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240. (1758) Lettre de J. J. Rousseau à M. D’Alembert « JEAN-JACQUES ROUSSEAU. CITOYEN DE GENÈVE, A Monsieur D’ALEMBERT. » pp. 1-264

Je ne sache que trois sortes d’instruments, à l’aide desquels on puisse agir sur les mœurs d’un peuple ; savoir, la force des lois, l’empire de l’opinion, et l’attrait du plaisir. […] Un effet naturel de ces sortes de Pièces est donc d’étendre l’empire du Sexe, de rendre des femmes et de jeunes filles les précepteurs du Public, et de leur donner sur les Spectateurs le même pouvoir qu’elles ont sur leurs Amants. […] Qu’après avoir mieux consulté son cœur, Titus ne voulant ni enfreindre les lois de Rome, ni vendre le bonheur à l’ambition, vienne, avec des maximes opposées, abdiquer l’Empire aux pieds de Bérénice ; que, pénétrée d’un si grand sacrifice, elle sente que son devoir serait de refuser la main de son amant, et que pourtant elle l’accepte ; que tous deux enivrés des charmes de l’amour, de la paix, de l’innocence, et renonçant aux vaines grandeurs, prennent, avec cette douce joie qu’inspirent les vrais mouvements de la Nature, le parti d’aller vivre heureux et ignorés dans un coin de le terre ; qu’une Scène si touchante soit animée des sentiments tendres et pathétiques que le sujet fournit et que Racine eût si bien fait valoir ; que Titus en quittant les Romains leur adresse un discours, tel que la circonstance et le sujet le comportent : n’est-il pas clair, par exemple, qu’à moins qu’un Auteur ne soit de la dernière maladresse, un tel discours doit faire fondre en larmes toute l’assemblée ? […] Si les femmes n’ont pu se lasser de courir en foule à cette Pièce enchanteresse et d’y faire courir les hommes, je ne dirai point que c’est pour s’encourager par l’exemple de l’héroïne à n’imiter pas un sacrifice qui lui réussit si mal ; mais c’est parce que, de toutes les Tragédies qui sont au Théâtre, nulle autre ne montre avec plus de charmes le pouvoir de l’amour et l’empire de la beauté, et qu’on y apprend encore pour surcroît de profit à ne pas juger sa Maîtresse sur les apparences. […] Dans ce séjour de la raison, la beauté n’est pas étrangère, ni sans empire ; le levain de la mélancolie y fait souvent fermenter l’amour ; les hommes n’y sont que trop capables de sentir des passions violentes, les femmes, de les inspirer ; et les tristes effets qu’elles y ont quelquefois produits ne montrent que trop le danger de les exciter par des spectacles touchants et tendres.

241. (1819) La Criticomanie, (scénique), dernière cause de la décadence de la religion et des mœurs. Tome II « Résumé et moyens de réformation. » pp. 105-200

C’est en parcourant trop librement cet intervalle que tant de mauvais exemples impunis et impunissables par la loi en montrent les voies détournées à la jeunesse, lui apprennent à se jouer de la morale et des principes, ôtent peu à peu à la justice et à l’humanité leur empire sur les cœurs.

242. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre onzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre VIII. Anecdotes illustres du Théatre. » pp. 186-214

Comment explique-t-il le flux de la mer, la mer entend sa voix (celle de Newton ;) je vois l’humide Empire , (image burlesque) s’élever, s’avancer vers le Ciel qui l’attire, mais un pouvoir central arrête ses efforts, la mer tombe, s’afaisse & roule vers ses bords .

243. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre douzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et litteraires, sur le théatre. — Chapitre III.  » pp. 68-96

Quand tout l’Empire de Flore avec les deux Arabies & les lieux où naissent les beaumes seroient distillés, on ne feroit pas un assortiment de senteurs comme celui là, &c.

244. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quatorzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littérairesn sur le théatre. — Le Comte de Chavagnac & le Marquis de… » pp. 188-216

L’Empereur Neron avoit aussi son Podthomorge dans Petrone, qu’il appeloit arbiter voluptatum  ; mais il n’en avoit pas fait une charge de l’Empire, qui allât de pair avec les Préteurs & les Proconsuls.

245. (1774) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre seizieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre VII. Autre suite de diversités curieuses. » pp. 173-202

Parmi tous ces ennemis qui nous font une cruelle guerre pour nous amuser, disent-ils, ils devroient dire pour nous perdre, la passion de l’amour est la plus dangereuse, par le penchant violent qu’y donne la concupiscence, par les crimes sans nombre qu’elle fait commettre, par l’empire souverain qu’elle exerce sur le théatre, ses attraits, ses dangers, ses objets, toutes les batteries qu’elle y dresse contre un cœur déjà demi vaincu, & qui aime sa défaite par les erreurs qui lui ouvrent toutes les avenues ; que c’est la foiblesse des Héros, l’amusement de la jeunesse, que la sévérité de la vertu est un ridicule ; par la réunion de mille autre ennemis, le chant, la danse, la pompe avec ses vanités, ses charmes & ses immodesties, par l’assemblage des deux sexes, avec tout ce qu’ils ont de séduisant, & de tous les libertins, avec tout ce que leur compagnie a de pernicieux.

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