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109. (1762) Lettres historiques et critiques sur les spectacles, adressées à Mlle Clairon « Lettres sur les Spectacles à Mademoiselle Clairon. — LETTRE VI. » pp. 98-114

L’action, selon Aristote1, suit de près le discours, & on se laisse gagner volontiers par les choses dont on aime l’expression : lorsqu’on déteste un événement, on ne prend aucun plaisir à le voir représenter. […] Dans l’empire amoureux Le devoir n’a point de puissance,                 L’amour dispense, Il faut souvent pour devenir heureux Qu’il en coute un peu d’innocence : Laissez mon cœur en paix impuissante vertu, N’ai-je pas assez combattu Quand l’amour malgré moi me contraint de me rendre ? […] Plus bas, Cornelie parle à César2 : Et parmi ces objets ce qui le plus m’afflige, C’est d’y revoir toujours l’ennemi qui m’oblige Laisse-moi m’affranchir de cette indignité, Et souffre que ma haine agisse en liberté.

110. (1697) Lettre à Mme la Marquise de B. « A MADAME LA MARQUISE DE B… » pp. 302-316

J’ai assez d’estime pour leur Mémoire pour ne rien dire de plus : j’aime mieux laisser parler leurs Ouvrages. […] Pardon, Madame, si je vous mène si loin pour vous y laisser : deux de mes Amis, que vous n’aurez pas de peine à reconnaître quand vous saurez qu’ils me viennent prendre pour aller à Berny, m’arrachent la plume des mains ; et ne me laissent que la liberté de vous assurer qu’on ne peut être avec plus de respect que je le suis, Madame, votre très humble et très obéissant serviteur.

111. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — [Première partie.] — Onzième Lettre. De madame Des Tianges. » pp. 244-249

J’espère donc que vous vous en fierez à madame D’Alzan ; que vous nous laisserez agir toutes deux ; & que vous nous seconderez à notre manière ; c’est la grâce que j’ose exiger de vous. […] Point de reproches, point de réprimandes point d’humeur ; tout cela est banni de mon plan Je sais quelle est votre attention à ne pas quitter, lorsqu’on l’abandonne, une Nièce qui vous est chère ; c’est une suite de votre tendresse pour elle : mais je vous engage, dans les circonstances présentes, à lui laisser la liberté de la solitude, elle en a besoin ; à ne rien dire dans les entretiens que vous aurez devant elle avec monsieur D’Alzan, qui puisse augmenter ses inquiétudes ; il faut au contraire les dissiper.

112. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Seconde partie « Causes de la décadence du goût sur le théatre. — Chapitre XVIII. Prétention des Comédiens au titre d’homme à talens, mal fondée. » pp. 19-44

Le Peintre laisse une composition pour une autre, & la liberté qu’il donne à son génie, met souvent le sceau à la perfection de ses Ouvrages. […] Ainsi leur service ne leur laisse aucun droit au titre dont il s’agit, auquel les Valets de pied ne puissent aspirer, avec plus de raison, puisqu’ils sont pourvus de Brevets d’Office, qui leur donnent le pas sur les Comédiens. […] La déférence que Caton le Censeur marqua un jour pour cette pratique ancienne, en se retirant du Théatre pour la laisser observer, nous le prouve assez. […] Comme il y parvenoit souvent, on lui imposa l’obligation de se couvrir soi-même de honte au milieu de ses succès, pour effacer entierement l’impression de ceux-ci, & ne laisser subsister que le souvenir de celle-là.

113. (1762) Lettres historiques et critiques sur les spectacles, adressées à Mlle Clairon « Lettres sur les Spectacles à Mademoiselle Clairon. — LETTRE VIII. » pp. 131-157

Saint Augustin qui écrivoit son Traité de la pénitence, près d’un siécle après la conversion des Empereurs, & dans un tems où le paganisme étoit à l’agonie, où les Spectacles étoient purgés de toute espéce d’idolâtrie, n’a pas laissé de les interdire aux Chrétiens. […] Saint Bernard n’a pas laissé de les condamner3, sous prétexte qu’elles flattent nos convoitises, qu’elles retracent des actions criminelles. […] Aristote qui dans sa Poëtique a donné des regles pour le Théâtre, sur lesquelles nos grands Maîtres, sur-tout Pierre Corneille, se sont modélés, n’a pas laissé dans sa politique de supposer un certain danger dans les représentations. […] Platon, le maître d’Aristote, est bien plus rigoureux, il a banni tout-à-fait le Théâtre de sa république : nous ne recevons, dit-il2, ni la Tragédie ni la Comédie en notre Ville, ce genre de poësie voluptueuse est capable de corrompre les gens de bien, par ce que n’excitant que la colere ou l’amour, ou quelqu’autre passion qu’elle arrose les mauvaises herbes qu’il falloit laisser entierement secher*.

114. (1768) Réflexions sur le théâtre, vol 7 « Réflexions sur le théâtre, vol 7 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE SEPTIÈME. — CHAPITRE VIII. Sentimens de S. Chrysostome. » pp. 181-192

Tandis qu’on punit un vol léger, on laisse impunis l’impureté, les jeux de hasard, l’ivrognerie, l’intempérance, le blasphême, crimes bien plus énormes que le larcin. […] Quand vous allez au théatre vous repaître de la vue de ces femmes immodestes, & vous laissez prendre par vos yeux à l’hameçon, d’abord vous goûtez quelque plaisir ; mais vous allumez dans vos veines une fievre violente. […] Ce sont deux hommes montés sur des chevaux fougueux, dont l’un sait le dompter, en fait ce qu’il veut, & s’en sert utilement dans ses voyages ; l’autre s’en laisse emporter à toute bride, en est renversé & brisé. […] Chrysostome n’a presque laissé que des sermons à un peuple livré au théatre & à la débauche, & tout ramène à cet objet, parce que le théatre influe sur tout par les passions de toute espèce qu’il représente & qu’il excite, & que tout à son tour influe sur le théatre par la nécessité où il est pour plaire de se conformer au goût dominant, & de flatter les vices du siecle, par conséquent d’en prendre les sentimens, les erreurs & les modes.

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