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73. (1687) Avis aux RR. PP. jésuites « VIII. » pp. 42-43

Je l’ai quitté, mes Pères, à l’endroit où vos génies ne pouvant s’accorder entre eux, prient le Dieu qui a fait naître le différend de venir le terminer. […] Ce serait, mes Pères, ce qu’il y aurait de plus raisonnable dans votre Ballet, si la Religion et la Piété que vous faites précéder par un Génie, pouvaient être prises pour quelque chose de Chrétien ; mais ce qui fait que l’on ne le peut, c’est qu’un moment après vous les faites danser.

74. (1665) Réponse aux observations touchant Le Festin de Pierre de M. de Molière « Chapitre » pp. 3-32

Mais ne m’avouera-t-on point qu’il s’y prend bien mal pour nous persuader que la véritable dévotion le fait agir, lorsqu’il traite Monsieur de Molière de démon incarné, parce qu’il a fait des pièces galantes et qu’il n’emploie pas ce beau talent que la nature lui a donné à traduire la vie des saints Pères ? […] Elle est, dit-il, tout à fait scandaleuse et diabolique ; on y voit un enfant mal élevé qui réplique à son père, une religieuse qui sort de son couvent, et à la fin ce n’est qu’une raillerie que le foudre qui tombe sur ce débauché. […] Vous avez tort, M. de Molière : il fallait que le père fût absolu, qu’il parlât toujours sans que le fils osât lui dire mot, que la religieuse, bien loin de paraître sur un théâtre, fit dans son couvent une pénitence perpétuelle de ses péchés, et cet athée supposé n’en devait point échapper ; ses abominations, toutes feintes qu’elles étaient, méritaient bien pour leur mauvais exemple une punition effective. L'intrigue de cette comédie aurait été mieux conduite, s’il n’y avait paru pour tous personnages qu’un père qui eût fait des leçons à son fils et qui eût invoqué la colère de Dieu pour l’exterminer lorsqu’il le trouvait sourd aux bonnes inspirations. Notre auteur trouve que la morale en aurait été bien plus belle et les sentiments plus chrétiens, si ce jeune éventé se fût retiré de ses débauches et qu’il eût été touché de ce que Dieu lui disait par la bouche de son père ; et si on lui montre qu’il est de l’essence de la pièce que le foudre écrase quelqu’un, et que par conséquent il nous faut supposer un homme d’une vie déréglée et qui soit toujours insensible aux bons mouvements, lui dont les soins ne butent qu’àb la conversion universelle nous répliquera sans doute que l’exemple n’en aurait été que plus touchant si, malgré cet amendement de vie, il n’avait pas laissé de recevoir le châtiment de ses anciennes impudicités.

75. (1760) Sur l’atrocité des paradoxes « Sur l’atrocité des paradoxes —  J.J.L.B. CITOYEN DE MARSEILLE, A SON AMI, Sur l’atrocité des Paradoxes du Contemptible J.J. Rousseau. » pp. 1-128

Leurs Successeurs doivent-ils être méprisables parce que leurs pères l’étaient ? […] Etant allés avec leur Père à la chasse, ils prirent querelle, & de concert s’éloignèrent de la suite des Chasseurs. […] Faut-il que j’aie mis au monde un parricide, qui, par la perte de son Frère, s’est fait un chemin pour assassiner son Père même ? […] Gherardy père, & Molin, tous deux Directeurs d’une Troupe séparément, faisaient des sommes. […] Mon Père, en m’embrassant, fut saisi d’un tressaillement que je crois sentir & partager encore.

76. (1667) Traité de la comédie « Traité de la comédie — XIX.  » pp. 475-477

C'est ce qu'on peut voir dans les vers où M. de Corneille représente la rage de la sœur d'Horace ; car voici ce qu'il lui fait dire en parlant de son père. […] Tu blâmes ma douleur, tu l'oses nommer lâche ; Je l'aime d'autant plus que plus elle te fâche, Impitoyable père, et par un juste effort, Je la veux rendre égale aux rigueurs de mon sort. » Et ensuite parlant à son frère, elle fait cette horrible imprécation contre sa patrie : « Rome l'unique objet de mon ressentiment, Rome à qui vient ton bras d'immoler mon amant, Rome qui t'a vu naître, et que ton cœur adore, Rome enfin que je hais, parce qu'elle t'honore.

77. (1766) Réflexions sur le théâtre, vol 5 « Réflexions sur le théâtre, vol 5 — REFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE CINQUIÈME. — CHAPITRE V. Du Mensonge. » pp. 100-113

On veut tromper un père, une mère, un maître, un mari, un rival ; on lui débite cent mensonges. […] Son Dorante ment à tout le monde ; il trompe père, ami, maîtresse, valet, étranger, inconnu, avec une légèreté, une facilité, une fécondité, une présence d’esprit, qui lui en fait un agrément & un mérite. […] lui dit son père.). […] Dans Plaute & dans Térence on ne voit que de jeunes foux qui après avoir, par quelque tromperie, tiré de l’argent de leurs pères pour suivre leurs amours déréglées, sont enfin richement mariés, & des esclaves qui après avoir conduit toute l’intrigue, obtiennent la liberté pour récompense. […] Le Démon est le père du mensonge ; il se mentit à lui-même & à ses complices, se disant semblable au Très-haut ; il mentit à la premiere femme, l’assurant qu’elle ne mourroit pas, mais seroit une divinité, si elle mangeoit du fruit défendu.

78. (1768) Réflexions sur le théâtre, vol 7 « Réflexions sur le théâtre, vol 7 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE SEPTIÈME. — CHAPITRE VII. Sentimens des Prédicateurs. » pp. 168-180

Ce n’est pas un des Pères, mais tous d’un consentement unanime ; ce n’est pas pour un temps, mais de siecle en siecle ; ce ne sont pas des gens foibles, mal instruits, peu éclairés, mais les plus grands hommes ; ce n’est pas par voie de conseil & de perfection, mais comme un précepte rigoureux ; ce n’est pas pour certains états, mais pour tout le monde, non par des raisons particulieres, mais par les mêmes raisons que nous employons. […] Jesus-Christ, qui veut bien être tenté pour nous apprendre à résister à la tentation, permet que le Démon lui expose ce vain éclat, comme un exemple de ce que le père du mensonge doit faire par la séduction artificieuse du théatre. […] Espérez-vous qu’au jugement Dieu vous dira, Venez, les bénis de mon Père, posséder le royaume éternel, parce que vous avez fréquenté le théatre plus que mon temple, que vous y avez pris les manieres du monde que j’ai maudit, & enivré vos sens des plaisirs que je condamne ? […] Les pères & mères vont chercher des causes éloignées du désordre des enfans ; c’est le théatre qui les perd, qui leur apprend à former des intrigues & faire agir les domestiques, à surprendre la vigilance & ménager des rendez-vous, à voler, à emprunter de l’argent, à regarder le crime comme une galanterie, le mensonge comme une adresse, le luxe comme bienséance, l’autorité comme tyrannie. […] Tous les Pères se sont hautement déclarés contre ces divertissemens, &c.

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