C’est dans ces vers sacrez, mêlés de symphonie, Qu’il sied bien aux auteurs d’exercer leur génie. […] Mais je le vois tomber ce dangereux théâtre, Qu’anima si longtemps un génie idolâtre.
Le Tasse étoit un homme savant ; un écrivain éloquent, un courtisan poli ; il avoit une imagination brillante, un génie fécond, un esprit d’ordre, un style coulant, une grande facilité à faire des vers, & de bons vers, il méritoit sa réputation littéraire, & la couronne poëtique, qu’on lui avoit décernée, & qu’une mort précipitée l’empêcha de recevoir. […] I, plus heureux & plus savant, avoit moins d’esprit & de génie. […] La musique, la danse, la décoration sont plus difficiles, & demandent chacune dans son genre plus de génie que la poësie : elles y dominent, & font la beauté du Spectacle où l’on s’occupe peu des vers. […] Ouvrage de génie plein de grandes idées, de vues utiles, de réflexions profondes, mêlées avec bien des choses répréhensibles ; mais qui n’est point fait pour des enfans ni pour former des précepteurs. […] Moliere amuse assez, son génie est folâtre ; Il a quelque talent pour le jeu du Théatre, Et pour en bien parler, c’est un bouffon plaisant Qui divertit le monde en le contrefaisant.
Une lecture réfléchie des chœurs de leurs Poèmes, aura fait naître à un homme de génie Italien le dèssein de les imiter ; & l’Opéra-Sérieux se sera formé insensiblement. […] Ses Opéras se font lire avec plaisir ; on y trouve du feu, du génie, sur-tout beaucoup de sentimens & des morceaux tout-à-fait sublimes. […] Qu’on peut mettre encore en action les Génies élémentaires. […] Des Génies offrent des choses aussi nobles, des événements aussi prodigieux, que les Hèros & les Dieux de la mythologie. […] Les Lullystes devraient se dire à leur tour : laissons chanter les louanges de Rameau ; les goûts sont changés, il a su prendre celui de son siècle ; il viendra un autre homme de génie, qui obscurcira peut-être à son tour la gloire de Rameau, de même que ce Musicien célèbre balance la réputation de Lully.
Pourquoi ne permettre au génie de se faire entendre que dans un lieu, tandis que les sottises & le mauvais goût ont tant d’endroits pour étaler leurs malheureuses productions ? […] Si dans les pieces mauvaises il se glisse quelque sentence, quelque trait de vertu, de génie, de bon goût, le ciseau du Censeur le coupe sans pitié, & ne laisse qu’un corps mutilé & difforme. […] Presque toutes ses pieces sont le fruit de quelque passion, il n’y en a pas purement de génie : à quelques farces près, qui ne l’auroient pas immortalisé, on peut dire de son Théatre en général, la colere suffit, & vaut un Apollon . […] On répete par-tout ce petit conte, dont nous parlons ailleurs, pour faire honneur à Moliere, & le donner comme un grand philosophe, un grand littérateur, un génie universel, capable de tout. […] Moliere n’avoit point de valet-de-chambre ; il rampa longtemps dans la bassesse & l’indigence, & quand dans la suite il eut acquis en bien, avare & mesquin dans son domestique, il n’eut jamais qu’une vieille servante qui faisoit tout chez lui, à qui il lisoit ses comédies, faites en effet la plupart pour la populace, & qu’on veut donner pour un trait de génie, & qui n’est qu’une habitude de familiarité avec le peuple, contractée sur les tréteaux de province.
Il s’est appliqué particuliérement à connoître le génie des Grands, & de ce qu’on appelle le beau monde, au lieu que les autres se sont souvent bornés à la connoissance du peuple. […] Mademoiselle le Fevre trouve qu’il avoit beaucoup du génie & des maniéres de Plaute & d’Aristophane3. […] Il faut avouer qu’il parloit assés bien François ; qu’il traduisoit passablement l’Italien : qu’il ne copioit point mal ses Auteurs, mais on dit peut-être trop legerement, qu’il n’avoit point le don de l’invention, ni le génie de la belle Poësie2, quoique ses amis même convinssent que dans toutes ses Piéces le Comédien avoit plus de part que le Poëte, & que leur principale beauté consistoit dans l’Action.
Tant que l’art Dramatique n’a été connu que par les génies qui le professoient, on rendit justice à leurs beaux Ouvrages. […] La voilà établie juge du génie, d’une maniere plus honorable que par le sentiment, qui ne laisse rien à faire à l’esprit. […] Les facultés de l’ame, assoupies dans un fatras de sophismes, seront à peine éveilleés par les éclairs du génie.