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266. (1778) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre vingtieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre III. Suites des Mélanges. » pp. 68-117

Un des grands inconvéniens de ces villes énormes (Journ. du 9 mai 1771) c’est que la moitié de ces hommes entassés pêle-mêle, ne vivent qu’en procurant au public des amusemens dangereux & criminels, qu’ils sont intéressés à rendre plus séduisans pour en tirer parti, opéra, comédie, bal, mascarades, vauxhal, café, brelan, maison de jeu, scênes de toutes especes, &c. ce qui produit & entretient tous les vices, & attire les scélérats & les débauchés de tout le royaume ; on y trouve plus d’objets de crime, plus piquans, plus faciles, plus rusés, mieux exercés, prévenans, accomodans ; le vice moins connu & plus protégé y est en sureté, c’est une forêt épaisse où il se cache. […] Il eût suffit ce semble de leur faire observer la loi : mais le théatre a paru au gouverneur le lieu le plus dangereux, où elles pouvoient faire le plus de mal, parce que tout les y favorise. […] L’esprit de débauche, dangereux par-tout, l’est encore plus à Bordeaux qu’ailleurs, par l’affluence des étrangers, qui, aux foiblesses du pays, viennent joindre les vices des deux hémispheres & les passions brûlantes du nouveau monde. […] Les assemblées de danses sembleroient au premier coup-d’œil n’avoir rien de dangereux pour les mœurs : mais si on les considere sous tous les rapports de vice, corruption, de scandale, dont elles peuvent être la source ; si des dangers de la licence, dont elles sont le prétexte, on passe à la qualité, à l’examen de la vie & de la conduite des personnes qui les goûtent ou les fréquentent, comment ne pas s’effrayer pour les mœurs du concours de tant d’ames viles ou corrompues ? […] Ici, par un poison plus subtil & plus dangereux, c’est une corruption réfléchie, un vice artisé, une licence systêmatique, où l’on diversifie, multiplie, combine les objets séduisans, pour satisfaire plus long-temps, plus agréablement, plus tranquillement un cœur dépravé.

267. (1767) Réflexions sur le théâtre, vol 6 « Réflexions sur le théâtre, vol 6 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE SIXIÈME. — CHAPITRE I. Faut-il permettre aux femmes d’aller à la Comédie ? » pp. 4-29

Cette nation ennemie déclarée des bonnes mœurs, les Actrices leur étoient inconnues (on a long-temps suivi cette loi parmi nous) ; ils interdisoient même aux femmes l’entrée des spectacles, jusqu’aux jeux olympiques, quoique moins dangereux, comme le marque Stace (Thebaid. […] L’opéra est de tous les spectacles le plus analogue au cœur des femmes, par conséquent le plus dangereux. […] Peut-on comprendre qu’un pere délicat sur les mœurs de sa fille, un mari sur l’honneur de sa femme, un amant même sur les sentimens de la personne qu’il se destine pour compagne, les voient sans les plus vives inquiétudes à l’école la plus rafinée de la coquetterie, & dans les occasions les plus dangereuses de l’infidélité ?

268. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 2 « Chapitre VI. Suite de l’infamie civile. » pp. 126-152

» Les sottises que dit le peuple ne sont pas des injures, le lieu même l’excuse : « Quidquid illuc agaudente populo dicitur injuria non putatur, locus defendit excessum. » Le commerce des Comédiens est regardé par les lois comme si dangereux, qu’il est défendu de laisser aux enfants et aux femmes la liberté de les fréquenter ; ce serait exposer au plus grand danger leur religion et leurs mœurs. […] Tous les honnêtes gens refusent de pareils locataires, mais il s’en trouve toujours d’une âme assez basse et assez corrompue pour avoir des hôtes si dangereux, et pour quelque somme d’argent abandonner leurs femmes, leurs enfants, leurs domestiques, s’abandonner eux-mêmes à la contagion de la plus mauvaise compagnie, et faire trouver chez eux à toute une ville l’écueil de l’honnêteté publique et le théâtre du désordre qui n’en abandonne jamais les Acteurs : « Nullus puer, vel fœmina Themelici consortio utatur, si Christianæ religionis esse cognoscitur. » (L. […] Ils n’ont pas de vrais besoins, et ils sont indignes de vos largesses, tandis qu’ils le font volontairement : « Da bono, et non recipias peccatorem. » Ce serait favoriser leur désordre et y participer, et vous rendre comptable des innombrables péchés qu’ils occasionnent : ce serait doublement y participer, « in crimine criminoso », selon l’expression des Canonistes, que d’acheter les plaisirs dangereux qu’ils procurent, en assistant à leurs pernicieuses représentations.

269. (1765) De l’éducation civile « De l’éducation civile » pp. 76-113

Si, dans cette derniere recolte, ils viennent à rencontrer des graines dangereuses, ils sauront s’en préserver à l’aide des principes dont on aura pris soin de les prémunir. […] Mais on seroit plus curieux de connoître quelles passions sont les plus dangereuses de l’amour ou de la cupidité ; comment on doit distinguer, la prudence de l’astuce ; sur quoi se fonde la parfaite amitié, & si ce sentiment doit être compris au nombre des vertus.

270. (1761) Les spectacles [Querelles littéraires, II, 4] « Les spectacles. » pp. 394-420

S’ils étoient aussi dangereux qu’on le prétend, inviteroit-on au coin des rues à les aller voir ? […] Rousseau, le conseil le plus dangereux qu’on pût donner, du moins tel est mon sentiment, & mes raisons sont dans cet écrit. » Quoique ces raisons semblent ne devoir convenir qu’à la constitution de Genève, elles sont pourtant exposées très-souvent d’une manière générale.

271. (1778) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre vingtieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre VI. Machiavel. » pp. 198-214

Le Machiavélisme littéraire des auteurs, le Machiavélisme galant des actrices n’est pas moins dangereux ; les écrivains se déchirent sans cesse, cabalent, s’intriguent, font gémir la presse, le sang coule sur la scène tragique, les brochures inondent le parterre, les actrices rivalent, se disputent un seigneur, un financier, un fils de famille, étalent leurs charmes & leur licence, font espérer leurs faveurs, aiguisent leurs traits ; la toilette est l’arcenal, les foyers le champ de bataille. […] Le poison du théatre n’est pas moins dangereux, ni les haines moins irréconciliables.

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