« Quel usage plus ridicule, dit Jean-Jacques Rousseau, que celui qui présente l’opinion la plus extravagante et la plus barbare qui jamais entra dans l’esprit humain, savoir, que tous les devoirs de la société sont suppléés par la bravoure, qu’un homme n’est plus fourbe, fripon, calomniateur, qu’il est civil, humain, poli, quand il sait se battre ; que le mensonge se change en vérité, que le vol devient légitime, la perfidie honnête, l’infidélité louable, sitôt qu’on soutient tout cela le fer à la main ; qu’un affront est toujours bien réparé par un coup d’épée, et qu’on n’a jamais tort avec un homme, pourvu qu’on le tue !
Ce n’est pas un des Pères, mais tous d’un consentement unanime ; ce n’est pas pour un temps, mais de siecle en siecle ; ce ne sont pas des gens foibles, mal instruits, peu éclairés, mais les plus grands hommes ; ce n’est pas par voie de conseil & de perfection, mais comme un précepte rigoureux ; ce n’est pas pour certains états, mais pour tout le monde, non par des raisons particulieres, mais par les mêmes raisons que nous employons. […] Attentif à profiter du goût des hommes pour les vanités du monde, il les leur présente dans des spectacles les plus séduisans, & en triomphe lors même qu’ils se croient à l’abri de ses traits. […] Pour les livres qui traitent des mystères sublimes de la contemplation & de la vie intérieure, toléreroient-ils des divertissemens criminels, eux qui pour faire mourir l’homme à lui-même, interdisent les plaisirs innocens, & font de la croix le bonheur & les délices de l’ame fidèle ? […] Tout d’une voix unanime déplore l’aveuglement des hommes qui servent ou qui boivent à longs traits ce funeste poison. […] L’œil n’a point vu, l’oreille n’a point entendu, l’esprit de l’homme ne peut comprendre ce que Dieu prépare à ceux qui le servent.
Ils durent bientôt penser que puisque le récit d’une Action éclatante étoit agréable, la Représentation de cette Action, mise en Dialogues, & exécutée par des Personnages, seroit bien plus agréable qu’un récit, & qu’en y ajoutant des chants placés à propos, ils attireroient les hommes à un spectacle où les charmes de la Poësie Lyrique & de l’Imitative seroient réunis. […] Les Sujets de leurs Tragédies étoient les exploits militaires des Rois & des Grands hommes : les Sujets des Comédies étoient des Actions de la vie privée. […] Quelle nombreuse Bibliotheque formeroit un homme qui pourroit rassembler toutes les Pieces de Théâtre qui ont été faites dans toutes les Langues !
Si on avait laissé l’homme dans le chemin de la Nature, occupé journellement de la culture de la terre, qui fournit enfin à tous les vrais besoins, amusé alors, délassé par des plaisirs simples, il n’aurait pas eu besoin de l’art pour son bonheur. […] Deux hommes se battent ; celui qui est blessé répand du sang ; on le voit couler.
En proposant la réforme du Théâtre, je ne fais que marcher sur les traces d’hommes recommendables qui l’ont proposée avant moi ; ou plutôt tout citoyen vertueux la demande au fond de son cœur. […] Il agita aussi la question délicate de la danse, & la permit avec des modifications ; celle des hommes ne peut faire aucune difficulté, mais les danses des femmes seroient dangereuses, on ne sauroit en admettre d’aucune sorte. […] Quels amusements ont ces étrangers, ces hommes de toutes les Nations qui abordent dans vos murs ? […] Si les Chefs vouloient s’occuper sérieusement de cette réformation assez facile, desirée par tous les hommes de bien, aussi avantageuse au gouvernement qu’à la Religion, il deviendroit superflus d’écrire davantage sur cette matiere.
En faut-il davantage pour achever de persuader à l’homme sensé, que les Lettres déclinent insensiblement ? […] Mais l’homme de Lettres dont je parle a la gloire d’éffacer les fautes qu’il fait quelquefois, par les beautés qu’il répand dans ses Ouvrages. […] Combien est-il d’hommes de Lettres dans notre Siècle qui voudraient avoir composés ses plus mauvais Vers ? […] L’homme se découvre par-tout. […] Ne cherchons pas davantage des fautes échappées à de grands hommes.