A Messieurs le Prévôt des marchandsb, et échevins de ladite Villec Avec permissiond Messieurs, certain ténébrione sans nom, sans pays, sans aveu, et qui pis est sans foi, sans justice, et sans religion, a osé ces jours passés divulguer un imprimé en date du vingt deuxième d’août dernier, par lequel il a malicieusement calomnié la représentation qui vous avait été exhibée dans votre collège le septième du même mois de la présenté année 1607.
Il fit pourtant bien des lois et des traits de justice pour contenir les Acteurs.
.° Si les Juges même qu'ils amusent, traitent si rigoureusement ces ouvriers d'iniquité, combien doit être plus sévère la justice divine ?
Il ne fait pas plus de justice à saint Cyprien, quand il lui attribue le même sentiment : et c’est ce qui m’oblige de le démasquer encore une fois, pour faire réparation à ce Père, et pour empêcher les simples de prendre le change sur le récit d’un Docteur de Théâtre. […] Pour ce qui est de la circonstance des lieux : s’il n’y avait que cela à reprendre dans les Comédies d’aujourd’hui, elles seraient plus supportables : on avoue qu’en France on ne permet pas qu’elles se jouent dans les Eglises, et qu’on n’y souffre pas même qu’elles se jouent dans les lieux où l’on rend la Justice : mais ce n’est pas par là apparemment que le Docteur en voudrait prouver l’innocence. Car enfin si on les bannit des Eglises et des lieux où l’on rend la Justice, ce n’est pas pour leur trop d’honnêteté ni pour leur trop de modestie.
On rend cette justice aux gens d’esprit et de Lettres qui étaient parmi les Païens, de croire qu’ils désapprouvaient et traitaient de superstition les cérémonies de Religion populaires, parmi lesquelles je ne fais pas difficulté de mettre une bonne partie de ce qui se passait dans certains spectacles ; et les plus sages étaient ceux qui savaient cacher leurs sentiments. […] Ainsi faisant plus de justice à vos amis que vous, je pourrais nier la première conséquence, et dire que Saint Thomas n’a parlé que des Farceurs et non pas des Comédiens, tels qu’ils sont dans votre idée, dans la mienne, et dans celle de tout le monde, entre lesquels et les Bateleurs on a toujours on mis, on met encore, et on mettra toujours dans la suite une grande différence du consentement même de vos amis, dans toute autre occasion que celle-ci. […] On doit rendre cette justice à votre ami Boursault, que son Esope est peut-être une Comédie des plus modestes dans les Vers, que l’on ait encore jouées ; c’est je crois la dernière que j’ai vu représenter, et je fus extrêmement surpris de voir qu’une Pièce dont la lecture ne m’avait pas paru beaucoup dangereuse, fut si gâtée dans la représentation. […] Enfin je m’aperçois que quoique que ces Chrétiens ne fussent pas si coupables que vous le voudriez bien, Salvien leur dit cependant, qu’ils ne profitent pas des exemples que Jésus-Christ leur a donnés, ni des leçons que Saint Paul leur a laissées, et qu’au lieu de bannir de leur cœur l’impiété et les désirs déréglés pour vivre librement dans la piété et dans la justice, ils renonçaient aux vœux du baptême, et pratiquaient le contraire de ce qu’ils avaient promis si solennellement.
, la coutume n’est, à proprement parler, qu’une ancienne erreur, si elle n’est pas fondée sur la justice & sur la vérité.