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79. (1715) La critique du théâtre anglais « CHAPITRE IV. Le vice élevé en honneur et substitué à la place de la vertu sur le Théâtre Anglais. » pp. 240-301

L’innocence doit souvent son salut à la crainte et à la honte attachée au crime : si vous rompez ce double frein, et que l’intérêt propre se trouve joint à la liberté de commettre le mal tête levée ; que peut-on attendre de là, sinon que le plaisir devienne le maître absolu, et que tout cède à la cupidité ? […] de faire une honte aux jeunes gens, surtout de leur régularité ; de les forcer en quelque manière à devenir libertins pour leur propre honneur ? […] « Qu’allons-nous devenir ? […] Car, n’y a-t-il point de divertissement à espérer, à moins qu’on ne représente le vice heureux, ou qu’on ne lui ouvre toutes les voies pour le devenir ? […] qu’es-tu devenue ?

80. (1759) L.-H. Dancourt, arlequin de Berlin, à M. J.-J. Rousseau, citoyen de Genève « CHAPITRE I. Où l’on prouve que le spectacle est bon en lui-même et par conséquent au-dessus des reproches de M. Rousseau. » pp. 13-64

Assez heureux pour n’avoir à s’occuper que de leurs affaires personnelles et de l’augmentation de leur fortune, tout ce qui n’y a pas un rapport direct, leur devient comme étranger ; mais dites-moi Monsieur, cette indifférence sur le bien général n’est-elle pas moins dangereuse que le zèle indiscret et l’esprit réformateur ? […] A-t-il attendu que nos Médecins fussent devenus savants, aimables, éloquents, dociles et prudents dans les consultations, prêts à déférer à l’avis le plus sage et à des conclusions probables, pour se moquer des Médecins pédants, opiniâtres, bavards, incapables par ignorance de faire des applications raisonnées des principes de leur art ? […] Ce courage ne doit avoir lieu que vis-à-vis les ennemis du Prince, et dès qu’on l’emploie contre un de ses compatriotes on devient criminel envers l’Etat, puisqu’on s’expose à le priver d’un bras destiné pour sa défense. […] Dans Arlequin sauvage, la scène du Capitaine qui est prêt à se couper la gorge avec son ami devenu par hasard son rivalaw, n’est-elle pas une excellente critique de la bravoure mal employée ? […] La preuve de ce que je dis résultera de l’expérience : tirez votre musique de la bouche de ces gens-là, vous verrez ce qu’elle deviendra.

81. (1579) De l’Imposture et Tromperie « [FRONTISPICE] »

[FRONTISPICE] de l’imposture et tromperie des Diables, Devins, Enchan- teurs, Sorciers, Noueurs d’aiguillettes, Chevilleurs, Nécromanciens, Chiromanciens, et autres qui par telle in-vocation Diabolique, ars Magiques et Su-perstitions abusent le peuple.

82. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Première partie « Causes de la décadence du goût sur le théâtre. — Chapitre I. Du Théâtre des Anciens. » pp. 2-24

La plûpart ne pouvant dissiper l’ennui qui les dévore, par aucun moyen qui soit en eux-mêmes, ont été trop heureux de recevoir ceux qu’on leur a présentés, pour se dérober à leur propre foiblesse, & perdre, dans une foule de distractions & d’amusemens, un tems qui étoit devenu pour eux un fardeau insupportable. […] Ayant passé de la Campagne dans les Villes, ces jeux changerent d’objet & de forme & devinrent les délices de la Grèce. […] Les biens des uns devinrent ceux des autres : on préféra les fruits de la conquête aux possessions patrimoniales.

83. (1726) Projet pour rendre les spectacles plus utiles à l’Etat « Projet pour rendre les spectacles plus utiles à l’Etat » pp. 176-194

Il faut que le spectacle plaise fort aux spectateurs, autrement ils n’iraient point en grand nombre au spectacle ; mais il faut que le Poète rende encore le spectacle utile et que les mœurs en deviennent plus aimables, plus désirables, et surtout plus innocentes et exemptes de vices. […] C’était un grand Peintre ; mais comme il ne visait qu’à faire sa réputation et sa fortune à force de plaire aux spectateurs, et comme il ne se souciait point du tout du but de la politique qui est d’inspirer aux citoyens par des traits de ridicule le mépris et l’indignation que méritent les vices et les défauts, il négligeait fort l’utilité publique pour ne songer qu’à son utilité particulière, aussi nous ne voyons pas que nos mœurs soient devenues beaucoup meilleures dans le fond depuis la représentation de ses comédies, je ne sais même si à tout peser on ne trouverait pas le contraire. […] Si dès à présent on établit dans un grand Etat un Bureau pour diriger les spectacles vers les mœurs désirables de la société, si par les prix qu’elle distribuera aux Poètes qui plairont le plus et qui dirigeront le mieux leurs ouvrages vers la bonne morale, il arrivera avant trente ans que les pères et les mères les plus sages mèneront leurs enfants à la Comédie comme au meilleur Sermon, pour leur inspirer des sentiments raisonnables et vertueux, il arrivera que dans toutes les villes, de trente mille habitants il y aura aux dépens du public des théâtres et des Comédiens, afin qu’avec peu de dépense les habitants médiocrement riches puissent assister au spectacle, et l’on verra ainsi le plaisir contribuer au bon gouvernement, ce qui est le sublime de la politique ; car qu’y a-t-il de plus estimable que de mener les hommes par le chemin des plaisirs innocents et actuels, à une diminution de peines, et même à d’autres plaisirs futurs, la nation se polirait de plus en plus jusques parmi le peuple, les sentiments de vertu entreraient avec le plaisir dans les cœurs des Citoyens, et par le perfectionnement de nos mœurs, la société deviendrait tous les jours plus douce, plus tranquille et plus heureuse, et c’est le but que je m’étais proposé dans ce Mémoire.

84. (1825) Encore des comédiens et du clergé « DISCOURS PRELIMINAIRE. » pp. 13-48

La sublime morale chrétienne et évangélique fut trop souvent foulée aux pieds par ceux-là même qui s’annonçaient pour la prêcher, par des prêtres hypocrites et prévaricateurs, devenus corrupteurs de la morale religieuse, de la morale politique et de la morale particulière. […] Les souverains devenus meilleurs en pratiquant eux-mêmes la morale, auront les yeux ouverts sur leurs véritables intérêts. […] Leurs élèves trop dociles, lorsqu’ils sont bien imbus de faux principes et de doctrines détestables, deviennent également les ennemis déclarés des sciences, et à l’exemple de leurs instituteurs, ils ne veulent pas que les hommes s’éclairent, et condamnent les peuples à l’ignorance : A peine sortis des bancs, ils refusent eux-mêmes, de s’instruire d’une manière plus approfondie ; leur âme abâtardie s’accoutume à ne plus faire usage de la raison et à ne plus avoir une conscience qui leur soit propre ; ils sont soumis à l’erreur et au mensonge. […] Je le répète donc, il est injuste de condamner le peuple à l’ignorance : cette injustice est une mauvaise action, qui, dans aucune hypothèse, ne peut faire le bonheur de la société, ni devenir un bienfait politique, et encore moins servir de moyen pour mieux gouverner. […] Mais ils apprirent encore que pour maîtriser les esprits les plus revêches et pour en imposer généralement, il fallait étonner, effrayer et inspirer de la terreur ; ils eurent donc recours aux impostures superstitieuses et aux barbaries du fanatisme qu’ils exercèrent tantôt par eux-mêmes, témoin les tortures et les bûchers de l’inquisition, et tantôt en employant une telle influence sur les gouvernements, que ceux-ci obéissaient à la voix des prêtres, et devenaient les exécuteurs des vengeances sacerdotales.

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