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15. (1769) Réflexions sur le théâtre, vol 8 « Réflexions sur le théâtre, vol 8 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE HUITIEME. — CHAPITRE IV. Suite des Masques. » pp. 82-109

Le théatre ne fît-il qu’enseigner & entretenir le goût des masques, il seroit un mal. […] Il lui est même défendu de se conformer au monde, d’en prendre l’esprit, d’en suivre les usages, d’entretenir avec lui de commerce. […] Lesquels privilèges servent de réponse au droit commun des maris, parce qu’un privilege spécial déroge au droit général ; que les maris ont assez de temps, voire quelquefois plus qu’ils n’en veulent, d’entretenir leurs femmes dont souvent ne font pas grand compte, &c. […] Est expressément défendu à tous Maris de n’aller masqués pour entretenir leurs femmes, & essayer leur prudhomie, feignant d’être quelqu’un duquel ils sont en doute, pour obvier aux grands inconvéniens & ruine de l’état de Masque. Est enjoint à tous les sujets d’amours de garder & entretenir la présente ordonnance, sans l’enfreindre en aucune maniere.

16. (1667) Traité de la comédie et des spectacles « Sentiments des Pères de l'Eglise sur la comédie et les spectacles — 5. SIECLE. » pp. 147-179

J'avais en même temps une passion violente pour les Spectacles du Théâtre, qui étaient pleins des images de mes misères, et des flammes amoureuses qui entretenaient le feu qui me dévorait: mais quel est ce motif qui fait que les hommes y courent avec tant d'ardeur, et qu'ils veulent ressentir de la tristesse en regardant des choses funestes et tragiques qu'ils ne voudraient pas néanmoins souffrir ? […] Mais les cœurs des hommes sont si pervertis et si rebelles, qu'ils s'imaginent que le monde est dans une pleine félicité, lors que ceux qui l'habitent ne pensent qu'à orner et à embellir leurs maisons, et qu'ils ne prennent pas garde à la ruine de leurs âmes : qu'on bâtit des Théâtres magnifiques, et qu'on détruit les fondements des vertus : qu'on donne des louanges et des applaudissements à la fureur des Gladiateurs, et qu'on se moque des œuvres de miséricorde; lors que l'abondance des riches entretient la débauche des Comédiens, et que les pauvres manquent de ce qui leur est nécessaire pour l'entretien de leur vie ; lors que les impies décrient par leurs blasphèmes la doctrine de Dieu, qui par la voix de ses Prédicateurs crie contre cette infamie publique, pendant qu'on recherche de faux Dieux à l'honneur desquels on célèbre ces Spectacles du Théâtre, qui déshonorent et corrompent le corps et l'âme. Si Dieu permet que ces désordres arrivent, c'est alors qu'il en est plus irrité : s'il laisse ces crimes impunis, c'est alors qu'il les punie plus sévèrement ; et quand il ôte aux hommes les moyens d'entretenir leurs vices, et que par la pauvreté il détruit l'abondance et la multiplication des voluptés ; ce traitement qui paraît contraire à leurs désirs, est un effet de sa miséricorde. […] Elles font attentivement réflexion sur toutes ces grâces que Dieu leur a faites, et qu'il a faites en même temps à d'autres pécheurs, et se plaisent à s'en entretenir avec ceux qui participent au même bonheur. […] Mais si l'on ne trouve pas que ces Spectacles dont nous avons parlé soient de si grande conséquence, que l'on considère attentivement ce que nous avons dit, et sans doute on reconnaîtra qu'au lieu de contentement ils nous apportent la mort, qu'ils nous perdent au lieu de nous divertir ; car en se retirant de ce qui peut entretenir la vie, ne se met-on pas au hasard de la perdre entièrement ; et lors qu'on a ruiné le fondement de sa Religion, n'a-t-on pas sujet d'appréhender la perte de son salut ?

17. (1694) Maximes et Réflections sur la Comédie « IV. S’il est vrai que la représentation des passions agréables ne les excite que par accident.  » pp. 10-18

Dites, que tout cet appareil n’entretient pas directement et par soi le feu de la convoitise ; ou que la convoitise n’est pas mauvaise, et qu’il n’y a rien qui répugne à l’honnêteté et aux bonnes mœurs dans le soin de l’entretenir ; ou que le feu n’échauffe qu’indirectement ; et que, pendant qu’on choisit les plus tendres expressions pour représenter la passion dont brûle un amant insensé, ce n’est que « par accident » c, que l’ardeur des mauvais désirs sort du milieu de ces flammes : dites que la pudeur d’une jeune fille n’est offensée que « par accident », par tous les discours où une personne de son sexe parle de ses combats, où elle avoue sa défaite, et l’avoue à son vainqueur même, comme elle l’appelle.

18. (1666) De l’éducation chrétienne des enfants « V. AVIS. Touchant les Comédies. » pp. 203-229

La Sainte même dans la suite de la pièce vient enfin à découvrir la passion secrète qu’elle a pour un jeune homme : et quoique l’auteur la lui fasse combattre, elle ne laisse pas néanmoins de donner lieu à ceux qui l’entendent de justifier en eux-mêmes par son exemple la passion qu’ils ressentent, et de l’entretenir sous prétexte de n’y vouloir point consentir. […] Dans les passages qui nous obligent de tendre toujours à la perfection, laquelle consiste dans l’assujettissement des passions à la grâce : ce qui ne se peut acquérir qu’en éloignant de l’esprit tout ce qui peut servir à les fortifier et à les y entretenir. « Cependant, dit-il, les spectacles au contraire font revivre les passions dans les cœurs les plus mortifiés, ils les y raniment, ils les y fortifient, et après avoir mis ceux qui les regardent comme hors d’eux-mêmes ils excitent en eux des mouvements de haine, d’amour, de joie, de tristesse, qui sont d’autant plus déréglés, qu’on aime bien souvent ce qu’on devrait haïr ou ce qui ne mérite aucune estime, et qu’on hait au contraire ce qu’il n’est pas permis de haïr Chap. […] Sont-ils moins obligés que ceux des premiers siècles à travailler pour atteindre à la perfection de l’Evangile, à affaiblir et à mortifier en eux les passions de la chair, et à éviter les objets qui les excitent, qui les entretiennent, et qui les fortifient ? […] Chrysostome, aussi bien que Tertullien, ne condamne pas seulement les comédies à cause de leur dissolution et de leur impureté, mais encore à cause qu’il n’est pas permis aux Chrétiens de passer le temps dans les ris, dans les divertissements, et dans les délices qui sont inséparables de ces spectacles ; qu’il les condamne, parce qu’on ne peut s’empêcher d’y donner de l’approbation et de l’applaudissement à des choses pour lesquelles les fidèles doivent avoir une souveraine horreur, et comme il ajoute en suite, « parce que ce sont ceux qui assistent à ces spectacles qui entretiennent la vie libertine de ceux qui les représentent, qui les animent par leurs ravissements, par leurs éclats et par leurs louanges, et qui travaillent en toute manière à embellir et à relever cet ouvrage du démon ».

19. (1694) Réponse à la lettre du théologien, défenseur de la comédie « Réponse à la lettre du théologien, défenseur de la comédie. » pp. 1-45

. « Si quelqu’un entretenait des Comédiens qui jouassent d’une manière scandaleuse et illicite, je ne doute point qu’il ne péchât comme s’il les entretenait dans le péché ». […] Ils vont à la Comédie remplis des plus funestes habitudes : la Comédie ne fait que les entretenir dans l’état où elle les trouve ; ils n’ont garde de sentir son action. […] C’est que naturellement on est persuadé que la Comédie ne sert qu’à entretenir le vice, et à nous endormir dans nos honteuses misèresPage 34. […] Secondement, « il en a jugé par les confessions des Fidèles, où il a trouvé que les pauvres qui ne vont point à la Comédie sont aussi grands pécheurs que les riches qui entretiennent le Théâtre ». […] Qu'il y ait des gens payés pour les entretenir, que les temps et le lieu en soient marqués, cela ne change point la chose, pourvu que dans toutes ces circonstances, il n’y ait point de scandale.

20. (1697) Histoire de la Comédie et de l’Opéra « HISTOIRE ET ABREGE DES OUVRAGES LATIN, ITALIEN ET FRANCAIS, POUR ET CONTRE LA COMÉDIE ET L’OPERA — CHAPITRE I. Abrégé de la Doctrine de l’Ecriture Sainte, des Conciles et des Pères de l’Eglise, touchant la Comédie. » pp. 2-17

Dieu a inspiré aux Princes d’entretenir cette défense par leurs Lois, puisque Philippe Auguste dans le 12 Siècle, chassa de sa Cour les Comédiens, au rapport de Dupleix Historien. […] On peut conclure de tout cela, que ceux qui disent qu’il est permis d’aller à la Comédie, se moquent et méprisent les censures de l’Eglise, puisqu’ils entretiennent par leur présence et par leur argent, les Comédiens dans la désobéissance à l’Eglise, et contribuent autant qu’il est en eux à leur damnation. […] Il n’y a rien de plus scandaleux dans tous les Spectacles, que de voir avec quel soin et quel agrément, les hommes et les femmes y sont parés : l’expression de leurs sentiments conformes ou différents pour approuver ou pour désapprouver les choses dont ils s’entretiennent, ne servent qu’à exciter dans leurs cœurs des passions déréglées.

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