A regarder les plaisirs du monde sous une idée métaphysique, qui les sépare des plus grands désordres, il semble les permettre : cependant il exige des dispositions dans leur usage, qu’on ne saurait tenter de garder avec fidélité sans renoncer à tous ces plaisirs. […] On rapporte l’exemple de la mère de sainte Macrine sœur de saint Grégoire de Nysse, qui avait un si grand soin de sa fille, qu’elle ne lui permettait pas de lire des Fables ni des Comédies, regardant comme une chose honteuse de gâter un esprit encore tendre, par toutes ces Histoires tragiques de femmes, dont les fables des Poètes sont remplies, ou par les idées mauvaises des Comédies.
Tel est le malheur attaché à la Poésie, cet Art si dangereux, dont l’Histoire est beaucoup plus la liste des fautes célèbres & des regrets tardifs, que celle des succès sans honte & de la gloire sans remords : tel est l’écueil presque inévitable, sur-tout dans les délires de la jeunesse ; on se laisse entraîner à établir des principes qu’on n’a point ; un vers brillant décide d’une maxime hardie, scandaleuse, extravagante : l’idée est téméraire, le trait est impie, n’importe, le vers est heureux, sonore, éblouissant, on ne peut le sacrifier, on ne veut que briller, on parle contre ce qu’on croit, & la vanité des mots l’emporte sur la vérité des choses.
Quel renversement dans les idées d’un homme, dès-qu’une fois il s’est écarté de la route !
Dacier & bien d’autres prétendent que nous perdons beaucoup en supprimant les chœurs des anciens, que le spectacle en est moins vraisemblable, moins frappant, moins riche en idées, en sentimens.
Or la passion d’amour la plus pure peut perdre sur le Théâtre toute son innocence, en faisant naître des idées corrompues, même dans l’esprit du Spectateur le plus indifférent.
Cependant Lactance nous donne une idée bien différente de ces jeux : il assure qu’on les célébrait d’une manière tout à fait scandaleuse.