Un enfant du Marais, au courant du répertoire ordinaire des Théâtres secondaires, n’est point embarrassé aujourd’hui pour raisonner, si l’on veut bien nommer raison les traits que sa mémoire lui fournit ; il y en a même qui n’ont pas d’autre éducation, et dont les parents s’applaudissent d’une intelligence, qui fait naître souvent dans la société des scènes comme Molière en a si bien tracé dans ses comédies des Précieuses ridicules et des Femmes savantes. […] J’avais compté sans mon hôte, c’était un jour ordinaire : après le dimanche et lundi, me dit le chef, comme nous n’attendons personne, on ne prépare rien.
Que penser de l’apologie du théâtre par Marmontel, qui fait une pathétique exhortation de fournir aux Comédiennes un revenu honnête, un état d’aisance, où elles puissent étudier commodément leurs rôles, pour éloigner le libertinage ordinaire où les jette leur pauvreté ? […] Si quelqu’une de ces femmes, après avoir obtenu la liberté sous prétexte de religion, profane cette religion sainte, et quoiqu’éloignée du théâtre, elle en suive l’esprit, « animo scenica », en se livrant à l’ordinaire au désordre, « turpibus volutate complexibus », qu’on la fasse revenir à son premier métier, jusqu’à ce que la vieillesse la rende hideuse et ridicule, « donec anus ridicula et deformis : ; que même alors elle n’en soit pas délivrée, quoiqu’une chasteté forcée lui soit devenue nécessaire.
Dès que le Prêtre se crut plus qu’un homme ordinaire, il inventa le cérémonial, pour en imposer à la multitude. […] osez accuser les Caligula, les Néron, les Domitien, les Caracalla, les Heliogabale ; comparés à vous, ces tygres déchaînés contre le genre humain n’étaient que des méchans ordinaires. […] Examinons un moment ce que sont nos Acteurs & nos Actrices, & voyons si leurs mœurs peuvent être celles des Citoyens ordinaires honnêtes gens, estimables en tout. […] Rien n’est plus ordinaire que de voir les Jeunes-gens nés dans la médiocrité, se passionner pour l’art déclamatoire : j’en ai connu beaucoup, qui, s’ils eussent pu choisir, auraient préféré le titre de bon Comédien, à tout ce qu’il y a de grand & d’utile dans les différens emplois de la Société. […] « Les hommes étaient accoutumés à la Représentation dans le Service Divin ; & la Comédie ne parut que comme une suite de ce Service, & même elle se joua pour l’ordinaire dans les Cimetières des Eglises.
Mais outre que ces ames sensibles & éclairées, font en petit nombre ; c’est que, fussent-elles susceptibles d’émotions à quel dégré que l’on voudra, une longue habitude diminuera enfin ces émotions ; elles en jouiront vingt fois au-delà des spectateurs ordinaires, mais elles arriveront enfin au même dégoût.
Le plaisir de gens sans mœurs qui fréquentent d’ordinaire le Théâtre, doit-il se payer par le fruit des sueurs & des travaux du laboureur tombant sous le faix ; du Citoyen religieux, qui compte pour peu le Théâtre ?
Mais on est convenu depuis long-tems qu’on le flatterait toujours en le dépeignant : si on le mettait sur le Théâtre tel qu’il est pour l’ordinaire, les Spectateurs en seraient révoltés ; ils en détourneraient bientôt les yeux.