Ceux qui mettent des démons sur le Théâtre ne croient peut-être guère qu’il y en ait ailleurs. […] Ces deux démons confédérés de l’intempérance et de la volupté sont bien placés ensemble. […] que de combattre et mettre en fuite le démon ? […] En un mot tous ces amusements flatteurs ne sont que des stratagèmes du démon. […] Il ne dit point : Réjouissez-vous dans le Démon.
La Musique prétend être plus spirituelle que la Peinture, et elle présume par cette raison qu’un Prince ne la doit pas mépriser : Car elle ne flatte pas seulement l’oreille, qui est le plus délicat de tous les sens ; mais elle calme les passions aussi bien que l’éloquence, et elle se vante que par la Lyre de David elle a charmé des Rois et chassé des Démons. […] On sait bien qu’elle est plus curieuse que solide ; que quand elle demeure dans les termes de la Nature et qu’elle ne consulte que les Astres, elle est ignorante ; que quand elle passe ces bornes, et qu’elle consulte les Démons, elle devient criminelle : De sorte qu’en quelque état qu’on la regarde, elle doit être toujours suspecte au Souverain, et il faut qu’il demeure bien persuadé, qu’il n’y a point d’argent plus mal employé que celui qu’on donne pour la récompense d’un Art qui ne vend que des conjectures ou des mensonges.
Le Mercure de décembre 1763 nous dit que dans une entrée d'une pièce de théâtre on peignit, « avec les traits les plus forts et les plus vrais, les jeux des athlètes et des gladiateurs », par les plus vigoureux Acteurs, « ainsi que celle des furies » par un des gladiateurs déguisé en femme et deux Actrices vigoureuses, « ce qui était d'un grand effet » ; que l'entrée des démons par des athlètes déguisés en démons « inspirait le trouble et la terreur» ; et que tout y était « caractérisé avec feu », et jusques aux gladiatrices. […] Pour les rôles des furies et des démons, le travestissement de femmes en diables, d'hommes en Euménides, comme il n'en coûte que la décence, ils seront aisément remplis et joués d'après nature. […] Un Chrétien, s'il en est au théâtre, a-t-il besoin de masque pour sentir qu'il y est réellement au milieu des démons et des furies ? […] Qu'importe au démon qu'on se damne par un péché ou par un autre ? […] Ainsi dans les combats que le spectacle livre à la vertu, ou plutôt dans la défaite générale de ceux qui osent s'y exposer, tout ne reçoit pas les mêmes atteintes ; l'impureté, qui y domine, n'est pas toujours l'épée qui porte le coup mortel, chaque passion lance ses traits ; l'arsenal de l'iniquité, le carquois du démon, ainsi que celui de l'amour, sont bien fournis.
Oui : car elle y est dès le temps du Paganisme et de l’Idolâtrie, qui était la saison plus commode au Démon pour établir cette abomination. […] qui assurent que l’ancienne croyance de l’Eglise, est qu’aux renonciations du Baptême contre le Démon, ses pompes, et ses œuvres, les Spectacles et les Comédies y sont comprises, et ajoutent, qu’on manquerait beaucoup de conduite d’exorciser d’une part le Démon, si d’ailleurs on laissait aux Chrétiens pleine liberté d’assister à telles occupations, et de renoncer par là à Jésus-Christ, ainsi qu’ils auraient avant fait au Diable.
Il ne faut doc point trouver étrange que l'on ait interdit aux premiers Chrétiens avec tant de rigueur les Jeux du Théâtre, et tous les autres Spectacles du Paganisme, puis qu'ils avaient partout les marques de l'hommage honteux et détestable que l'on y rendait aux Démons. […] Il en est arrivé de même des Poèmes Dramatiques : car depuis qu'ils ont été retirés des Théâtres anciens consacrés aux faux Dieux, ils n'ont plus été considérés comme une invention des Démons, et n'ayant plus rien de leur vieille et criminelle vénération, ils sont donnés au public, et portés jusques dans le Palais des Rois, sans aucun scrupule d'Idolâtrie ; On les regarde seulement comme les Chefs-d'œuvre d'un bel esprit ; et une parfaite imitation de la vertu des Héros, et tout ce que l'on y peut admirer sont les inventions du Poète, et le beau récit des Acteurs.
S’il faut montrer de l’amour, ou de la haine : de l’espérance ou du désespoir : de la joie, ou de la tristesse : ils recueillent ce qu’il y a de plus emporté dans les Auteurs les plus lascifs et les plus éloquents, et y ajoutant ce que leur invention leur peut fournir, vous diriez que vous voyez et que vous entendez parler ces démons qu’adoraient les Païens sous les noms des Dieux de l’Amour ou de la Fureur ; et des autres passions dont ils voulaient autoriser le dérèglement. […] Des hommes et des femmes déclarés infâmes par le Concile 7. de Carthage, et excommuniés, selon le témoignage de saint Cyprien, en la première lettre du septième livre de ses Epîtres, sont les instruments funestes dont le démon se sert pour remporter ces victoires sur la piété chrétienne, et se mettre en possession de ces triomphes, trouvant ces misérables parfaitement dociles à tous les mouvements qu’il lui plaît de leur imprimer dans le cœur et dans le corps. […] Il leur est indifférent de représenter un Saint, ou un démon ; une Vierge Martyre, ou une prostituée. […] Ajoutez que ces Comédies se jouent aux flambeaux, et de soir, ce qui ne contribue pas peu à favoriser le vice, et à lui faire jeter dans l’âme de ceux qui y assistent, de très profondes racines : les impressions que ces œuvres de ténèbres, revêtues d’une fausse lumière, leur font, leur servent d’entretien tout le reste du jour, et forment les dernières pensées qu’ils ont dans leurs lits, qui sont des semences de péché, que le démon fait germer par ses illusions, et qu’il conduit jusques à son dernier effet, à la faveur de la concupiscence.