Les Citoyens de Babylone au contraire ne songent qu’à se bien établir sur la terre eux et leurs enfants ; parce qu’ils la considèrent comme leur Patrie, et ne pensent nullement au Ciel. […] Ne vous trompez pas, il a en horreur tous ceux qui prennent encore quelque part aux pompes auxquelles ils ont renoncé dans leur Baptême : Et il ne met pas au nombre de ses enfants ceux qui prennent plaisir de s’écarter des voies qu’il leur a tracées. […] Peut-on donc s’imaginer que cet esprit conduise jamais à la Comédie un Chrétien qui est l’enfant de Dieu ? Un enfant qui aime son père, prendrait-il plaisir à le voir déshonorer ?
Y conduiriez-vous votre famille, vos enfants, vos amis ? […] Il élevait un Théâtre, mais moral : un Théâtre qui tournât au profit du cœur et de l’esprit ; qui formât des Citoyens, des Pères et des Mères de famille, des Enfants et des Sujets dociles ; qui ne respirât que l’honneur et la probité ; qui rectifiât les fausses idées et les remplaçât par de plus justes ; qui mît un frein aux passions et apprît à les régler ; qui fût ennemi déclaré du vice et épargnât le vicieux : persécuteur infatigable de tout ce qui conduit au détriment de la Société : protecteur zélé de ce qui en serre les liens ; qui montrât le crime et le vice dans toute leur difformité, et la vertu dans tout son lustre : en un mot, qui ne proposât que de bons exemples, et couvrît de confusion les mauvais. […] Le salut de ses Enfants lui est trop cher, pour souffrir ce qui y met obstacle. […] Si je cite pour le prouver un exemple tiré d’un âge qui n’est pas bien éloigné de l’enfance, souvenons-nous qu’il est des enfants à tout âge, surtout quant à la violence des passions.
Mais vous le sçavez : prédicateurs dans la chaire, directeurs dans le tribunal de la pénitence, docteurs dans les écoles, pasteurs des ames, ministres des autels, tiennent tous encore le même langage, et se trouvent appuyés de tout ce que l’Eglise a de vrais enfants et de vrais fideles. […] Vous avez des enfants, et après avoir mis votre premiere étude à leur inspirer les sentiments de la piété chrétienne, la religion, j’en conviens, ne vous défend pas de leur faire prendre certains airs du monde. […] Qu’alléguerez-vous à son tribunal pour votre excuse, et suffira-t-il de lui dire que vous vouliez dresser vos enfants et leur donner la science du monde ? […] Tel jeu n’est rien pour celui-là, mais il est tout pour celui-ci ; l’un peut aisément porter telle dépense, mais elle passe les forces de l’autre, et ce qui seroit un léger dommage pour le premier, doit avoir pour le second de fâcheuses suites : ainsi on a des dettes à payer, on a une nombreuse famille à entretenir et des enfants à pourvoir, on a des domestiques à récompenser, on a des aumônes à faire et des pauvres à soulager ; à peine les revenus y peuvent-ils suffire, et si l’on étoit fidele à remplir ces devoirs, on ne trouveroit plus rien, ou presque rien pour le jeu. […] Parce qu’on ne peut accorder ensemble le jeu et l’entretien d’une maison, on abandonne la maison, et l’on ménage tout pour le jeu ; on voit tranquillement et de sang froid des enfants manquer des choses les plus nécessaires ; on plaint jusqu’aux moindres frais, dès qu’il s’agit de subvenir à leurs besoins ; on les éloigne de ses yeux, on les confie à des étrangers, à qui l’on en donne la charge, sans y ajouter les moyens de la soutenir ; on ne les a pas actuellement ces moyens, à ce qu’on prétend, mais pourtant on a de quoi jouer.
La mère de cet enfant m’est bien chère : belle comme vous même… Vous allez la voir —. J’ai cessé de l’écouter ; j’ai pris mon fils dans mes bras ; & plus clairvoyant par l’instinct seul de la nature, ce cher enfant m’a reconnue ; il balbutiait, en me souriant, le nom de maman.
Pères et mères, loin de vous montrer les fauteurs et les protecteurs de cette œuvre des ténèbres, éloignez-en vos enfants, sauvez-les du naufrage ; si, dans la crainte de les attrister, vous les conduisiez vous-mêmes dans ces assemblées ténébreuses, vous ne seriez pas moins cruels et moins barbares que ces peuples idolâtres qui immolaient leurs enfants aux faux dieux : vous immoleriez les vôtres, non point aux faux dieux, mais au démon de la volupté.
Quelquefois aussi ils l’introduisent tellement fâché pour la perte de son petit enfant, qu’il pleure comme un veau. […] Il les faut enseigner aux jeunes enfants, à raison que sous les appâts et allèchements des fables,Platon 2. de Rep. ou de Iusto. […] ainsi qu’escrit Strabon] instruisaient leurs enfants en la Poésie, non seulement pour apprendre quelque simple et crue récréation, mais aussi pour en tirer une chaste modestie. […] Car elle a en soi trop grande violence, mêlée avec désespoir, laquelle rend aisément les gens de fous qu’ils sont, du tout insensés, et met en furie les gens de léger cerveau, et principalement quand ils oient réciter telles paroles inhumaines et enflées : « Il mangea ses enfants de ses propres dents. […] et tous joueurs de Comédies, farceries, et autres jeux sur échafauds : et à cette occasion y avait une ordonnance, par laquelle il était défendu, qu’un bateleur, farceur, et autres que nous appelons communément en France, Enfants sans souci, ne s’assissent en pas un des quatorze premiers rangs ou sièges au Théâtre.