Mais le bonheur de chaque Citoyen dépend de l’égalité politique de tous les Citoyens ; & plus chaque Citoyen est heureux dans son intérieur, plus la société entière est puissante & respectable au-dehors. […] Et que n’eût-il pas fait dans des circonstances plus heureuses ? […] Il n’auroit point, sans doute, (je suppose toujours des temps plus heureux,) il n’auroit point dégradé la Tragédie nationale en la consacrant, comme a fait un homme médiocre, à des aventures sans importance, à des fanfaronnades militaires, à des flatteries serviles, flétrissantes pour l’auteur qui ôse les risquer & pour l’Auditoire qui peut les souffrir. […] Si des Tragédies composées dans un but aussi moral, aussi patriotique, ne peuvent encore être représentées en France, je m’occuperai, dans le silence du Cabinet, d’une génération plus heureuse & plus raisonnable que la nôtre. […] Ainsi l’art de penser & d’écrire, rendra chaque jour les hommes plus éclairés, & par conséquent plus vertueux, & par conséquent plus heureux.
Heureux qui peut dire, comme Esther disoit dans le palais d’Assuerus, où regnoient tous les plaisirs : Vous savez, Seigneur, que depuis que j’y ai été transportée je ne me suis jamais réjouie qu’en vous : Tu scis quòd nunquam lætata sit ancilla tua ex quo hùc translata sum, nisi in te, Deus Abraham. […] Il est plus rare encore que les mariages qui s’y font, soient jamais heureux ; ce n’est pas là que se rendent les gens sages : & quel est l’homme sage qui n’aime mieux épouser une fille modeste, retenue, pieuse, qu’une danseuse, fût-elle aussi légère que la Camargo, aussi voluptueuse que la Sallé ? […] Le Sage nous apprend, aussi-bien que l’expérience, que le mariage n’est heureux qu’autant qu’il est béni du ciel, & contracté entre des personnes religieuses & prudentes. […] Réparez au retour, par le jeûne, le cilice & la cendre, les fautes que sans doute vous y avez commises : trop heureux si elles ne sont que vénielles ! […] Trop heureux encore, si des passions, des vices, des péchés innombrables n’y apportoient une folie bien plus déplorable, dont on gémira éternellement !
Pelops passe pour leur Instituteur apres l’heureux combat qu’il fit contre Oenomau, & par où il obtint Hypodamie sa Maistresse.
Jodelle, qui suivant les termes de Pasquier, avoit mis l’œil aux bons Livres, par une Tragédie qui parut à la maniere des Grecs, parce qu’elle avoit des Chœurs, enleva tout d’un coup l’admiration de son Siécle, & fut plus heureux dans sa fortune que ne l’a été un de ses Successeurs, véritable imitateur des Grecs. […] J’espérois, dit-il, que cette Piéce seroit heureuse dans la Représentation ; mais que notre Seigneur soit remercié de tout, il nous visite dans les afflictions. […] Delfino n’y réussit pas par ses faux brillans, & Gravina qui avoit écrit sur les Regles de la Tragédie, ne fut pas plus heureux quand il donna ses Piéces pour exemples de ses Préceptes, que ne l’avoit été notre Abbé d’Aubignac, quand il voulut composer une Tragédie.
Ceux qui savent apprécier l’heureux accord des talens Littéraires & des sentimens de sagesse & de retenue que la Religion & la vraie philosophie inspirent, verront avec plaisir cet illustre Ecrivain, autrefois néanmoins si injustement outragé, traiter avec autant de goût & de lumière, que d’aisance & de précision, les Principes de l’art dramatique, & les resserrer dans les justes bornes de la décence & de l’utilité.
L’Auteur de la lettre nous auroit obligées, s’il eut pris la peine de nous dire, si les personnes, tels qu’ils soient, qui ont cet heureux charactére, pecheroient, quand ils useroient moderément ce divertissement.