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259. (1667) Lettre sur la Comédie de l'Imposteur « Lettre sur la Comédie de l’Imposteur » pp. 1-124

Vous remarquerez, s’il vous plaît, que d’abord l’autre voulant exalter son Panulphe, commence à dire que « c’est un homme », de sorte qu’il semble qu’il aille faire un long dénombrement de ses bonnes qualités ; et tout cela se réduit pourtant à dire encore une ou deux fois, « mais un homme, un homme », et à conclure, « un homme enfin » : ce qui veut dire plusieurs choses admirables ; l’une que les bigots n’ont, pour l’ordinaire aucune bonne qualité, et n’ont pour tout mérite que leur bigoterie, ce qui paraît en ce que l’homme même qui est infatué de celui-ci, ne sait que dire pour le louer. […] Le Père lui dit qu’elle ne craigne point d’avouer ce qu’elle pense, et qu’elle dise hardiment, ce qu’aussi bien il devine aisément, que « les mérites de Monsieur Panulphe l’ont touchée, et qu’enfin elle l’aime ». […] Son mari les regarde l’un et l’autre d’un œil de courroux ; et après leur avoir reproché, de toutes les manières les plus aigres qu’il se peut, « la fourbe mal conçue qu’ils lui veulent jouer », enfin, venant à l’Hypocrite, qui cependant a médité son rôle, il le trouve qui, bien loin d’entreprendre de se justifier, par un excellent artifice se condamne et s’accuse lui-même en général et sans rien spécifier, de toutes sortes de crimes ; qu’il est « le plus grand des pécheurs, un méchant, un scélérat ; qu’ils ont raison de le traiter de la sorte ; qu’il doit être chassé de la maison comme un ingrat et un infâme ; qu’il mérite plus que cela ; qu’il n’est qu’un ver, un néant : quelques gens jusqu’ici me croient homme de bien ; mais, mon frère, on se trompe, hélas je ne vaux rien » ! […] Son Fils a beau se tuer de lui répéter qu’« il l’a vu » ; elle qui ne pense point à ce qu’il lui dit, mais seulement à ce qu’elle veut dire, ne s’écarte point de son premier chemin : sur quoi la Suivante encore malicieusement comme il convient à ce personnage, mais pourtant fort moralement, dit au Mari « qu’il est puni selon ses mérites ; et que comme il n’a point voulu croire longtemps ce qu’on lui disait, on ne veut point la croire lui-même à présent sur le même sujet ». […] Le mari voyant toutes choses changées, suivant le naturel des âmes faibles insulte au misérable Panulphe ; mais son Beau-frère le reprend fortement, « en souhaitant au contraire à ce malheureux qu’il fasse un bon usage de ce revers de fortune ; et qu’au lieu des punitions qu’il mérite, il reçoive du Ciel la grâce d’une véritable pénitence qu’il n’a pas méritée ».

260. (1752) Traité sur la poésie dramatique « Traité sur la poésie dramatique —  CHAPITRE VI. Histoire de la Poësie Dramatique chez les Romains. » pp. 145-175

Plaute dans un Prologue, fait défendre par Mercure, de la part de Jupiter, toutes les brigues, parce que, dit-il, pour un Comédien comme pour un Grand homme, la Loi est la même ; c’est par le mérite & non par la cabale qu’il faut triompher : Eadem Histrioni sit lex, quæ summo viro : Virtute ambire oportet, non favoribus. […] Ce Roscius a laissé un nom si célebre qu’il mérite dans l’Histoire du Théâtre une place d’autant plus honorable, que fameux par sa supériorité dans sa profession, & par une probité rare dans sa profession, il a reçu de Ciceron ce grand éloge, qu’il paroissoit seul digne de monter sur le Théâtre, & seul digne de n’y pas monter.

261. (1752) Traité sur la poésie dramatique « Traité sur la poésie dramatique — CHAPITRE IX. Défauts que les Etrangers ont coutume de reprocher à notre Tragédie. » pp. 231-259

La femme qui mérite ce grand Sacrifice, est cependant une femme très-peu estimable, & l’on peut remarquer que dans les Tragédies de Corneille toutes ces femmes adorées par leurs Amans, sont par les qualités de leur ame, des femmes très-communes : ce n’est que par la beauté que Cleopatre captive César, & qu’Emilie a tout empire sur Cinna. […] C’est un Ouvrage parfait, qui mérite d’être à la tête de tous les Poëmes Dramatiques.

262. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre V. Le but des auteurs et des acteurs dramatiques est d’exciter toutes les passions, de rendre aimables et de faire aimer les plus criminelles. » pp. 51-75

Au contraire, nous estimons comme gens d’un bon naturel ceux qui, vivement affectés de tout, sont l’éternel jouet des événements ; ceux qui pleurent, comme des femmes, la perte de ce qui leur est cher ; ceux qu’une amitié désordonnée rend injustes pour servir leurs amis ; ceux qui ne connaissent d’autre règle que l’invincible penchant de leur cœur ; ceux qui, toujours loués du sexe qui les subjugue, et qu’ils imitent, n’ont d’autres vertus que leurs passions, ni d’autres mérites que leur faiblesse. […] victimes de nos applaudissements insensés, n’apprendrons-nous jamais combien mérite de mépris et de haine tout homme qui abuse, pour le malheur du genre humain, des talents que lui donna la nature !

263. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 1 « CHAPITRE III. Des Pièces de Collège. » pp. 48-67

Qui connaît le mérite, qui sait apprécier les avantages de la comédie ? […] Sans prétendre que ce moyen soit bien propre à opérer cet effet, on ne peut disconvenir qu’il n’était pas moins attentif à inspirer l’esprit de piété que l’amour des belles lettres. » Ce double aveu de l’inutilité des pièces de collège, et du mérite d’un Jésuite, est un triomphe de la force de la vérité.

264. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 1 « CHAPITRE IX. Sentiments de Saint Augustin sur les Spectacles. » pp. 180-198

Augustin mérite une attention particulière, à bien des titres. […] Si quelque étincelle de raison vous fait préférer l’âme au corps, jugez qui mérite mieux votre culte : « Pontifex propter animarum cavendam pestilentiam scenum construi prohibebat. » Mais ce que la postérité aura peine à croire, la corruption était si grande, l’aveuglement si profond, qu’après le sac de Rome les amateurs du théâtre, fugitifs, étant venus à Carthage, allaient en foule se passionner au spectacle : « Animos miserorum tantis obcacavit tenebris, tanta deformitate fœdavit, ut Romà vastata, quos pestilentia illa possiderat, in theatris quotidie certatim pro Histrionibus insanirent. » O insensés, l’univers entier est étonné et affligé de vos malheurs, et vous, quelle fureur !

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