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47. (1775) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-septieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre III. Théatre de Pologne. » pp. 80-105

Et c’est au milieu de ces horribles tempêtes que le théatre s’y est plus puissamment établi, & de ces mêmes tempêtes qu’il a tiré sa plus grande force. […] Le premier, pour faire oublier ses manœuvres & les malheurs publics en amusant le peuple, vouloit introduire de nouveaux spectacles ; le second, qui pense que les bonnes mœurs sont le vrai soutien, la force, l’appui des Etats, s’opposoit à ce qui n’est fait qui pour les corrompre. […] Le Prince Suboninski, chef de la police, s’opposa de toutes ses forces à l’érection d’un Théatre permanent ; mais inutilement : le roi de Prusse, qui veut amuser le peuple qu’il opprime, fit faire à Varsovie comme à Dresde. […] Mais que peut la force des raisons, & l’intérêt de la vertu, contre les attraits du plaisir ? […] Vous avez levé la canne sur moi, parlant ainsi aux spectateurs : Laissez-moi fondre sur lui, il connoîtra la force de mon bras, ou le diable l’emportera ; &c.

48. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « CHAPITRE IV. Suite des effets des Passions. » pp. 84-107

Pourquoi réveiller un ennemi si redoutable, et lui prêter de nouvelles forces ? […] Mais est-ce à des mondains, à des pécheurs, à des âmes faibles, qui n'y cherchent que l'amusement et le plaisir, à irriter, à appeler des ennemis toujours vainqueurs, toujours puissants, pour se livrer à leur discrétion et leur donner une nouvelle force, à s'exposer sans défense à leurs coups, à aider la main qui les porte ? […] On sentira à la première occasion la force impérieuse d'un ennemi à qui on a fourni des armes, et l'inutile répugnance d'un cœur qu'on a cent fois mortellement blessé : « Qui amat periculum, peribit in illo. […] L'imagination de l'homme le plus passionné n'atteint pas à ce degré de force ; combien y est elle aidée, étendue, enrichie ! […] Tout n'est pas aussi heureux que Mithridate, qui se rendit inaccessible au poison à force d'en prendre, et peu de gens voudraient en faire l'essai.

49. (1731) Discours sur la comédie « PREFACE » pp. -

» Saint Clément d’Alexandrie10 persuadé que l’amour se glisse dans le cœur par les yeux, parle avec force contre cet abus : Il reproche aux Chrétiens de quitter toute pudeur avec leurs habits, et de l’ensevelir dans les bains ; plus immodestes que les anciens Athlètes, qui du moins gardaient quelques bienséances. […] A force de crier on gagne toujours des âmes à Dieu. […] On revenait durant plusieurs jours à la charge, cela se faisait fort solennellement, et il en restait plusieurs sur la place. « Je parlai, dit ce Père12 , avec toute la force possible, pour arracher des cœurs de mes Auditeurs un penchant si cruel.

50. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre second. — Chapitre prémier. De l’éxcellence du nouveau Théâtre. » pp. 68-93

Voici les termes de ce Poète élégant & judicieux ; « Une Comédie où l’on rencontre des sentimens & des mœurs, quoi qu’elle soit sans grace, sans force & sans art, plait quelques fois d’avantage au Spectateur, & l’attache plus fortement que ces Vers magnifiques & harmonieux qui ne signifient rien5. » Je terminerai cet article par une remarque du Père Brumoy ; il semble conseiller aux Auteurs Dramatiques de ne se point donner la peine de bien écrire leurs Poèmes, parce que le Sublime du stile n’est jamais saisi aux représentations. […] Archelaus, fameux Comédien du tems de Lysimachus, Roi de Macédoine, représenta devant eux l’Andromède d’Euripide, avec tant de force & de pathétique, qu’ils furent atteints d’une frénésie qui leur fesait courir les rues en récitant les Vers de cette Pièce. […] Si la plus-part de nos Auteurs n’ont plus ni force ni génie, à quoi faut-il en attribuer la cause, si ce n’est au Spectacle moderne ? […] En un mot, notre Littérature doit périr à cause de l’Opéra-Bouffon ; il la mine chaque jour en acquérant de nouvelles forces ; semblable à l’insecte qui dévore en se formant, le fruit dans lequel il a pris naissance.

51. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — Seconde partie. Notes. — [B] » pp. 380-390

De cette disposition à saisir le ridicule, la Comédie tire sa force & ses moyens. […] Le Bas-comique au contraire, est susceptible de délicatesse & d’honnêteté ; il donne même une nouvelle force au Haut-Comique ; ainsi qu’au Comique-Bourgeois, lorsqu’il contraste avec eux. […] De ces trois genres, le premier est le plus utile aux mœurs, le plus fort, le plus difficile, & par conséquent le plus rare : le plus utile aux mœurs, en ce qu’il remonte à la source des vices, & les attaque dans leur principe ; le plus fort, en ce qu’il présente le miroir aux hommes, & les fait rougir de leur propre image ; le plus difficile & le plus rare, en ce qu’il suppose dans son Auteur une étude consommée des mœurs de son siècle ; un discernement juste & prompt, & une force d’imagination qui réunisse sous un seul point de vue les traits que sa pénétration n’a pu saisir qu’en détail. […] Mais comme ce genre ne peut être ni soutenu par la grandeur des objets, ni animé par la force des situations, & qu’il doit être à la fois familier & intéressant, il est difficile d’y éviter le double écueil d’être froid ou romanesque ; c’est la simple nature qu’il faut saisir, & c’est le dernier effort de l’art d’imiter la simple nature.

52. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre IV. Les spectacles inspirent l’amour profane. » pp. 32-50

Qui étale, bien que ce soit pour le mariage, cette impression de beauté sensible qui force à aimer, et qui tâche à la rendre agréable, veut rendre agréables la concupiscence et la révolte des sens. […] La force de l’intérêt, la chaleur du sentiment, le feu de l’action, les ornements de la poésie, tout l’ensemble du spectacle émeut et transporte. […] On est séduit sans avoir la force de revenir contre de si douces et de si fortes impressions : tout fait illusion et tout concourt à la maintenir. […] Celui qui n’a pas la force de contenir ses regards, mais qui est si empressé à voir les objets, pourra-t-il rester pur après les avoir vus ?

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