Nous n'approuvons pas, il est vrai, ces sortes de pièces ; mais ce serait être injuste de ne pas convenir qu'elles sont très différentes du théâtre public, différentes dans les mœurs des Acteurs et des Actrices, dans le goût et les vues de l'Auteur, dans le choix des spectateurs, dans la séduction des passions, l'indécence des parures, la licence des discours, les décorations, les chants, les danses, le lieu, le temps.
Les licences qu’ils ont accoutumé de se donner, sont incompatibles avec le respect, l’exactitude et la pureté qu’elle exige.
Quoiqu’il en soit, il est constant que ce ne fut pas dans une Comédie, mais dans la rnaison, qu’Héliogabale parut avec infamie ; ce ne fut pas d’une Comédie que Caton fut obligé de se retirer pour donner lieu à la licence du peuple que sa seule présence empêchait de demander une chose honteuse. […] Il serait par là fort aisé de faire une apologie du Théâtre des Anciens, si les licences et les infamies ne l’avaient gâté dans la suite des temps. […] Ceux que vous appelez réformateurs, page 45, par une raillerie qui leur est fort agréable et fort honorable ont raison de vous dire, que quoiqu’on ne voit plus sur la Scène les licences des Anciens, il reste pourtant toujours quelque chose de cette première corruption déguisée sous de plus beaux noms, qu’on ne joue aujourd’hui aucune Pièce où il n’y ait quelque intrigue d’amour, où les passions ne soient dans tout leur éclat, où l’on ne parle d’ambition, de haine, de jalousie, et de vengeance ; ils pourraient ajouter que la plus belle Pièce est celle où 1’amour est traité d’une manière plus délicate, plus tendre et plus passionnée ; et que sans cela quelque belle qu’elle soit d’ailleurs, elle n’a d’autres succès que celui de dégoûter la plupart des spectateurs, et de faire mourir de faim les Comédiens ; que toute la différence de la beauté des Pièces ne consiste pas tant dans la beauté des Vers, mais dans les diverses manières de traiter l’amour, soit qu’on le fasse servir à quelque autre passion, pour la relever et lui donner de l’éclat, ou bien qu’on représente l’amour comme la passion qui domine dans le cœur.
Quels dangers dans le jeu passionné et indécent des acteurs, et dans la licence ou l’immodestie souvent plus criminelle des spectateurs !
La bonté, la confiance devroient toucher un cœur noble, l’espérance de l’impunité ne les rend au contraire que plus libres, & plus hardies ; & dans les païs comme la France, où la politesse, la mode, ou plutôt la foiblesse pour le sexe leur donne un plus grand empire, la licence & la hauteur sont sans bornes.
Il se permet bien des licences.