Une servante dévergondée qui vient avec la gorge découverte (comme sont toutes les Actrices), à qui on représente & on a raison de représenter qu’elle devroit être plus modeste, & qui répond avec une impudence cynique (théatrale) : Vous êtes donc bien tendre à la tentation, Et la chair sur vos sens fait grande impression.
Les pieces qu’on représente réveillent sans cesse à l’Actrice l’idée de son amant : comme elles roulent toutes sur l’amour, on en sent plus vivement l’impression ; on s’applique ce qu’on chante, on déclame, on substitue l’amant à l’Acteur ; on se voit en lui, on lui parle ; on entre dans le sentiment du rôle qu’on joue, on le réalise en soi-même, on en réussit mieux, & on le fait mieux passer dans l’ame des spectateurs.
le cœur de la jeunesse est attendri, ou plutôt, amolli comme la cire ; il est prêt à suivre la première impression qu’on lui voudra donner ; tout dépend de la société que le jeune-homme ou la jeune-fille vont trouver en sortant du Spectacle : les honnêtes-gens leur feront chérir l’union sainte du mariage ; une Catin, un Célibataire égoïste, les plongeront dans la débauche.
Mais il y en a, qui vont à la Comedie sans aucune impression, & sans y être touchés.
S.M. voulant détruire les mauvaises impressions que de pareils ouvrages pourroient produire : Ouï le rapport, le Roi étant en son Conseil, a ordonné & ordonne que les susdits deux discours imprimés intitulés Éloge de François de Salignac, &c. […] Fenelon a non seulement notifié son jugement à toute la terre par l’impression, mais il a adressé à l’Académie elle-même la lettre celebre qu’il écrivit.
Jusques-là il sera vrai de dire que dans nos spectacles le bon est trop mêlé, trop confondu avec le mauvais, pour qu’on puisse se reposer sur une Jeunesse inconsidérée & bouillante, du soin d’en faire la séparation, & de profiter de l’un sans ressentir l’impression de l’autre. […] De-là ces fausses impressions que l’on prend de la Littérature Françoise dans les pays étrangers, dans nos Provinces même, où le bon reçu indifféremment avec le mauvais, sous le passe-port de la Capitale, donne aux jeunes Gens un goût confus & incertain, aussi nuisible aux Lettres que le goût bizarre & dépravé des demi-connoisseurs de ce tems.