, mesme dans les personnes les plus qualifiées.
La manie des petites loges , dit-il, outre le ridicule & l’incommodité qu’elles produisent, prive le public des nouveautés, & donne aux commédiens la liberté de se négliger, & de rébuter les auteurs parce qu’elle leur assurent un révénu considérable ; les principeaux d’entr’eux, qui passent quatre mois dans leurs terres, ou leurs maisons de campagne, ne veulent pas se donner la peine d’apprendre les pieces nouvelles dont leurs porte feuiles sont remplis, à moins que les auteurs ne renoncens à leurs droits. […] On ne construisit d’abord un à la hate, peut-on s’en passer ? […] Au bout de la table, à droite, le Temple des Arts & de la Guerre, (deux choses qu’on n’a jamais fait aller de pair) couronné par Minerve, en habit guerrier ; le bouclier passé dans le bras, position ridicule, qui suppose un bouclier percé, dans lequel on passe le bras, (c’est peut être une méprise du confisseur) ayant à ses pieds des instrumens de Mathématique, de Musique &c. autre ridicule. […] Les dépenses qu’on fait pour les funérailles s’étendent jusqu’aux Perroquets, l’amitié singuliere du grand Prince pour un de ces oiseaux, fit croire que l’ame de quelque Monarque avoit passé dans son corps, qu’il falloit lui rendre des honneurs proportionnés à sa dignité, on éleva une grande pyramide où l’on montoit par degrés, il y avoit au haut une plate forme ; pour y brûler le corps de l’oiseau, qu’on y porta dans une cage d’or. Cette Fête dura huit jours, pendant lesquels les Talapains se succédoient pour faire leur priere, on jettoit au peuple des piéces de toile, des vases de cuivre, des miroirs de la Chine ; enfin la fête se termina en réduisant en cendre le défunt Perroquet, dont les funérailles surpasserent en magnificence celle des principaux Officiers de l’Etat, son ame passa sans doute dans le corps de quelque Monarque.
Comme ces deux passions ne passent dans l’esprit de ceux qui ne se conduisent pas par les règles de l’Evangile, que pour de nobles maladies de l’âme, surtout quand on ne se sert pour les contenter que des moyens que le monde trouve honnêtes : les Poètes se rendant d’abord les esclaves de ces maximes pernicieuses, en composent tout le mérite de leurs Héros. […] Car, comme dit l’Apôtre, "l’homme qui est tout charnel n’est point capable des choses qu’enseigne l’Esprit de Dieu : Elles lui passent pour folie, et il ne les peut comprendre, parce que c’est par une lumière spirituelle qu’on en doit juger." […] Il ne s’en trouverait pas un seul, et ce qui est encore plus à déplorer, c’est que dans cette indifférence pour les choses saintes, vous avez en même temps une ardeur qui passe celle du feu même, pour des choses détestables qui ne sont dignes que des démons. […] Celles qui passent pour les plus honnêtes, renferment bien souvent le poison le plus subtil, et si vous examinez toutes celles que vous avez jamais ouïes, vous remarquerez qu’il n’y en a point qui ne blessent ou la vérité, ou la charité, soit en donnant de fausses louanges aux choses, et aux personnes qui n’en méritent point, soit en déchirant l’honneur et la réputation du prochain. […] Ces viandes ne corrompaient réellement ni l’âme ni le corps des enfants, elles ne faisaient que passer en eux comme les autres viandes, sans y faire aucune impression maligne ; au lieu que ces Chansons sacrilèges corrompent l’esprit de ceux qui les chantent, et que demeurant dans la mémoire elles leur sont une tentation pour toute leur vie.
L’Art des Tragiques Grecs est de persuader que l’action s’est passée comme ils la représentent, & qu’elle n’a pu se passer différament.
Au milieu du chemin on leur oposoit assez souvent des obstacles, comme des fossez qu’il falloit franchir : tantost on affectoit de les faire passer dans des sables, ou dans des marests, & parfois mesme on les obligeoit de passer à nage des Rivieres.
Le Théâtre devant réprésenter des actions humaines, soit les actions éclatantes des grands Hommes telles qu’on en voit dans la Tragédie, soit les actions communes des hommes ordinaires comme dans la Comédie, il est évident que l’art principal de ce Spectacle doit consister à imiter la nature, en sorte que le Spectateur croit voir ceux qu’on lui représente, et soit affecté de la même manière qu’il le serait si l’action représentée se passait réellement devant ses yeux. […] Sans examiner s’il est utile ou dangereux d’agiter le cœur humain jusqu’à ce point, ni le risque évident que courent ceux qu’on fait subitement passer d’un état de tranquillité et de repos à celui d’inquiétude, de colère, ou de toute autre passion : sans, dis-je, examiner ces points, je me bornerai seulement à parler de la passion d’amour, que je vais comparer dans la Tragédie du Cid à toutes les autres impressions que cette même Pièce peut inspirer.