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141. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « CHAPITRE II. Le Théâtre purge-t-il les passions ? » pp. 33-54

fait-elle voler, assassiner sur l'échafaut, en place publique, pour mettre sous les yeux le forfait qu'elle punit ? […] Rousseau prétend que l'Acteur qui joue si bien le fripon sur le théâtre pourrait bien ailleurs mettre à profit son adresse, et par une utile distraction « prendre la bourse de son maître pour celle de Valère ». […] Un Auteur dramatique doit se mettre à la torture pour imaginer et rendre vivement tout ce qu'un malhonnête homme peut dire et faire, et un Comédien pour le représenter. […] Les passions sont toujours mises sur le compte de quelque personne illustre, du moins aimable et estimable, à qui on donne des grâces et des vertus ; on la rend presque toujours infortunée pour exciter la pitié. […] On met au contraire la religion, la modération, la modestie, les vertus chrétiennes, dans les personnages subalternes ou ridicules, pour les décréditer ou les dégrader.

142. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « CHAPITRE IV. Suite des effets des Passions. » pp. 84-107

S'y prêter, s'y plaire, les nourrir, les attirer, les faire naître, c'est se mettre dans la nécessité de pécher, c'est déjà commettre le péché. […] Le quiétiste, content de jouir de sa propre fermeté, ne met pas à l'épreuve la vertu des autres, ne remue pas leurs passions ; le théâtre est plus zélé, il travaille à remuer, à flatter les passions de tout le monde. […] Qu'on en mette à l'alambic les pièces et les apologies, on n'en tirera qu'une espèce de Tartuffe qui couvre sa corruption de quelques paroles honnêtes. […] Elle affecte à mesure qu'elle se met à l'unisson de la passion dominante. […]  » Votre sécurité même vous met en prise : « Le péril le plus à craindre est celui qu'on ne craint pasp.

143. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Première partie « Causes de la décadence du goût sur le théâtre. — Chapitre XII. Des Machines & du merveilleux. » pp. 179-203

Enfin, l’esprit philosophique qui régne dans ce siécle, regarde ces pressentimens, ces douces émotions que nos Poëtes mettent dans le cœur de deux personnages, unis sans le sçavoir, par les liens du sang, comme un brillant préjugé, une antique chimère. Selon nos Philosophes, c’est une opinion populaire, dont les anciens ont profité pour se mettre à la portée du peuple. […] Il est pourtant à remarquer que Racine n’a mis qu’une de ces lettres dans toutes ses pièces. […] pourquoi les oublie-t-il, & se met-il par là en danger de faire perdre à sa sœur tout le fruit de sa noble résolution ? […] Quelques observations sur l’ordonnance du tableau, nous mettront en état de mieux juger de ses proportions & de la vérité de ses caractères.

144. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Seconde partie « Causes de la décadence du goût sur le théatre. — Chapitre XX. Suite des prétendus talents du Comédien & de la Déclamation théatralle. » pp. 63-85

Il y a des Arts, me dira-t-on, qu’on met au rang des libéraux, dont les maîtres travaillent comme le Comédien, à représenter l’ouvrage des autres. […] Elle sert non-seulement à l’Auteur, mais encore au Lecteur, à l’un, à juger de l’effet d’une période, accompagnée d’un ton & d’un geste convenables ; à l’autre, à se mettre à la place du premier, & à sentir ce qu’il veut lui dire. […] Que ceux d’entr’eux qui se sont distingués, soient mis à la place qui leur est dûe : cela est juste. […] Quand Corneille a mis son qu’il mourut , l’auroit-il écrit au hazard, sans sentir les beautés de cette expression ? […] Je défie qu’on puisse en mettre un seul sur le théatre, tel qu’on le trouve dans se fastes : les révolutions ne comportent point les unités.

145. (1632) Les Leçons exemplaires de M.I.P.C.E. « Livre III, Leçon X. LA COMEDIENNE CONVERTIE. » pp. 461-479

J'ai appris que votre Majesté est sur le point de faire une de ses aumônes extraordinaires et qu’elle a ordonné certaine somme pour le mariage ou temporel ou spirituel de quelques pauvres filles je vous supplie très instamment Madame, ou plutôt je vous conjure par les entrailles de la miséricorde de ce bon Dieu dont vous êtes l’image de me mettre au rang de celles qui destinées au Cloître ressentiront l’effet de votre Royale munificence. Si jamais j’ai mérité quelque grâce devant les yeux et les oreilles de votre Majesté je vous supplie de ne me dénier pas cette faveur qui me sauvera des périls du monde et me mettra en un lieu d’assurance où délivrée des mains de mes ennemis je pourrai sans crainte servir Dieu en sainteté et en justice tous les jours de ma vie : là Madame je serai une lampe continuellement ardente devant l’autel de sa divine Majesté pour la prier pour la prospérité de la vôtre. […] Pour Dieu madame ne rejetez pas mon instante prière et coopérez à mon salut par une parole commandant à votre Aumônier que mon nom soit mis au livre de vie et avec ceux de ces heureuses filles qui commenceront dès ce monde à chanter le Cantique de l’Agneau pour le continuer éternellement au Ciel. […] Et d’effet la Reine la prit par la main et la fit entrer dans le Palais la baillant en garde à une des anciennes Dames, et dit-on qu'elle la mettra Religieuse en l’un de ces Monastères où elle peut aller de son palais à couvert par des Corridors. […] Mais on peut appeler conversion le changement de sa condition puisque d’une vie de théâtre et qui tous les jours est en spectacle et en danger, elle se met à l’ombre d’un voile, pour se cacher dans le secret de la face de Dieu et y éviter le trouble des hommes et la contradiction des langues.

146. (1777) Des Spectacles « Des Spectacles. » pp. 75-92

Une décoration magnifique fixe les yeux, des machines de théâtre amusent l’esprit, le dénouement des aventures l’enchante, et tout cela le met hors d’état de se défier des surprises. […] un objet trop mondain vu par hasard, un mot trop libre dit sans dessein, une lecture peu modeste faite sans malice, mettent en danger la vertu la plus affermie, et sont très souvent des sources de réprobation : et tout ce que la passion a de plus vif et de plus empoisonné, tout ce que l’art de tenter a de plus fin et de plus poli ; un assemblage de tout ce qui peut séduire, ne sera ni une occasion prochaine de péché, ni un manifeste danger à des gens nourris, la plupart dans une criminelle mollesse, nourris même dans le péché ! […] A peine la solitude la plus retirée met-elle à l’abri de la passion ; l’iniquité naît, pour ainsi dire, d’elle-même partout ; le tentateur attaque les héros chrétiens jusques dans le lieu saint ; les longues austérités ne désarmant pas l’ennemi, il faut être éternellement en garde contre son propre cœur, il faut veiller, fuir, prier sans cesse, et encore l’assurance n’est pas entière. […] La curiosité met-elle en sûreté ceux qu’elle porte jusques dans les retranchements des ennemis ? […] ne s’en trouvent-ils pas qui sont d’autant plus pernicieux qu’ils agissent plus lentement ; parce qu’en cachant le péril, ils mettent hors d’état d’apporter le remède ?

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